Pr Hubert Planel, pionnier à Toulouse de l'étude de l'effet des radiations sur les eucaryotes dans l'espace |
-->
Objet : demande d’insertion du
thème de la radioprotection contre les faibles et les très faibles doses à l’ordre
du jour de la prochaine commission d’information
Messieurs,
Sur les quelque
470 000 personnes évacuées à Fukushima, en mars 2011, 174 000 n’étaient
pas rentrées chez elles cinq ans après l’accident nucléaire, dont 100 000 sur le seul territoire de
la préfecture de Fukushima où, à ce jour, 53 000
n’ont pas encore réintégré leurs logements, 4000 vivant toujours dans des
bâtiments préfabriqués temporaires.
Par ailleurs, tous les rapports sanitaires sur le sujet – UNSCEAR, OMS,
ICBDSR (japonais) – sont unanimes à conclure que la radioactivité accidentelle
n’a fait là-bas qu’un nombre négligeable de victimes, au regard de celui des victimes
de la tragique psychose engendrée par une aussi massive et aussi durable
évacuation : un triplement du taux de mortalité a été enregistré dans les
hôpitaux et dans les maisons de retraite médicalisées de la zone, tandis que l’évaluation
du nombre de suicides et de décès prématurés, dus à la dégradation rapide des
conditions de santé et à la mauvaise gestion des refuges, va de 1800 à 2300.
Pourtant, ce vaste mouvement de populations ne fut que l’application,
certes zélée, par les autorités japonaises, de recommandations sanitaires de la
CIPR (1)
depuis longtemps en vigueur, dont on ne se rend compte qu’aujourd’hui qu’elles sont
exagérément prophylactiques, ainsi qu’en témoigne le non-lieu sanitaire venant
d’être prononcé sur le dernier volet de l’enquête lancée, après l’accident, par
la préfecture de Fukushima (2), portant sur le suivi des femmes
enceintes, des grossesses et des naissances locales : aucune augmentation
des accouchements anormaux, ni de détérioration de la santé maternelle, si ce
n’est la détérioration de la santé mentale de beaucoup de mères atteintes des
mêmes symptômes dépressifs que nombre de leurs compatriotes locaux.
Ajoutons que, selon le livre blanc 2017 de l’UNSCEAR, aucune nouvelle
étude n’a eu d’incidence significative sur les principales conclusions de son
rapport 2013, à savoir : taux de cancer devant rester stable ;
risque théorique de cancer de la thyroïde accru pour les enfants les plus
exposés ; pas d’impact sur les malformations de naissance ou sur les
effets héréditaires ; pas d’augmentation observable des taux de cancer
chez les travailleurs ; impact temporaire sur la vie sauvage.
Ainsi, le désastreux bilan sanitaire des évacuations de Fukushima, dont
on réalise aujourd’hui que le caractère massif n’était pas justifié, est-il
tout à mettre au débit de prescriptions exagérément conservatives de la CIPR,
dont l’instauration remonte au lendemain de la dernière guerre, à une époque où
l’on découvrait tout juste les méfaits biologiques de la radioactivité. Faute
de connaissances scientifiques suffisantes, les autorités sanitaires, alors
chargées de règlementer la radioprotection et traumatisées par les ravages des
bombes de Hiroshima et de Nagasaki, décidèrent d’extrapoler jusqu’à 0 la relation linéaire « dose/effets sanitaires » observée pour les doses reçues supérieures
à 100 mSv et donc d’accréditer implicitement l’idée (règlementaire) que
toute dose, aussi faible soit-elle, cause des dégâts à l’organisme humain.
Or, depuis plusieurs années déjà, il est largement admis par la
communauté scientifique mondiale qu’une telle relation linéaire sans seuil –
RLSS – ne repose sur aucune base scientifique. Au contraire, le corps médical
est désormais en mesure de démontrer, observations empiriques, études exhaustives
et radiothérapies à l’appui, que ladite courbe n’est pas linéaire, mais en
forme de U inversé et que, en dessous d’un seuil de dose appelé NOAEL (3), elle rend compte d’effets bénéfiques sur
l’organisme humain, connus sous le nom d’effet Hormesis.
