De l’humain à l’Humanitaire. Par Shmuel Trigano
Pour une conscience juive et encore plus israélienne, les derniers événements qui ont frappé Israël sont vécus comme une rémanence de la Shoah ou plus précisément du nazisme. Dans la “”razzia” – modèle type des invasions islamiques- qu’ont faite plus de 1500 terroristes du Hamas et des Gazaouites attirés par la curée -, les Juifs, nourrissons, femmes, enfants, vieillards, familles entières ont été kidnappés, réduits à l’état de corps, coupés, tronçonnés, égorgés, les bébés devant leur mère, violés, dépouillés de leur personnes, réduits à l’état de choses, exterminés …
Et cela, de surcroît en Israël où ils étaient censés reconstruire pour toujours leur dignité perdue dans la Shoah, dignité plus que nationale : humaine. C’est bien cette prise de conscience qui caractérise le sentiment qui a envahi l’Occident démocratique – à l’encontre du reste de la planète, il faut le dire, et avant tout du monde musulman où l’appel à tuer les Juifs sur toutes les scènes a été dans de nombreux endroits décrété par des autorités religieuses officielles, comme la fatwa de la Faculté de théologie de l’Université de Tunis. La visite d’une kyrielle de chefs d’État occidentaux à Jérusalem ne s’explique que dans cette référence à l’image de l’homme qui s’est vue désécrée et qui rappelle la Shoah.
Le mot de nazisme n’est pas ici incongru, Il a d’ailleurs une justification historique car il a des antécédents. Le mufti de Jérusalem, l’inventeur du nationalisme palestinien, Amine El Husseini, était un officier de la Wehrmacht où il avait créé un bataillon de SS musulmans qui sévissait dans les Balkans pendant qu’il préparait dans la Palestine mandataire l’infrastructure de l’extermination des Juifs en Orient dès que la victoire de Rommel en Afrique du Nord serait acquise. Et, sans aller trop loin dans le passé, aujourd’hui même, Mahmoud Abbas, le chef de l’Autorité palestinienne, auteur d’une thèse de doctorat révisionniste (soutenue à Moscou !) ne s’est-il pas vu récemment retirer la décoration de la Mairie de Paris pour avoir tenu des propos révisionnistes ? L’enseignement de la haine est à l’œuvre dans toutes les écoles de l’UNWRA et de l’Autorité palestinienne. Le Hamas, de fait, a tous les comportements du nazisme : défilés militaires dans les hurlements de ses chefs, embrigadement guerrier des tous petits enfants, haine viscérale des Juifs, utilisation de sa propre population comme arme ou bouclier. Seul un trait diffère : le motif “religieux”. Le terroriste, pardon “le martyr”, tue des Juifs pour être tué en retour afin de gagner le paradis voluptueux que sa foi lui promet.
La réaction des Israéliens à cet abaissement de la dignité humaine des Juifs, la fureur qu’ils peuvent ressentir devant cette désolation, l’urgence d’une réplique, pourtant maîtrisée et en suspens depuis que ces atrocités ont été perpétrées, deviennent la condition sine qua non de la réparation de leur humanité. Ils ne peuvent simplement pas passer à l’ordre du jour (l’irréaliste paix macronienne, notamment) après 1400 morts, 5000 blessés, 220 kidnappés, sans compter plus de 5000 missiles sur Israël… N’oublions pas que Gaza est devenu la base terroriste que l’on sait après qu’Israël se soit retiré d’un territoire qui aurait pu devenir, disait-on, le Singapour du Moyen Orient et dont Israël avait, hélas, rationalisé l’existence. Il en fut de même pour la catastrophe née d’Oslo.
Mais l’humain reconnu dans le Juif au vu du massacre perpétré reste cependant toujours en question, notamment en Occident démocratique (car ailleurs les Juifs ne sont pas des “hommes”)… Un étrange calcul est en effet à l’œuvre dans la mentalité collective qui se décline sur les plateaux de télévision.
La réparation et la reconnaissance de l’humanité du Juif est très vite chassée par le souci humanitaire pour les victimes “collatérales” potentielles de l’entité ennemie, celle-là même qui a perpétré le massacre. Elle est décrétée par principe innocente et irresponsable.
On peut se demander en effet si les bénéficiaires du souci humanitaire sont tous innocents ? Après chaque attentat, dans les villes palestiniennes et pas seulement à Gaza, les foules célèbrent les meurtres des Juifs en distribuant bonbons et gâteaux dans les youyous et les feux d’artifice : des Juifs sont tués et leurs assassins gagnent le paradis, effectivement.
Ce souci humanitaire n’est pourtant pas négligé par Israël : l’armée israélienne continue toujours avant toute attaque d’avertir par tracts ou par SMS les populations civiles, en les appelant à quitter les lieux tandis que chaque acte militaire doit être autorisé par un conseiller juridique… Peu d’armées au monde se comportent en fonction d’un tel protocole surtout quand dans l’entité ennemie il est difficile de distinguer les “civils” des “militaires”.
La compassion pour le Juif ne dure qu’un seul instant
Le souci humanitaire pour les victimes collatérales de l’agresseur quand l’agressé rend les coups reçus efface dans le discours journalistique la reconnaissance de l’humanité du Juif devenu responsable du drame “humanitaire”. La compassion pour le Juif ne dure qu’un seul instant. Elle est par ailleurs l’objet d’une manipulation majeure de l’agresseur. Le Hamas sait bien se jouer de ce syndrome propre à l’Occident en simulant systématiquement sur son propre corps la cruauté des juifs – le QG du Hamas fût-il installé, au su de tout le monde, dans le sous-sol du plus grand hôpital de la ville ! Il est prêt à condamner sa propre population (“nous aimons la mort plus que la vie” est sa morale) pour obtenir la réaction indignée (et trouble) de l’Occident démocratique envers Israël. L’humanitaire met en cause l’enjeu de l’humain…
La pire des choses sur le plan moral serait qu’Israël, pour ne pas perdre son humanité, cède à cet argument qui le vouerait à la paralysie. Il opterait pour une humanité victimaire, qui ne lui serait reconnue que lorsqu’il est dans l’état de victime. Dans cette perspective, la demande de Biden de faire précéder l’attaque programmée de Gaza par Israël par l’envoi d’une aide humanitaire a une portée tactique peut-être fatale qui n’est pas à l’avantage d’Israël. Elle sape la volonté de vaincre et de réagir à l’attaque innommable au nom d’une morale dont seul l’État d’Israël doit répondre dans le concert des nations. Les États-Unis dans leurs actions contre Daech ont-ils montré un tel comportement ? Où a-t-on vu des puissances étatiques se comporter ainsi ? Nourrir son ennemi ? “Messieurs les Anglais tirez les premiers!” La défaite assurée…
L’humanitarisme n’est invoqué que lorsqu’il est question de l’autodéfense d’Israël attaqué par ses ennemis. En vue de le paralyser Il ne se réveille que pour les victimes à venir des Israéliens avant même que ceux-ci ne répondent au coup reçu. Un tel souci ne se manifeste, il faut le souligner à nouveau, que pour le seul État d’Israël d’entre tous les États du monde engagés dans des opérations militaires.
Un tel souci ne se manifeste, il faut le souligner à nouveau, que pour le seul État d’Israël
Le syndrome moral ici analysé trouve son expression formelle dans une étrange théorie forgée dans le cadre du Conseil de sécurité, sous la forme d’un principe, uniquement applicable à Israël comme la pratique du Conseil le montre depuis longtemps. C’est la doctrine de la “proportionnalité”. Pour qu’Israël exerce son droit à la légitime défense de façon morale et “humanitaire”, en somme, il devrait agir en “proportionnant” son action à celle de son ennemi. C’est bien sûr un jeu de faux semblants car il n’y a aucun critère possible. Déjà, le seul fait que l’ennemi l’attaque dépasse tout critère possible sauf si l’on estime en silence et sans l’avouer que l’ennemi à des raisons de le frapper. C’est parce que l’on juge en fait que les Palestiniens sont par essence innocents qu’on estime que les Juifs sont par principe en dette envers eux. Comme l’avance l’essayiste britannique, Douglas Murray, faudrait-il qu’Israël se livre à des scènes de razzia, d’enlèvements et de meurtres, à la prise de 250 otages, à l’invasion de Gaza pour rester dans les limites de cette éthique défaillante de la “proportionnalité” ? D’autant que le crime commis par le Hamas contre la personne juive n’est pas ici un simple crime : il a porté atteinte à la condition humaine de l’être juif par sa cruauté et la désécration de la personne juive. La “proportionnalité” veut dire prosaïquement, à l’opposé de son sens obvie, que les Juifs et les “Gazaouites” ne pèsent pas le même poids, aux yeux de ceux qui les jugent. Elle renvoie dos à dos victimes et agresseurs.
