Le paiement à l'acte est actuellement généralisé dans le système de soins français en dehors des médecins des hôpitaux publics et de certains hôpitaux à but non lucratif. Les conséquences de cette généralisation ne peuvent être du point de vue économique
qu'inflationnistes. En effet les droits accordés par l'état aux français et résidents sur le territoire sont sans limite et les acteurs économiques sont payés à la production. Bien sur il y a les enveloppes par établissement, par région et
l'ONDAM mais chacun sait que depuis leur création ils n'ont jamais été respectés. La régulation étatique dans un secteur miné par les conflits d'intérêts est un paravent commode pour accuser les acteurs de toutes les dérives alors que les règles mises en place par l'état sont les seules responsables du type de jeu!
Ce paiement à l'acte représente bien évidemment pour le secteur public une meilleure approche que le budget global de triste mémoire qui a empêché toute évolution du système hospitalier public pendant 40 ans.
Pour autant le paiement à l'acte
apparaît actuellement non seulement inflationniste mais aussi
contre productif en terme de qualité des soins. Le paiement à l'acte sans pondération des établissements ou des professionnels du soin favorise ceux dont la qualité est inférieure. Les exemples factuels abondent qu'il s'agisse de la redondance des examens médicaux qui sont loin d'être anodins ou bien des résultats des actes chirurgicaux...
Or l'espérance de vie et la qualité de vie des patients est très liée à la qualité des soins. Dépenser beaucoup n'est pas un gage de meilleurs résultats. Tout d'abord parce que le système de soins est limité dans son action par le fait que le maintien en santé est avant tout le résultat d'une série de choix individuels. Ensuite parce que la surconsommation de soins s'accompagne d'effets délétères qui sont largement sous estimés car non rapportés. Enfin parce que les soins de haute qualité
entraînent moins de complications, des séjours plus courts et au final diminuent le coût économique.
Toutes ces idées sont bien sur combattues par les différents corporatismes, syndicats de médecins, de soignants, d'établissements de soins, élus souhaitant préserver les emplois publics dans des hôpitaux trop petits, trop à risque et trop coûteux, firmes pharmaceutiques et d'équipement biomédical qui tirent un intérêt important de la gabegie actuelle, responsables politiques qui pratiquent la démagogie consistant à étiqueter toute recherche de la qualité des soins comme une politique de restriction d'accès aux soins, bref un énorme lobby qui fait dériver notre système vers la dette. Or cette dette est de moins en moins supportable par l'économie et la société.
Les remèdes sont pourtant connus.
Tout d'abord il convient qu'un équilibre naturel s'instaure entre pourvoyeurs de soins et payeurs, je veux parler des tiers payeurs. Pour ce faire il est urgent que l'assurance maladie soit mise en concurrence avec d'autres assureurs afin que cette pression légitime des assureurs s'exerce sur les pratiques dans le but de les rationaliser ce qui est la plupart du temps favorable au patient. Meilleure transparence des résultats, diminution des prescriptions médicamenteuses, meilleure allocation des moyens au sein du système de soins, et en particulier diminution des hospitalisations et donc du nombre de lits pour allouer les moyens humains dégagés aux lits actifs qui en manquent cruellement. L'état miné par les conflits
politico-syndicaux sera ainsi libéré de ce boulet et pourra mieux jouer son rôle de régulateur et de gardien du respect de la loi notamment dans les comportements de sélection du risque ou bien dans les abus qui caractérisent déjà le système actuel.
Ensuite il est essentiel et urgent que la qualité c'est à dire la performance dans la réalisation d'un soin soit rémunérée. Ce n'est pas simple dans tous les cas même si c'est possible dans environ 80% de la production de soins. C'est pourquoi l'expérimentation est cruciale, la bureaucratie étatique ou syndicale ne détenant pas la solution idoine aux problèmes qui se posent. A ce sujet il est curieux que de toutes les dispositions des ordonnances
Juppé seules celles concernant l'expérimentation dans le système de soins soit restées lettre morte ou presque. Il y a donc un espace important pour expérimenter dans ce domaine mais l'absence de concurrence des payeurs et l'irresponsabilité financière des acteurs du système de soins (citoyens, assurance maladie, établissements et professionnels du soin, état) contribuent à l'immobilisme actuel qui est coûteux et inefficace.
Enfin il faut introduire de toute urgence le paiement par pathologie là où il est très aisé de calculer les coûts et de rémunérer la qualité. Il s'agit de payer les soins non plus à l'acte mais plutôt pour une pathologie. Ce type de paiement est dissuasif pour les non productifs mais aussi pour ceux qui produisent mal. qu'il s'agisse du résultats des soins ou bien de l'organisation du travail dans l'entreprise.
Au vu de ces objectifs il est évident que l'action de l'état est tout à fait insuffisante pour assurer des soins de qualité dans un système devenu complexe et gigantesque. La loi actuellement en débat sur les hôpitaux et les territoires de santé en est un exemple, si l'état peut et doit restructurer pour rendre le système public plus efficient il ne peut se substituer aux mécanismes de la concurrence et de la recherche de l'efficacité qui caractérisent le marché. Pour cela il est essentiel non pas d'opposer le marché, l'état et le système de soins mais de les faire fonctionner ensemble pour atteindre de meilleurs résultats. En France le marché n'influence pas l'organisation du système de soins alors qu'il conditionne ce que ce système débourse pour acquérir des biens mais aussi des services. Le secteur privé est en fait un secteur administré par des tarifs et des conditions de production fixés par l'état. C'est un paradoxe difficilement tenable sur le long terme et on s'en aperçoit avec le déficit de l'assurance maladie. Un nouvel équilibre est à rechercher et pour ce faire le citoyen, tout en bénéficiant des protections existantes en cas de précarité, doit pouvoir choisir pour son assurance maladie à la fois le niveau de protection et le tiers payant le mieux disant. Contrairement à ceux qui affirment qu'il s'agit là d'un grand danger je considère que les français sont au moins aussi intelligents que les autres peuples
d'Europe qui disposent de ce choix et que chaque jour dans tous les domaines de la vie économique ils pratiquent cet exercice. En revanche ceux dont la situation est précaire resteront couverts par l'assurance maladie financée par l'impôt ce qui est tout à fait en accord avec notre culture européenne.
PS Le NYT publie aujourd'hui un papier intéressant sur la qualité des soins hospitaliers.
http://www.nytimes.com/2008/12/08/business/08hospital.html?hp