A Lévis, Province de Québec, la petite
Lexie, 3 ans, peine à se mettre debout. Elle perd peu à peu l’usage de ses
membres, risque de ne bientôt plus pouvoir manger ni respirer sans assistance (http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1081208/amyotrophie-spinale-spinraza-ramq-mere-levis-enfant-malade). Atteinte
d’amyotrophie spinale (SMA), l’enfant est en danger, or un traitement efficace
peut lui être administré. Problème, si ce traitement existe il coûte cher, et
l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESSS)
recommande pour l’instant de ne pas le rembourser. D’autres enfants sont dans son cas dans le
monde, certains vont être traités d’autres pas. Une question économique et
éthique.
L’odyssée
d’une innovation thérapeutique majeure
Un nouveau traitement
de l’amyotrophie spinale (nusinersen, Spinraza®) permet aux nouveau-nés et
nourrissons malades d’améliorer leur motricité d’abord pour respirer, déglutir,
puis pour se tenir assis, debout et marcher. C’est le résultat d’un parcours
assez atypique et passionnant depuis 2003. Cette année-là, Adrian Krainer
démontre que des molécules synthétiques peuvent modifier la façon dont un gène
est lu et promouvoir certaines versions de lecture (https://www.nature.com/articles/nsb887). Franck
Bennett, un leader dans le développement d'oligonucléotides antisens (OAS)
comme médicaments, lit l’article et appelle Krainer. Leur projet est de traiter
la SMA. Toujours en 2003, Loren Eng et Dinakar Singh, parents d'un enfant
atteint de SMA, déposent les statuts de la Fondation SMA (http://www.smafoundation.org/). Ils vont
financer les travaux de Krainer et Benett à qui s’est joint Yimin Hua. Jusqu’à
aujourd’hui, cette fondation a financé plus de 110 millions $ pour la recherche
fondamentale, translationnelle et clinique devenant le principal financeur de
la recherche sur la SMA dans le monde.
Au cœur d’une maladie génétique
qui touche un système vital
Les
neurones moteurs
L'amyotrophie spinale
(SMA) est une maladie des neurones moteurs qui se trouvent dans le tronc
cérébral ou la moelle, c’est la première cause génétique de mortalité des
nourrissons. Ces neurones commandent les muscles et, en l’absence de la
protéine SMN codée par le gène défaillant, ils dégénèrent et meurent. Elle se
manifeste dans les premiers mois de la vie, habituellement par des épisodes
inattendus d’hypotonie du bébé. La mort rapide des neurones moteurs entraîne
ensuite une faiblesse musculaire, en particulier du système respiratoire, qui
est la cause la plus fréquente de décès. La mortalité des formes sévères est
supérieure à 90%.
Le gène SMN
du chromosome 5
Si environ 1/40 - 1/50
des adultes portent l’anomalie, il y a seulement 1/10000 à 1/25000 nouveaux nés
atteints car la prévalence de l’amyotrophie spinale grave est beaucoup plus
faible, en raison des manifestations très diverses de cette maladie.
Figure N°2 le chromosome 5 humain et la
région q13.2 des deux gènes SMN1 et SMN2
Sur le chromosome 5 en q13.2 (Figure N°2)
il y a deux gènes le SMN1 et le SMN2. Le premier code pour la protéine SMN
indispensable aux neurones moteurs du tronc cérébral et de la moelle épinière.
L’absence d’un gène normal sur les deux chromosomes 5 parentaux provoque la
maladie. Le nusinersen agit au niveau génétique pour produire de la protéine
SMN (http://www.learnaboutsma.org/science/8.html) .
Des
résultats qui prouvent que la fatalité peut être vaincue
Une maladie génétique
est au sens propre une fatalité qui ne dépend pas de l’environnement mais d’un
héritage parental. Depuis le décryptage du génome humain et l’application des
techniques de génie génétique, un autre avenir s’ouvre pour ces enfants : celui
de survivre et de le faire en menant une vie normale. La Food and Drug
Administration des États-Unis a approuvé, le 23 décembre 2016, le Spinraza®
(nusinersen), le premier médicament pour traiter les enfants et les adultes
atteints d'amyotrophie spinale, environ 20 ans après que le gène de cette
maladie ait été découvert par l'équipe de Judith Melki en France… En juin 2017,
l'Agence européenne des médicaments (EMA) a fait de même. Les agences ont
toutes utilisé des procédures accélérées au regard des résultats. Quels
sont-ils?
Le 7 novembre 2016, un
essai chez des enfants de 2 à 12 ans en fauteuil roulant atteints de SMA a été
arrêté au vu des résultats positifs chez les enfants traités et le groupe
témoin a reçu le traitement. En août, un essai similaire chez des nourrissons a
été arrêté pour la même raison, permettant aux nourrissons non traités du
groupe contrôle de recevoir le médicament pour des raisons éthiques.
Finalement, paraît en décembre 2016 un article qui fournit les preuves convaincantes
que le nusinersen est efficace pour traiter la SMA (Figure N°2).
