« Va-t-on en finir avec la culpabilisation de l’Occident ? », par Alexandre del Valle
Auteur d’un véritable manuel de déculpabilisation à l’usage de nos sociétés occidentales, Alexandre del Valle démonte le système du « cosmopolitiquement correct », cible l’intoxication qui nous plonge dans la dépression, et appelle à notre réarmement moral.
Rencontre avec un iconoclaste.
Propos recueillis par Patrice de Méritens : Dans votre dernier ouvrage, vous évoquez le « complexe occidental » mais, d’abord, qu’est-ce que l’Occident ? Alexandre Del Valle : L’Occident désigne l’ensemble des nations d’origine européenne marquées par la philosophie grecque, le droit romain et le monothéisme judéo-chrétien, qui pose la sacralité de l’Homme, créé à l’image de Dieu et libre, d’où la place centrale de l’Individu. Mais les élites occidentales modernes adhèrent à une autre définition, « anti-identitaire » dont les 3 principaux critères sont : Le libéral-démocratisme et les Droits de l’Homme (selon lequel n’importe quel pays démocratique peut être reconnu comme « occidental » ; le libre-échangisme économique, fondement de toutes les organisations occidentales (OCDE, UE, ALENA etc) ; enfin, l’appartenance à l’OTAN ou l’alliance avec les Etats-Unis. Cela explique pourquoi le Japon, la Corée du Sud ou la Turquie sont associés à l’Occident, alors que la Russie, pourtant chrétienne et européenne, en est exclue.
Ainsi, la candidature de la Turquie musulmane à l’Union européenne a été acceptée, car sa qualité de membre de l’OTAN et de pays allié face à l’ex-URSS sous la guerre froide « prouverait » son appartenance à l’Occident …
Il est temps que nos stratèges atlantistes adaptent leurs cartes mentales géopolitiques à la réalité du monde de l’après-guerre froide …
PdM : Comment définir le complexe occidental ?
AdV : Il s’agit d’une maladie collective, d’un processus d’auto-sabordement identitaire fondé sur le postulat que notre civilisation serait la pire de toutes. Pour ne « plus jamais » reproduire les tragédies du passé, nous devrions avoir honte de notre Histoire, puis effacer nos racines « coupables » afin d’« expier les fautes » d’ancêtres certains ou putatifs dont nous serions justiciables des crimes. L’aboutissement de ce masochisme identitaire, fondé sur l’idée absurde de la transmission génétique des fautes et de la culpabilité collective, est l’acceptation d’une immigration extra-européenne de peuplement et l’islamisation-tiersmondisation progressive de nos pays invités à s’offrir aux civilisations hostiles dont la violence éventuelle tournée contre nous serait une « punition expiatoire ».
Ce complexe occidental nous pousse donc à dévaloriser notre camp et à survaloriser celui des autres. Il résulte d’un terrorisme intellectuel conçu pour diaboliser l’identité de l’Homme blanc-chrétien (mais pas celle des non-occidentaux « victimes » de ce dernier). Il a gagné tel un virus, ou un trou noir sémantique, la quasi-totalité des élites philosophiques, médiatiques, universitaires, judiciaires et politiques d’Occident qui reproduisent à leur tour – par conformisme ou par peur de la mise à l’index – cet enseignement du mépris de soi.
PdM : Qui se trouve derrière cette diabolisation de l’Occident ? Y aurait-il selon vous un complot ?
AdV : Il n’y a pas de complot, mais plutôt une convergence structurelle de plusieurs pôles de puissance concurrents qui n’ont en commun qu’une même hostilité envers l’Etat-Nation occidental et la civilisation chrétienne : 1/ L’internationalisme marxiste ou postmarxiste, hostile aux frontières et identités ; 2/ « Mc World », expression du sociologue américain Benjamin Barber qui désigne l’empire hédoniste-consumériste universel qui doit détruire toute identité, toute barrière douanière et toute hiérarchie pour produire de façon délocalisée et avec toujours plus d’économies d’échelles ses biens de consommation périssables. Cette source du « cosmopolitiquement correct » est parfaitement représentée par « l’idéologie Benetton » et ses publicités radicalement multiculturalismes ; 3/ La nouvelle religion des droits de l’Homme et ses corollaires, la citoyenneté universelle et le culte des minorités tyranniques, toujours encensées face à la majorité suspecte; 4/ Le radicalisme écologiste, hostile à toute forme de patriotisme au nom d’une planète que l’Homme blanc aurait « détruite », ce pourquoi il devrait être puni ; 5/ l’Eglise catholique culpabilisée, toujours en première ligne dans la défense des clandestins, des « opprimés » revanchards du tiers monde ou des islamistes face auxquels nous devrions tendre la joue gauche ; 6/ L’islamisme qui subvertit l’antiracisme pour nous conquérir en nous culpabilisant.