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Un récit de la situation
Extrait d’un article de Vincent Gautronneau, envoyé spécial à Ramla,publié dans “Le parisien” le 19 octobre 2023 https://www.leparisien.fr/international/israel/des-mains-des-morceaux-de-crane-siderant-et-effarant-dans-la-morgue-geante-de-la-base-de-shura-19-10-2023-IZ5SC
“Des mains, des morceaux de crâne” : sidérant et effarant, dans la morgue géante de la base de Shura
“Au total, nous avons reçu près de 1 300 corps, explique le rabbin Iam Wiesberg d’une voix pleine d’une colère froide emmagasinée au fil des atrocités découvertes depuis maintenant 13 jours. Plus de 800 personnes ont déjà pu être identifiées, mais il reste encore beaucoup de travail”. Une mission rendue très compliquée par “les horreurs commises par le Hamas”, affirme le religieux. “On n’avait jamais vu ça depuis les nazis. Ils n’ont pas seulement cherché à tuer. Ils ont cherché à souiller, à humilier. Des soldats, des femmes, des enfants ont été massacrés, mutilés…”
Des sévices qui ont rendu de nombreux corps méconnaissables. “On a des femmes qui n’ont plus de visage, qui ont été abattues de plusieurs balles dans la tête uniquement pour les dévisager, détaille la docteur Shir, dentiste de l’armée affectée à la base de Shura depuis l’attaque du Hamas. La première chose pour identifier un corps, c’est le visage ou le corps grâce aux empreintes digitales, et ensuite les dents”. La jeune femme contient ses larmes puis reprend : “Mais comment voulez-vous faire quand ces barbares ont volontairement mutilé les corps, coupé des mains et tiré tellement de fois dans les visages qu’il n’en reste plus rien ?”
Reste alors l’ADN comme seul recours. Sous une tente blanche éclairée par un immense projecteur, des médecins tentent d’en extraire. Depuis le massacre du 7 octobre, les familles de disparus sont venues donner leur empreinte génétique afin qu’elle soit comparée à celles prélevées sur les défunts gardés à Shura. “Cela prend du temps, mais toutes les mères pourront retrouver leur fils ou leur fille”, assène Sherry, qui a lâché temporairement son travail d’architecte à Jérusalem pour apporter son aide sur la base de Shura. Tous les jours, elle nettoie des femmes tuées le 7 octobre et dont il ne reste parfois qu’une manucure, symbole pour Sherry “de l’horreur de ce qu’il s’est passé. Ils n’ont pas tué des soldats, ils ont tué de jolies filles qui s’étaient faites belles pour aller faire la fête…” “Ce n’était pas la guerre”, insiste Iam Wiesberg. “C’était de la barbarie”. Et le rabbin de lister d’une voix puissante, les atrocités qui lui et ses équipes ont découvert depuis près de deux semaines. C’est cette “femme enceinte à qui les terroristes ont ouvert le ventre pour sortir son fœtus”. C’est cette “mère de famille dont ils ont brûlé le corps et dont il ne restait presque rien. Quand on l’a passé au scanner, on a découvert qu’elle tenait son bébé contre elle”. Ce sont “toutes ces femmes retrouvées nues, victimes de viols avant d’être exécutées” ou ces hommes “dont on a coupé les mains, les pieds, les organes génitaux”. “On doit anéantir le Hamas, tonne Iam Wiesberg alors qu’un avion de chasse survole la base de Shura. Il est essentiel de documenter tous ces crimes atroces pour que les gens comprennent ce que ces gens ont subi. Les terroristes peuvent dire ce qu’ils veulent, les horreurs elles sont là, sous nos yeux”. Pour appuyer son propos, le rabbin ouvre deux conteneurs. Immédiatement, une violente odeur de mort s’en dégage. Elle prend aux tripes et se niche au fond de la gorge pour ne plus en sortir. Même les soldats qui supportent cela depuis près de deux semaines recouvrent leur visage d’un masque pour tenter d’atténuer la puanteur. Dans une des boîtes de métal blanc, des dizaines de corps sont alignées dans des linceuls immaculés. Tous demeurent pour le moment anonymes. Dans l’autre conteneur, les sacs mortuaires sont plus petits. Il s’agit de morceaux de corps. “Des mains, des bras, des morceaux de crâne”, liste le rabbin. 73 de ces fragments ont encore été ramenés dans la nuit de mercredi à la base de Shura par l’organisation Zaka, qui sillonne depuis 13 jours les lieux des massacres pour les récupérer.
© Shmuel Trigano
https://www.tribunejuive.info/2023/10/24/de-lhumain-a-lhumanitaire-par-shmuel-trigano/?fbclid=IwAR1Ja0821oQeDEzWmtfiKV-Q-DlupjF-JvjKTjzzVioyVDwKImNCJtK9VkM
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