Figure N°2
Nécessité pour survivre
d’une ventilation mécanique dans l’étude nusinersen: sans traitement peu
d’enfants survivent sans être dépendant d’une ventilation mécanique. Sous
nusinersen, 63% des enfants peuvent se passer de ventilation mécanique
permanente.
Maladie
rare, l’amyotrophie spinale est maintenant curable, mais quel est le coût du
traitement ?
Il est très élevé, une
injection intrathécale (dans le liquide céphalo-rachidien après ponction lombaire)
coute environ 120 000 dollars US. Ce prix a déclenché une controverse, ce qui
est naturel. Il est exact que c’est un médicament d’exception, que c’est une
classe thérapeutique complexe, dont le nombre d’indications est limité, le taux
de naissance avec la maladie étant faible. Il faut aussi prendre en compte le
fait que d’autres médicaments de ce type ou différents sont en développement et
viendront prochainement lui faire concurrence. Mais ce prix est-il juste? Il
est difficile de le dire en l’absence d’études médico-économiques. Il faudrait
connaître le coût exact du développement du nusinersen, en soustraire une
partie des soins d’accompagnement qui ne sont plus nécessaires chez les enfants
traités, ajouter les complications du traitement (le profil des effets
secondaires est assez favorable au nusinersen) et le coût social des vies
perdues sans traitement. Ces études seront faites mais nous n’avons pas le
temps d’attendre. Nul doute que le laboratoire qui commercialise le Spinraza®
(Biogen®) a la volonté de valoriser son innovation mais aussi son avance et de
gérer son portefeuille de médicaments. Pour tout nouveau médicament coûteux,
les assureurs doivent faire des choix qui dépendent de nombreux facteurs et ces
choix sont difficiles. Une des pistes innovantes est d’assortir le
remboursement d’un mécanisme de levier sur les résultats. En quelque sorte, le
remboursement serait moindre si le médicament ne donne pas de résultats.
Dès lors,
faut il rembourser ou attendre?
Avons-nous une idée rationnelle de l’effort demandé ?
En termes de coût
global, les pays développés peuvent faire cette dépense. Mon opinion est qu’ils
doivent la faire car pour beaucoup de ces enfants c’est le prix de la vie. Tout
doit se jouer dans les négociations afin que d’une part des programmes soient
développés pour ceux qui ne peuvent pas bénéficier de remboursement pour des
raisons économiques, et ce dès que les pays développés auront accepté de
rembourser le nusinersen. Mais aussi afin que d’autre part la concurrence soit
effective dès que d’autres traitements arriveront en phase clinique. Ces
maladies rares, dont le nombre de patients est stable, ne sont en effet, il
faut le rappeler, pas susceptibles d’extension discutable des indications comme
pour les médicaments des maladies acquises ou les traitements fonctionnels. En
revanche, ces enfants comme tous les patients atteints de maladie rare sont peu
exposés médiatiquement. Il existe une certaine tyrannie du nombre qui consiste
à n'envisager politiquement aucune diminution de prestations à l’efficacité
improbable qui se chiffrent en milliards mais concernent des millions de
citoyens, et au contraire à freiner l’innovation au regard du prix élevé d’un
médicament vital pour quelques milliers de nos enfants .
Les thérapies géniques
sont vitales pour ces enfants qui ne pourraient survivre sans. Dans le cas du
Spinraza®, des injections itératives
sont pour l’instant nécessaires et donc une prise en charge complexe et
coordonnée dans des services de neurogénétique. Mais après les OAS il est
légitime de penser que viendront d’autres thérapies plus définitives comme
celles qui remplaceront le gène défectueux avec l’espoir dans la SMA qu’un seul
gène SMN1 normal suffit.
L’incidence de la SMA
grave serait au Québec de 5,83 sur 100 000 naissances, soit 5 nourrissons qui
ont peu de chances d’atteindre les deux ans, à moins qu’un traitement ne leur
soit administré (http://www.inesss.qc.ca/fileadmin/doc/INESSS/Inscription_medicaments/Avis_au_ministre/Decembre_2017/Spinraza_2017_12.pdf?sword_list%5B0%5D=spinraza&no_cache=1). La mission
d’un assureur maladie est de faire le choix de rembourser à tous les assurés
les médicaments qui changent le pronostic de ces maladies, en acceptant de
récompenser l’innovation à un prix initial élevé parce que, au moins pour
certains, c’est le prix de la vie maintenant.
News about SMA
https://www.fiercepharma.com/pharma/novartis-zolgensma-to-be-priced-far-lower-than-4m-5m-range-ceo-says
https://www.wsj.com/articles/novartis-trial-of-worlds-most-expensive-drug-halted-over-safety-concerns-11572438880?mod=cx_picks&cx_navSource=cx_picks&cx_tag=contextual&cx_artPos=1#cxrecs_s
https://www.wsj.com/articles/novartis-trial-of-worlds-most-expensive-drug-halted-over-safety-concerns-11572438880?mod=cx_picks&cx_navSource=cx_picks&cx_tag=contextual&cx_artPos=1#cxrecs_s
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