Partant, le corps médical n’a aujourd’hui de cesse que de convaincre la
CIPR de renoncer à une RLSS non seulement désuète, mais dangereuse à bien des
égards. Hélas, ce corps médical trouve plus que jamais sur sa route la plupart
des organisations anti nucléaires brandissant ce faux argument, en toutes
occasions de leur combat partisan.
Quoi qu’il en soit, à quelques semaines d’un cinquième exercice
national de crise nucléaire, sur la plateforme toulonnaise, les résidents
locaux au fait de ce qui vient d’être exposé ont des raisons d’être hantés par
la transposition à Toulon du cauchemar rapporté ci-dessus. À cette aune, ils
mesurent surtout ce qu’aurait à gagner la structure de leur PPI au renoncement
d’ASN et d’IRSN à une RLSS scientifiquement et empiriquement démonétisée.
Ces gens sont en effet parmi les mieux placés pour savoir que, quels
que soient les circonstances, la nature et le siège d’un accident nucléaire
survenant dans la base marine, dans la grande ou dans la petite rade, les
Toulonnais et les habitants des communes voisines ne seraient exposés qu’à de
faibles ou, plus probablement, très faibles doses. Il ne peut donc que se
révéler contreproductif de chercher à les en protéger par des dispositions
règlementaires dont la démesure est susceptible de leur causer plus de préjudices
que la radioactivité.
Les autorités militaires ont largement les moyens de justifier ce qui précède,
sinon d’en démontrer techniquement et scientifiquement la véracité, ce que, d’une
manière indirecte ou d’une autre, elles font déjà régulièrement. C’est pourquoi
l’abandon programmé de la référence à la RLSS doit amener les responsables d’un
PPI ô combien spécifique à
reconsidérer l’esprit dans lequel il convient désormais d’en déployer la
simulation ordinaire ; ordinaire, c’est-à-dire triennale et
débarrassée du volet « évacuation ». Car, outre le caractère démagogique de la prétendue
nécessité d’exécuter régulièrement ce volet, cette lourde exécution parasite
inutilement les opérations de protection et de secours qui seraient réellement
mises en œuvre à Toulon, en cas d’accident… probablement seules.
Mieux, la nouvelle appréciation des seuils de radioprotection, découlant de l’abandon de la référence à la RLSS, ne tardera pas à montrer que, dans une certaine mesure, il devrait en aller, à Toulon, du volet « distribution et ingestion des comprimés d’iode stable » comme de ce qui est dit ci-dessus du volet « évacuation ». Si l’occasion devait m’en être donnée, je montrerais pourquoi les seuils correspondants pourraient d’ores et déjà être sensiblement relevés, par la simple application de la recommandation CIPR concernée, débarrassée de son limiteur RLSS.
Mieux, la nouvelle appréciation des seuils de radioprotection, découlant de l’abandon de la référence à la RLSS, ne tardera pas à montrer que, dans une certaine mesure, il devrait en aller, à Toulon, du volet « distribution et ingestion des comprimés d’iode stable » comme de ce qui est dit ci-dessus du volet « évacuation ». Si l’occasion devait m’en être donnée, je montrerais pourquoi les seuils correspondants pourraient d’ores et déjà être sensiblement relevés, par la simple application de la recommandation CIPR concernée, débarrassée de son limiteur RLSS.