PdM : Comment s’opère concrètement la manipulation ?
AdV : Le combat est avant tout mental. La marque la plus évidente d’un processus de manipulation (obtenir de la part d’un public-cible qu’il fasse ce qui est contraire à son envie initiale et son intérêt) est le couple Diabolisation-Culpabilisation.
J’explique dans mon ouvrage que la manipulation est une science qui obéit à des lois psycho-sémantiques que le public ignore, mais qu’il subit chaque jour.
Tout manipulateur utilise ainsi l’arme de la DCR : D comme Discréditer et Diaboliser (la reductio ad hitlerum décrite par Leo Strauss) ; C comme Culpabiliser (pour détruire les défenses immunitaires et priver les dirigeants ennemis de leur soutiens internes et externes) ; R comme Ridiculiser (railler les traditions de l’ennemi, comme l’écrit Sun Tzu dans L’Art de la guerre), ou comme Renverser (les valeurs de légitimité de l’ennemi contre lui-même).
On peut citer les cas d’école du retournement du mea culpa chrétien contre l’Eglise catholique, la plus diabolisée des religions et le retournement de la Shoah contre Israël et les Juifs, soumis à la reductio ad hitlerum par les pro-palestiniens radicaux et les islamistes.
Les vecteurs de la manipulation sont tout d’abord l’enseignement de l’Histoire, fondé sur l’injustice intellectuelle consistant à juger le passé à charge et avec les yeux du présent ; puis, les médias, points de rencontre entre Mc World et l’idéologie de gauche. Mais les journalistes sont souvent les derniers rouages du processus de désinformation qui, selon la grille de lecture établie par Vladimir Volkoff, passe par 7 étapes. Un client – étape 1 -, que ce soit un gouvernement, un lobby économique, un parti politique, etc., contacte un agent professionnel – étape 2 – qui peut être un bureau spécialisé, une agence de communication, une société de marketing ou bien encore des services secrets. Cet agent élabore une étude de marché – étape 3 – qui permettra de déterminer qui sont les amis, les ennemis, quels sont leurs appuis, points forts, points faibles, ainsi que le système de légitimité de l’adversaire. Une fois ce travail accompli, il forge un thème discréditant – étape 4 – comportant des réflexes mentaux conditionnés, du type : Serbes ou Israël = Nazis, ou bien encore Droite = Vichy, etc.
Thème qui sera présenté – étape 5 – sur un support crédible: groupe d’experts, association antiraciste, humanitaire, etc.., puis – étape 6 -transmis par des relais : revues spécialisées, rapports, commentaires de sondages.
Et enfin – étape 7 – largement diffusé par les caisses de résonances que sont les médias. C’est aussi simple et tortueux que cela…
PdM : Quelles sont pour vous les vérités historiques à rétablir d’urgence ?
AdV : La plus grande opération de travestissement de la réalité au profit de non-Occidentaux hyper valorisés et au détriment d’Occidentaux diabolisés est le mythe de la dette de l’Occident vis-à-vis de la science arabe puis celui, corrélatif, de l’Espagne islamique tolérante (Al-Andalus). Ces mythes servent à donner du Moyen-Âge chrétien une image obscurantiste et à attribuer à l’islam une supériorité scientifique. Ainsi devrions-nous aux « Arabes éclairés » le zéro, les mathématiques, la philosophie grecque, la Renaissance et donc notre science actuelle …
En réalité, la prétendue science arabo-musulmane n’avait rien d’islamique, puisque les savants éclairés de Bagdad, Samarcande ou Al-Andalus étaient juifs, chrétiens-syro-araméens, zoroastriens ou « mauvais musulmans » condamnés par le clergé islamique comme apostats.
De même, le mythe des trois religions monothéistes qui auraient cohabité en toute harmonie dans Al-Andalus, sert à masquer le fait que les Juifs et les chrétiens y furent des citoyens de seconde zone, les dhimmis, soumis à la Charià, interdits de tout prosélytisme, interdits d’épouser des musulmanes (l’inverse étant encouragé) et redevables d’une taxe écrasante (la Jizya). Nombre de dhimmis furent martyrisés dans Al-Andalus. Le grand savant Maïmonide lui-même raconte la souffrance des Juifs, ainsi que sa condamnation à mort pour « apostasie » lorsqu’il redevint juif après une conversion forcée à l’islam, ce qui l’amena à fuir Al-Andalus la « tolérante » …
L’autre grand mythe anti-occidental est celui de l’esclavage et du racisme à sens unique : Nous aurions été les pires, voire les seuls (cf. la loi Taubira) esclavagistes. Or les historiens savent que ce sont les empires (califats) islamiques arabes et turc-ottomans qui ont le plus et le plus longtemps pratiqué l’esclavage des Noirs, mais aussi des Blancs (Slaves, méditerranéens, Balkaniques, etc.).
