La franc-maçonnerie semble issue du compagnonnage, quoique certains prétendent l’inverse et que d’autres nient toute parenté entre les deux sociétés.
Institution philanthropique et société de pensée, la franc-maçonnerie (abrégée en maçonnerie) est une association dont les membres se recrutent par cooptation, selon des rites initiatiques conformément au mythe hiramique. Elle se fixe pour but de réunir en son sein les "hommes libres et de bonnes mœurs" qui veulent travailler à l’amélioration matérielle et morale ainsi qu’au perfectionnement intellectuel et social de l’humanité.
Les maçons se réunissent dans des loges, locaux installés près des chantiers, où se transmettent, sous la férule d’un maître maçon, les secrets du métier.
D’après Jules Boucher, voici le mythe hiramique, tel qu'il fut découvert ou élaboré au XVIIIe siècle :
Hiram (à ne pas confondre avec son homonyme, le roi Hiram de Tyr qui fournit à Salomon des ouvriers et du bois de cèdre pour la construction du Temple) était un maître bronzier engagé par le roi Salomon sur le chantier du Temple de Jérusalem (1 Rois 7,15-22).
Hiram coula notamment la "mer de bronze" et les deux colonnes "Jachin" et "Boaz" à l’intérieur desquelles auraient été placés des écrits précieux.
Le pilier de la miséricorde, placé à droite, appelé "Yachin" ou "Jachin", évoque l’idée de solidité et de stabilité. Il comporte les Sephirot porteurs de semence, de l'aspect masculin, positif de la création: Hokmah, Chesed et Netzah. Il est associé au yang asiatique, à tout ce qui insuffle la vie et pousse à son développement. Marqué de la lettre hébraïque "Yod" (initiale de Yachin), il est souvent représenté comme une colonne de couleur blanche (dans le temple maçonnique, la lettre est "J" et la colonne est rouge). On l'appelle aussi parfois pilier de la Force, par opposition à la Forme, en tant que Force créative. Il est associé au soleil.
Le pilier de la rigueur, placé à gauche, est appelé "Boaz". Il comporte les Sephiroth réceptacles de la semence, les Sephiroth teintées de l'aspect féminin, négatif de la création, en ce sens qu'elles tendent à restreindre cette création : Binah, Geburah et Hod. Il est associé au yin asiatique, à tout ce qui contient, résorbe et confine la vie afin de mieux la contrôler. Marqué de la lettre hébraïque "Beth" (la première du mot Boaz), il est souvent représenté comme une colonne de couleur noire (elle est blanche dans le temple maçonnique). On l'appelle aussi parfois pilier de la sévérité, ou même pilier de la Forme, par opposition à la Force, en tant que Forme du moule dans lequel vient s'inscrire la Force de Yachin. Il est associé à la lune.
Dans le temple maçonnique, lors des cérémonies, les apprentis s’alignent au pied de la colonne J, les compagnons près de la B et les maîtres se tiennent dans la chambre du milieu.
Les travaux s'achevaient, mais les compagnons de Hiram n'avaient pas tous été initiés aux secrets merveilleux du Maître. Trois d'entre eux décidèrent de les lui arracher. Postés chacun à une porte différente du Temple, ils sommèrent tour à tour Hiram de leur livrer ses secrets. Le Maître répondit successivement à chacun d'eux, en fuyant d'une porte à l'autre, qu'on n'obtiendrait pas sa parole par des menaces et qu'il fallait attendre le temps voulu. Alors ils le frappèrent, l'un d'un coup de règle sur la gorge, l'autre d'un coup d'équerre de fer sur le sein gauche, le troisième d'un coup de maillet sur le front qui l'acheva. Puis, ils se demandèrent l'un à l'autre la parole du Maître. Constatant qu'aucun d'eux ne l'avait obtenue, ils furent désespérés de leur crime inutile. Ils cachèrent le corps, l'inhumèrent dans la nuit près d'un bois et plantèrent sur sa tombe une branche d'acacia.
L'arche d'alliance était faite de bois d'acacia plaqué d'or (Exode 37,1-4). La couronne d'épines du Christ aurait été tressée d'épines d'acacia. Dans la pensée judéo-chrétienne, cet arbuste au bois dur, presque imputrescible, aux épines redoutables et aux fleurs de lait et de sang, est un symbole solaire de renaissance et d'immortalité.
Guénon souligne que les rayons de la couronne d'épines sont ceux d'un soleil.
Le symbole de l'acacia rejoint l'idée d'initiation et de connaissance des choses secrètes.
L'écorce de l’acacia (notamment acacia phlebophylla et acacia longifolia) a des effets hallucinogènes.
Une légende africaine bambara place l'acacia à l'origine du rhombe. Alors que le premier forgeron, encore enfant, taillait un masque, « une esquille de bois d'acacia se détacha et sauta au loin en produisant un vrombissement semblable au rugissement du lion. L'enfant appela deux de ses camarades, prit le fragment de bois, perça un trou à l'une de ses extrémités, y passa une ficelle et le fit tournoyer » (J. Servier).