Comme les masques à oxygène et les gilets de sauvetage qui ne servent quasiment
jamais, dans les avions de lignes, il est bien entendu hors de question d’envisager
la suppression des volets « iode » et « évacuation » du
plan d’urgence. Mais, pour s’assurer qu’ils demeurent constamment
opérationnels, point n’est besoin d’en mimer tous les trois ans un lourd
déroulement sans valeur démonstrative. Semestriellement ou annuellement, il
suffit d’astreindre leurs logistiques, leurs intendances, leurs effectifs de
toutes spécialités et, surtout, les compétences nominatives qui les servent à un strict inventaire qualitatif et
quantitatif, de même qu’à un contrôle impromptu des disponibilités de tous
ordres. Pour aider à concevoir une telle gamme, on peut utilement s’inspirer
des procédures périodiques en vigueur dans toutes les INB.
Ainsi que l’a toujours prôné le CCRR, se confirme-t-il peu à peu que la
vérification triennale du caractère opérationnel du PPI Toulonnais doit essentiellement consister en la mise en
œuvre d’un confinement (ou mise à l’abri) de la population exposée, le plus
exhaustif et plus efficace possible.
C’est à cet entrainement le plus réaliste possible, peu contraignant aux plans
pratique et logistique, que tout exercice de crise toulonnais doit et aurait
toujours dû s’astreindre, en priorité.
Continuer de se prêter au simulacre de la gestion complète d’un surréaliste
accident de Tchernobyl, dont le caractère virtuel des ambitions stratégiques,
tactiques, pédagogiques et de retour d’expérience n’abuse plus personne, ne
travaille pas, peut-être à dessein, à l’acceptabilité du nucléaire dans notre
pays ; surtout depuis que, en application des toutes dernières
prescriptions règlementaires, la première contre-mesure à mettre en œuvre, dès l’ouverture
de tout PPI, est… l’évacuation des habitants de la zone de danger !
Ce qui s’est passé à Fukushima illustre dramatiquement combien
l’application infondée de la RLSS, par les dispositions de radioprotection d’un
plan ORSEC nucléaire, peut se révéler délétère pour les populations sinistrées.
C’est pourquoi, avec l’appui du professeur Jean-Philippe
Vuillez (4), j’ai récemment pris
l’initiative de saisir de cette question mesdames Noiville et Blaton
respectivement présidente et secrétaire technique du HCTISN (5), qui, en date du
30 septembre 2019, m’ont déclaré mettre à exécution la démarche suivante :
proposer au bureau de cet organisme d’ajouter le thème ci-après à l’ordre du
jour d’une prochaine réunion plénière du HCTISN : relayer en direction
de l’IRSN la demande conjointe du
président du CCRR et d’une très grande part du corps médical, représentée au
comité par monsieur Vuillez, de
reconsidérer le poids de la RLSS dans la doctrine de radioprotection nationale,
lors d’une rencontre experte et contradictoire, à organiser au plus
haut niveau.
En conséquence, messieurs les préfets, je vous demande instamment de
bien vouloir mettre ce problème de l’adéquation de nos plans d’urgence à une
bonne radioprotection des populations contre les faibles et les très faibles
doses à l’ordre du jour de la prochaine réunion de la Commission
d’Information du port militaire. J’espère y avoir la possibilité de développer
quelques arguments, mais, dans tous les cas, réitèrerai officiellement la
demande ci-dessus auprès du représentant de l’IRSN et, le cas échéant, ferai état
du niveau d’instruction de la démarche engagée.
(1) Commission Internationale de Protection
Radiologique
(2) The Fukushima Health Management
Survey ou FHMS
(3) No Observable Adverse Effect Level
(4) J.Ph
Vuillez est le Chef du Service de Médecine Nucléaire Diagnostique et
Thérapeutique au CHU de Grenoble, président sortant de la Société Française de Médecine
Nucléaire
(5) Haut
Comité pour la Transparence et l’Information
sur la Sécurité Nucléaire.
https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2749234?utm_source=silverchair&utm_medium=email&utm_campaign=article_alert-jamanetworkopen&utm_content=wklyforyou&utm_term=090419
https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2749234?utm_source=silverchair&utm_medium=email&utm_campaign=article_alert-jamanetworkopen&utm_content=wklyforyou&utm_term=090419
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire