Daniel Cohen dans le Monde de ce jour signe un éditorial en faveur de la complémentarité idéologique en économie, nous aurions besoin des deux, Friedman pour l'illiquidité, Keynes pour la croissance. C'est un peu simpliste! Ce qui l'est moins c'est que dans cet éditorial D. Cohen oublie le rôle de l'état avant pendant et après la crise. L'état serait-il devenu un passager clandestin dans l'esprit de Mr Cohen? Oublie-t-il la disparité majeure entre les US et la France quant au poids des prélèvements obligatoires, au code du travail, à l'esprit d'innovation et d'entreprise, au système universitaire, à la résilience globale du système économique et même financier? Quand il parle de la faillite de Lehman comme d'un déclencheur il oublie aussi les 25 banques qui depuis ont fait faillite aux US. Natixis et le Crédit Agricole sont toujours là! Par ailleurs et c'est une différence importante avec 29, le leveraging des banques et autres hedges funds ou des opérations de LBO et même des ménages était et reste très élevé, conduisant à une recherche effrénée de cash. Cet endettement colossal est adossé à une machinerie financière fragile qui n'existait pas en 29 celle des produits dérivés disséminés sur toute la planète financière. Si bien que le risque et son extension sont sans commune mesure avec 29. Enfin la prétendue modération salariale actuelle qui aurait interrompu le cycle inflation/salaires est aussi en rapport avec un niveau de vie et de sécurité sociale qui n'a rien de comparable avec 29! A-t-on vu la queue des chômeurs devant l'armée du salut pour un bol de soupe? Pas encore en tous cas.
Quelle crise vivons nous? Lance Cohen. Il est exact que la nature, les causes sont assez difficiles à préciser à chaud, H. Paulson le soulignait récemment. Attention aux interprétations basées sur des calques, modélisées par une vision achevée de la crise de 29. Ce qui est le plus certain dans ce que nous avons vécu (vivons) c'est l'illiquidité du marché interbancaire et des intermédiaires financiers. Pour le reste rien n'est très clair car l'intrication des facteurs est intense dans l'espace et le temps. Les états pris la main dans le sac de politiques pro cycliques ont probablement sur réagi comme tout responsable qui veut faire oublier ses propres turpitudes. Les banques centrales ont assez bien maîtrisé la crise de liquidité et c'est l'essentiel, quant aux taux et à la création de monnaie il est encore trop tôt pour évaluer leurs politiques. Attention cependant à la création monétaire en Europe et à la politique de taux négatifs aux US. Il s'agit de remèdes doués d'effets secondaires dévastateurs.
Finalement je voudrais insister sur un point qui me parait essentiel. Il s'agit du déséquilibre de la création de richesses dans le monde. Il est vrai que la politique de taux bas favorise l'endettement et la spéculation, l'argent n'étant pas cher. C'est la critique faite à A. Greenspan. Mais il me semble que les quantités considérables d'argent amassés par les pays qui vendent leurs matières premières ou le travail de leur citoyens ont un rôle qui a été sous évalué dans cette crise. Ces pétrogasodollars, commoditydollars ou consumerdollars cherchent un placement rentable et sur. Il s'agit de sommes considérables qui reflètent les déséquilibres commerciaux des US, de la France, et des autres pays. Ces actifs sont gérés soit par des acteurs corporate soit par des fonds souverains. Ce sont ces dollars qui ont alimenté la confiance des acteurs financiers qui mettaient au point des montages de plus en plus risqués mais dont certains avaient la garantie de l'état (Fannie Mae et Freddie Mac mais aussi AIG...). Le marché s'est trouvé inondé de liquidités qui on cherché une place a priori plus sure ou moins fluctuante que les actions! Ils ont cru la trouver. Et la preuve de l'importance de cette cause c'est bien le rendement des Bonds US qui reste très bas témoignant malgré la situation d'une offre substantielle alors que des différentiels significatifs se creusent en Europe entre Grèce, Italie, France et Allemagne.
Pourquoi cette cause est importante?
Tout d'abord parce que c'est bien là une différence essentielle avec 29 et même avec les autres crises récentes. Je l'ai répété dans cette analyse, gardons nous des modèles qui restreignent notre capacité d'analyse. Ceci étant dit la prise en compte de cette cause sur le moyen terme nécessite un rééquilibrage de la création de richesse, qui n'est pas un nouveau protectionisme mais tout simplement une reprise de la croissance industrielle et commerciale dans les pays industrialisés et singulièrement les US et l'Europe. Pour cela il est urgent que les états de ces pays favorisent cette croissance en levant les obstacles nationaux au redémarrage de l'économie réelle.
-En Europe c'est avant tout les réformes du marché du travail et du système social qu'il faut réussir.
- aux US c'est l'orientation de la société vers une utilisation moindre du pétrole et rapidement d'autres sources d'énergie de même qu'une orientation de l'investissement public vers les infrastructures là où c'est socialement et économiquement utile. J'ai le sentiment que Barak Obama est prêt à cette politique.
Peut on en dire autant en Europe singulièrement dans les pays du ClubMed?
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2009/01/02/keynes-ou-friedman-par-daniel-cohen_1137164_3232.html#xtor=EPR-32280156
vendredi 2 janvier 2009
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