Une pratique védique est encore en vigueur : un disque d'acacia est percé d'un trou ; avec un bâton en bois de figuier, rapidement tourné dans l'orifice, on produit sous l'effet de la friction le feu sacré qui servira au sacrifice. L'acacia représente le principe féminin, le bâton de figuier le principe masculin.
La louche sacrificielle (sruk) attribuée à Brahma est en bois d'acacia.
On voit donc partout l'acacia considéré comme un support du divin, dans son aspect solaire et triomphant 1.
Dans l'application symbolique du mythe aux cérémonies maçonniques d'initiation au grade de Maître, le récipiendaire s'identifie à Hiram Abiff. Il doit d'abord mourir à lui-même : les trois coups de la légende symbolisent la triple mort, physique (gorge), sentimentale (sein gauche) et mentale (front). Mais, comme toutes les morts initiatiques, cette phase prélude à la renaissance physique, psychique, mentale, en un nouvel Hiram, que symbolisent les qualités décrites par le texte biblique et la branche d'acacia déposée sur le drap du récipiendaire pour rappeler celle qui fut plantée sur la tombe de Hiram.
Évoquant le mythe de la mort de Hiram, le frère Gérard de Nerval écrivait dans Voyage en Orient : " Il faut savoir mourir pour naître à l'immortalité."
Le secret de Hiram, la parole recherchée du Maître, réside précisément dans cette loi du devenir intérieur, dans une transformation spirituelle : investi des qualités de Hiram, l'initié devient Maître à son tour et s’efforce d’élever sans cesse un temple idéal.
Les trois assassins figurent l'Ignorance, l'Hypocrisie ou le Fanatisme, l'Ambition ou l'envie, à quoi s'opposent les qualités de Hiram : le Savoir, la Tolérance et le Détachement ou la Générosité.
Tous les francs-maçons se disent orphelins de Hiram et aussi fils de la veuve [comme Hiram, fils de la veuve Nephtali (nom à rapprocher peut-être de Nephtys, sœur d’Isis, épouse de Seth, mère d’Anubis)]
David Stevenson prétend que, "d’après une vieille tradition maçonnique, les maçons ont vénéré Thot/Hermès, dieu de la sagesse, qu’ils considéraient comme leur maître" 2. L’hermétisme est la doctrine de la connaissance, dont l'origine est attribuée au dieu égyptien Thot (divinité de la Connaissance), transmise au dieu grec Hermès Trismégiste le "Trois Fois Grand", également divinité de connaissance, puis aux gnostiques. Messager divin et fils de Zeus, Hermès ("assimilé à Thot, le fondateur de la science secrète" 3) possédait la sagesse et la connaissance du monde, terrestre et céleste, de la médecine comme de l'astrologie ; c'est pourquoi il fut aussi le dieu des philosophes et des alchimistes. "Hermès est à la fois le dieu de l'hermétisme et de l'herméneutique, du mystère et de l'art de le déchiffrer" 1. Les hermétistes se disent disciples de Hermès qui serait l'auteur de La Table d'émeraude, à la fois traité de médecine et d'alchimie. "Pendant des siècles, la Table d'Emeraude a été la bible des alchimistes, hermétistes, gnostiques (surtout les manichéens, ndlr) et rosicruciens, ainsi que de quelques obédiences maçonniques" 4. Les Grecs donnent le nom de leur dieu Hermès à la divinité égyptienne Thot, dont le culte se tient en Moyenne-Égypte à Khemenou qui devient Hermopolis Magna. Cette assimilation est officielle sous les Ptolémées, comme en témoigne le décret de l'assemblée des prêtres égyptiens gravé sur la célèbre Pierre de Rosette en 196 avant notre ère 5. "Hermès trismégiste résulte de la fusion de Thot et d’Hermès dans le milieu Grec d’Alexandrie. Il était connu du monde Romain en tant qu'Hermès l’Egyptien. L’Hermès des papyrus magiques devient une déité susceptible de sonder les coeurs des hommes. Mais d’autres pensaient que le dieu avait été un être humain à l’origine qui s’était divinisé. Pour Ammien Marcellin le Trismégiste était un homme doté d’un esprit gardien exceptionnellement fort. Au final, Hermès préfigure le Christ avec une nature humaine et une nature divine" 6.