On tait trop souvent l’esclavage des dizaines de millions de Blancs, puis de noirs africains, massivement castrés…
PdM : On vous traitera (entre autres) d’islamophobe …
AdV : L’expression même d’islamophobie a été lancée par les islamistes – et inconsidérément reprise par les associations militantes « antiracistes » autoproclamées – non pour défendre les musulmans victimes de persécutions mais pour diaboliser et faire taire ceux qui critiquent l’islam et défendent nos démocraties face à l’offensive islamiste mondiale.
Nos dirigeants ont tort d’accepter le dangereux dialogue de dupes qui consiste à recevoir les leçons de morale de propagandistes barbus et d’Etat islamiques « amis » qui persécutent les chrétiens chez eux, mais exigent chez nous la pénalisation de « l’islamophobie ». Or la base de l’amitié est la réciprocité.
PdM : Que dire à cet égard de la mondialisation ?
AdV : Le thème de la « mondialisation heureuse » fonctionne également comme un mythe central du cosmopolitiquement correct. Or il suffit de voyager dans le nouveau monde multipolaire pour voir que la globalisation (phénomène technologique neutre désignant les moyens de communication modernes planétarisés) n’a pas produit une « suprasociété mondiale » (Zinoviev), multiculturelle, pacifique et unifiée, mais plutôt un monde multi-conflictuel et hyper-concurrentiel dans lequel les Etats qui renoncent à leurs intérêts souverains (monnaie, industrie, realpolitik, frontières, natalité, sécurité) sont concurrencés économiquement puis submergés démographiquement et géopolitiquement par des prédateurs ravis que l’on baisse la garde.
PdM : Comment réagir ? Et que faut-il transmettre ?
AdV : La première chose à faire est de cesser de jouer le rôle que le manipulateur attend de nous : Il n’y a pas de culpabilisateur sans culpabilisé consentant … Lorsque l’on tente de nous dissuader de fréquenter tel ou tel pestiféré, traité de « fasciste » dans une presse bien-pensante pour avoir osé parler de « l’identité nationale », nous ne devons pas nous laisser impressionner.
De même, la droite doit cesser de vouloir plaire aux philosophes de gauche. José Maria Aznar m’avait ainsi confié ne pas comprendre la droite française, toujours encline à plaire à la gauche. Nous devons cesser de nous laisser dicter notre langage par l’adversaire, car la guerre mentale commence par les mots qui forgent nos représentations.
Nous devons donc donner le ton en élaborant une rhétorique victorieuse, offensive, destinée à déculpabiliser notre camp et à lui redonner confiance. Le réarmement moral passe par la destruction des mythes fondateurs du cosmopolitiquement correct : Comme le préconisent les thérapeutes cognitifs-comportementalistes, pour soigner les dépressifs, il convient d’opérer un « recadrage de contexte » consistant à ne plus s’attribuer des fautes commises par d’autres en d’autres temps. Si la source de la dépression européenne est l’enseignement du mépris de soi, alors, la clef de la guérison sera une cure d’auto-estime et de déculpabilisation.
Face à la haine de soi, la solution est l’amour de soi, seule façon de relever le défi de l’intégration. Car on ne peut intégrer l’Autre qu’en étant fier de sa propre identité. C’est ce que j’ai appelé le « patriotisme intégrateur ».
PdM : Ecrire, c’est réagir, mais êtes-vous optimiste ?
AdV : Oui ! Car le mur du politiquement correct s’effrite. L’intox prend de moins en moins. Et le retour de la dissidence est favorisé par les nouveaux médias alternatifs du web que le Système ne contrôle pas et qui dépassera bientôt les capacités de résonance des médias classiques.
Publié par Alexandre del Valle, géopolitologue, éditorialiste et essayiste, enseigne la géopolitique en France et en Italie et intervient en qualité de consultant auprès d’institutions internationales.
Photo : atlas surrender bygesign
http://www.europe-israel.org/2014/09/va-t-on-en-finir-avec-la-culpabilisation-de-loccident-par-alexandre-del-valle/