Àpeu de chose près, la dépression peut être décrite comme une spirale infernale sur soi-même. On creuse, on tournoie, toujours plus profond, toujours plus seul, sur son mal-être, ses difficultés, ses impasses. Le langage le dit bien : l'humeur noire, c'est une humeur de plomb, qui vous pousse vers le fond, vous enchaîne, vous bloque, jusqu'à ce que vous soyez arrivés trop bas pour espérer remonter. L'espoir, l'idée que les choses pourraient aller mieux, ou du moins pas plus mal, c'est aussi ce qu'écrase la dépression.
Schémas cognitifs
L'un des grands apports de la thérapie cognitive et comportementale (TCC) est, comme l'indique son premier qualificatif, d'avoir su comprendre et cibler les schémas de pensée les plus délétères sur nos existences – la somme de nos comportements et des émotions qui les étayent. Concernant la dépression, les principales « distorsions cognitives » à nous entraîner vers le fond sont le catastrophisme (tout va mal et tout n'ira qu'en s'aggravant), le manichéisme (la vie n'est qu'une affaire de bien et de mal, de noir et de blanc, choisis ton camp camarade) ou encore le raisonnement émotionnel (si je sens les choses ainsi, alors c'est qu'elles le sont). Et, ce que ne cesse de montrer la recherche, c'est que de tels schémas cognitifs sont autant des causes que des symptômes de dépression – là encore, dans un paradoxe de l'œuf et de la poule qui se mue vite fait en effet boule de neige. La bonne nouvelle, c'est qu'on sait que casser ces schémas permet non seulement de ralentir la fuite en avant, mais aussi de l'inverser et, dans la plupart des cas, de remonter la pente jusqu'à ressortir la tête du marigot.
Une énième grande bataille
C'est le mouvement absolument contraire que nous fait prendre la pensée de gauche désormais dominante, celle-là même qui, infusée de théorie critique mal cicatrisée, d'esprit d'assiégé, de déclinisme, d'obscurantisme rampant, de catastrophisme écologique et de bonnes intentions qui se suffisent à elles-mêmes pour mobiliser une énième grande bataille des vraiment très gentils contre les gros super méchants ne peut, encore et toujours, que nous aspirer vers le fond et abattre tout espoir de remontée. En d'autres termes, et entre autres dégâts, en laissant le progrès, la nuance et la raison sur le côté, c'est toute notre santé mentale que la gauche aura laissée sur le carreau.
Dans la spirale infernale
Et les effets de cette gauche dépressogène sont d'autant plus pernicieux dans certains segments démographiques. En l'occurrence, comme le détaille le sociologue Jonathan Haidt dans sa newsletter After Babel, qui présente les carnets de travail de son prochain livre, c'est pour les jeunes femmes se disant progressistes – de cet étrange progressisme pour qui le progrès est une offense – que les coups sont les plus durs, et ce selon une tendance devançant de plusieurs années l'épidémie de Covid-19. De fait, comme le montrent les données les plus récentes du ministère de la Santé américain, en matière de santé mentale des adolescents et des vingtenaires, la pandémie n'a rien causé et n'a fait que confirmer une situation (en berne) déjà vieille d'une bonne décennie. Toujours plus profond dans la spirale infernale. Plus bas, plus lourd, plus noir et plus plombé.
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