Des symboles sont utilisés par les membres comme signes de reconnaissance : les outils des constructeurs de cathédrales (maillet, ciseau, équerre, compas, niveau, perpendiculaire, règle, levier, truelle et hache) constituent le premier support auquel viennent s’ajouter tabliers et sautoirs. Créés par l'intelligence de l'homme afin qu'ils prolongent la puissance et la dextérité de la main, les outils sont les accessoires permettant de transformer la matière. La Franc-Maçonnerie spéculative les utilise de manière symbolique et chacun d'entre eux possède une signification propre, attribuée selon les offices, les grades et les différents rites. Les outils constituent l'apport le plus évident et vérifiable du Compagnonnage à la Franc-Maçonnerie. Les principaux outils maçonniques sont :
- le compas (outil du Grand Architecte de l'Univers, outil de la conscience, de l'exactitude de la mesure, dont le degré d'ouverture marque le grade du Franc-Maçon)
- le ciseau (symbole de discernement)
- l'équerre (symbole de rectitude, droiture)
- la hache (symbole de dégrossissage)
- le levier (symbole de volonté)
- le maillet (symbole de force)
- le niveau (symbole d'égalité et d'équilibre)
- la perpendiculaire (symbole de profondeur)
- la règle (précision)
- la truelle (cohésion). 4
4
Les Maçons furent appelés Frères trois points, en référence à leur signature maçonnique. À l'origine, ces trois points ne se trouvaient pas dans le compagnonnage. Tardivement, on les a justifiés en affirmant que les deux premiers points représentent la dualité et l'union des Francs-Maçons tandis que le troisième montre le but élevé vers lequel ils aspirent. Les trois points représentent aussi, symboliquement, les trois coups que reçut Hiram avant de mourir mais aussi, tout aussi logiquement, la totalité du principe ternaire qui est d'usage constant dans la Franc-Maçonnerie.
Dans les Loges maçonniques, hormis le triangle lumineux (delta), les triades sont nombreuses, telles les trois Lumières de l'atelier, les trois piliers, les trois chandelles, les trois marches Tenant à l'Orient, les trois points, les trois ans de l'apprenti, les trois voyages, les trois compagnons assassins d'Hiram, les trois maillets, les trois degrés des Loges bleues, et quelques autres qui tous montrent que le fonctionnement humain, physique et symbolique se fonde toujours sur trois plans avant de s'organiser et de s'incarner dans l'individu et la société. 4
Une tradition maçonnique affirme que "Kilwinning", la loge écossaise la plus ancienne, a été fondée par le roi d'Ecosse Robert Bruce après sa victoire sur les Anglais à Bannockburn le 24 juin 1314, et qu’elle accueillait des Templiers qui s’étaient enfuis de France. A noter que figure fréquemment sur les sceaux templiers un personnage à 2 têtes (celle d’un jeune homme ou d’une jeune fille - ou d’un androgyne - et celle d’un vieillard barbu) tenant une équerre et un compas.
En 1326, le Concile d'Avignon condamne les fraternités et les confréries, dont les pratiques, les insignes et le langage secret lui paraissent menacer l'orthodoxie de la foi 22.
En 1375, est fait mention de la Compagnie des Maçons de la Cité de Londres.
1376 : les maçons de Londres s’appellent freemasons.
Le manuscrit Halliwell dit Regius (1390) est le premier document connu attestant l'existence de la Franc-maçonnerie opérative anglaise.
En 1425, l'archevêque de Winchester supprime les assemblées de maçons, mais ils sont soutenus par l'archevêque de Cantorbéry.
En 1440, à Strasbourg, le nom de « franc-maçon » remplace celui de « frère de saint Jean ».
En 1480, des compagnons charpentiers sont reçus, à Rhodes, par le Grand Maître des Hospitaliers de Saint-Jean-de Jérusalem et effectuent le rituel d’une « entrée en chantier ».
En 1485, les Hospitaliers et leur grand maître, Daubusson, soutiennent la Maçonnerie.
Au XVIe siècle, avec la Réforme, les loges commencent à admettre dans leurs rangs des hommes fortunés, des hommes de loi et des ecclésiastiques. Progressivement, elles deviennent des sociétés de pensée consacrées à la formation des consciences et à la défense de nouveaux principes tels que la fraternité, l’égalité et la paix.
31 Août 1539 : à Paris, grève des compagnons imprimeurs.
Au XVIe siècle, les premiers textes juridiques tentent expressément d'empêcher les réunions des compagnons. Les libations, les mères, les réunions, les masques, attirent sur les compagnonnages les foudres des justices ecclésiastiques et royales. Les imprimeurs de Lyon sont ainsi menés entre procès et émeutes de 1539 à 1573 contre l'autorité royale qui, malgré la multiplication des interdits, est en fait impuissante à empêcher l'accroissement des compagnonnages. Ces derniers s'engagent dans les conflits religieux: les "gavots" de Salomon tiennent pour les réformés, les "dévoirants" de maître Jacques pour les catholiques et les rivalités entre les sociétés s'attisent, en même temps que leur capacité d'intervention sur les salaires et les embauches.
Un édit de François Ier, daté de 1541, interdit aux compagnons "de se lier par serment, de se donner des capitaines ou chefs de bande, de se former, en dehors des maisons ou ateliers de leurs maîtres, en rassemblements de plus de cinq, sous peine d'être punis comme monopoleurs d'amendes arbitraires ; de porter épées, poignards ou bâtons ès maisons de leurs maîtres, ni par la ville ; de faire enfin aucun banquet pour entrée et issue d'apprentissage ou autre raison de métier. "
En 1578, les comptes de la construction du Corpus Christi College distinguent les maçons « francs » (free) et les maçons « grossiers » (rough).
1599 : les Minutes de Mary's Chapel (Ecosse) paraissent être les plus anciennes Minutes de loge du monde.
8 juin 1600 : John Boswell d'Auchinleck est présent à une réunion de Mary's Chapel : ce serait la plus ancienne participation non opérative aux travaux d'une loge.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire