samedi 2 novembre 2013

Creative destruction of medicine: actually?

http://www.econlib.org/library/Enc/CreativeDestruction.html

http://www.econtalk.org/archives/2013/04/topol_on_the_cr.html

http://www.amazon.fr/The-Creative-Destruction-Medicine-Revolution/dp/0465025501

Some assertions about Lousiana Life Expectancy are wrong: the race gap in life expectancy in US

http://www.worldlifeexpectancy.com/usa/louisiana-life-expectancy

http://en.wikipedia.org/wiki/List_of_U.S._states_by_life_expectancy

BTW we have to deal with methodological problems about life expectancy and rate of infant mortality.
http://www.livescience.com/10569-human-lifespans-constant-2-000-years.html

http://www.livescience.com/18822-white-live-longer.html

Hysterectomy: US stats

http://nwhn.org/hysterectomy

Ecotaxe Ecomouv un contrat qui détruit des entreprises


MEDIAPART 31/10/13
• FRANCE
• ENQUETE
Le contrat insensé de l'écotaxe
31 octobre 2013 |  Par Martine Orange
Un contrat léonin souscrit au détriment des intérêts de l’État, des soupçons de favoritisme et de
corruption, la menace de 800 millions d'euros à verser en cas d'annulation, une taxe qui ne répond
pas aux objectifs de fiscalité écologique... La mise en place de l’écotaxe en France, imaginée et
portée par la précédente majorité, tourne au scandale d’État.
 

Qui a signé le contrat de l’écotaxe ? Au lendemain de l’annonce de la suspension de la taxe sur les
transports de poids lourds annoncés par Jean-Marc Ayrault, la pression politique monte au fur et à
mesure que le gouvernement révèle les termes du contrat de partenariat public-privé dans lequel il
se retrouve piégé. L’État devrait verser 800 millions d’euros de dédit à la société privée Ecomouv,
chargée de la mise en place de cette taxe, si jamais il revenait sur sa décision de l’implanter dans
les conditions arrêtées par le contrat. © reuters
800 millions d’euros ! La somme a sidéré l’ensemble des Français. « Il n’y a pas un scandale de
l’ écotaxe, il y a un scandale Ecomouv », a dénoncé Joël Giraud, député radical de gauche lors de
la séance des questions d’actualité. Le sénateur PS François Rebsamen demande une commission
d’enquête parlementaire pour mettre au clair les conditions d'attribution de ce partenariat publicprivé. Il avoue avoir des « doutes sur la création de cette société censée collecter l’écotaxe ».
Jusqu’alors déterminée à utiliser sur tous les tons politiques le thème du ras-le-bol fiscal, prête à
dauber sur le énième recul du gouvernement, la droite se tient silencieuse. C’est elle qui a
imaginé, porté, choisi les modalités de la mise en œuvre de l’écotaxe, accepté les termes de la
société Ecomouv. Même si le contrat a été officiellement signé le 20 octobre 2011 par le directeur
des infrastructures, Daniel Bursaux, la signature a été précédée d’un accord écrit de Nathalie
Kosciusko-Morizet, alors ministre de l’environnement, Valérie Pécresse, ministre du budget,
François Baroin, ministre de l’économie et des finances.
Mais, brusquement, les uns et les autres se dégagent de toute responsabilité. Tout semble s’être
passé ailleurs, sans eux. « Nathalie Kosciusko-Morizet a bien signé. Mais elle ne s’en est pas
occupée. Tout était déjà bouclé », assure sa porte-parole, éludant la question de savoir si elle
aurait pu remettre en cause le projet. « Moi, je n’ai rien signé. Le seul texte que j’ai approuvé est
le décret pour l’application de l’écotaxe, le 6 mai 2012 (le jour même du second tour de l’élection
présidentielle - ndlr) », semble presque se féliciter Thierry Mariani, alors ministre des transports et
normalement chargé de la gestion du dossier. Lui aussi dit qu’il n’avait aucun pouvoir de modifier
les choses, « tout avait été arrêté avant ».
Tous les regards se tournent vers Jean-Louis Borloo, qui a occupé auparavant le poste de ministre
de l’environnement. C’est lui qui a lancé l’écotaxe, seul résultat tangible du Grenelle de
l’environnement. Très bavard au lendemain de la révolte bretonne, critiquant la mauvaise gestion
gouvernementale, l’ancien ministre de l’environnement se tait désormais. Il n’a pas retourné nos
appels. Quant à Dominique Bussereau, ministre des transports qui a supervisé lui aussi le
lancement du projet, il a disparu des écrans radars.
Le jeu de défausse des responsables de droite traduit leur inquiétude. Les uns et les autres flairent
le danger. Tout est en place pour un scandale d’État. Car il n’y a pas que les 800 millions d’euros
de dédit qui sont hors norme. Des choix du contrat aux conditions d’implantation en passant par la
sélection de la société, tout a été fait dans des conditions extravagantes, au détriment de l’État.
Sous couvert d’écologie, le gouvernement de Nicolas Sarkozy et l’administration ont accepté des mesures exorbitantes du droit commun, allant jusqu’à revenir sur le principe républicain que seul
l’État perçoit l’impôt. Chronique d’un naufrage.
DANS L’OPACITE DU PPP
Cela n’a jamais fait l’objet d’un débat. D’emblée, il était évident pour Jean-Louis Borloo que la
mise en place de l’écotaxe se ferait dans le cadre d’un partenariat public-privé. « Il y a un
consensus dans la haute fonction publique sur ces contrats. Elle ne jure que par eux, avec
toujours les mêmes arguments. D’abord, le privé est toujours mieux et sait toujours mieux faire.
Et maintenant, l’État est ruiné. Il ne peut plus s’endetter pour mener les projets par lui-même.
Désormais, tout passe par les PPP. Cela a coûté dix fois plus cher, comme l’a démontré la Cour
des comptes, engagé la Nation et les finances publiques pour des décennies, et on continue.
Depuis dix ans, on est ainsi en train de découper tranquillement tous les biens publics pour
permettre à des privés de se constituer des rentes à vie », explique un ancien trésorier payeur
général.
Dans le cadre de l’écotaxe, un autre argument est ajouté : celui de la technicité. Il faut implanter
des portiques de détection, diffuser des équipements embarqués à bord des camions pour
permettre de les identifier, gérer les données, percevoir la taxe. Tout cela demande des
équipements, des hommes, des logiciels, des traitements de données. Qui mieux que le privé peut
gérer une telle complexité ? s’interroge le ministre de l’écologie, qui pas un instant n’imagine
faire appel à des prestataires de services au nom de l’État. Toute la charge doit être déléguée au
privé.
Il y a bien un problème, malgré tout. C’est la perception de l’impôt. Depuis la Révolution, l’impôt
ne peut être perçu que par l’État. Mais si le privé n’est pas assuré de mettre la main sur les
recettes, jamais il n’acceptera de participer au projet. Qu’à cela ne tienne, on habillera le procédé
d’un nouveau terme en novlangue : on parlera « d’externalisation de la collecte de l’impôt ». Une
grande première qui sera confirmée dans les articles 269 à 283 quater du Code des douanes.
Jamais l’État n’a confié au privé la perception des impôts. « C’est le grand retour des fermiers
généraux », dénonce Élie Lambert, responsable de Solidaires douanes, qui redoute le précédent.
Très tôt, le syndicat s’est élevé contre les conditions obscures et léonines de ce partenariat publicprivé en décortiquant avec précision tous les enjeux de ce contrat, mais sans rencontrer jusqu’à
maintenant beaucoup d’audience (lire ici son analyse). « Non seulement, ce contrat tord tous les
principes républicains. Mais il le fait dans des conditions désastreuses pour l’État. En exigeant
240 millions d’euros par an pour une recette estimée à 1,2 milliard d’euros, le privé a un taux de
recouvrement de plus de 20 %, alors que le coût de la collecte par les services de l’État, estimé
par l’OCDE, est d’à peine 1 %, un des meilleurs du monde », poursuit-il.
Soupçons de corruption
Dès le 31 mars 2009, Jean-Louis Borloo lance donc un appel d’offres pour la mise en place d’un
télépéage sur l’écotaxe, dans le cadre d’un partenariat public-privé. Mais il le fait dans le cadre
d’une procédure spéciale, uniquement possible pour les PPP : le dialogue compétitif. Cette
procédure, dénoncée par des parlementaires dès la première loi sur les PPP en 2004, permet tous les détournements de la loi. L’État et les parties privées ne sont plus tenus par rien, ni par le code
des marchés publics, ni par la loi Sapin. Les offres peuvent évoluer au gré des discussions. Une
solution proposée par un candidat peut être reprise par l’autre. Officiellement, cela permet à l’État
de garder la main sur toute la procédure et prendre les meilleures idées partout. Dans les faits, cela
peut donner lieu à tous les tours de passe-passe.
Vinci, premier groupe de BTP et premier concessionnaire autoroutier en France, qui était très
attendu, choisit de ne pas répondre à l’appel d’offres « jugé trop compliqué » selon un de ses
dirigeants. Trois candidatures demeurent : celle du groupe italien autoroutier, Autostrade, au
départ tout seul ; celle de Sanef, deuxième groupe autoroutier français contrôlé par l’espagnol
Abertis, accompagné par Atos et Siemens ; enfin un troisième consortium est emmené par
Orange. Les enjeux sont si importants qu’ils vont donner lieu à une bataille féroce.
SOUPÇONS DE CORRUPTION
Pierre Chassigneux© Dr
Le 13 janvier 2011, Pierre Chassigneux, préfet, ancien responsable des renseignements généraux,
ancien directeur de cabinet de François Mitterrand, devenu président de Sanef, écrit à Jean-Paul
Faugère, directeur de cabinet du premier ministre François Fillon. Il est inquiet. Par de multiples
bruits de couloirs, si fréquents dans l’administration, la même information lui revient : la
proposition de Sanef qui, jusqu’alors semblait en tête, est en train d’être distancée par celle
d’Autostrade. Celui-ci fait maintenant figure de favori.
Dans sa lettre, Pierre Chassigneux met en garde le directeur de cabinet sur la candidature
d’Autostrade, qui n’a aucune référence en matière de télépéage à la différence de Sanef. Il le
prévient aussi qu’au vu d’un certain nombre de distorsion dans l’appel d’offres, son consortium n’hésitera pas à porter le dossier devant le tribunal administratif. Son courrier est explicite :
« Ajouté au risque politique évident que présente déjà l’instauration d’une taxe poids lourds,
celui d’un cafouillage de mise en place dû à l’incapacité de l’opérateur choisi, additionné d’un
contentieux (…)  dont le résultat ne fait aucun doute, me paraît présenter une forte accumulation
de facteurs négatifs. » Il ajoute : « Le groupe est tout à fait prêt à s’incliner devant une offre
concurrente jugée meilleure, à condition que les règles de fair-play et de saine concurrence soient
respectées, ce qui n’est hélas ici manifestement pas le cas. »
Car le consortium emmené par Sanef a noté tous les changements intervenus depuis le dépôt des
candidatures à l’appel d’offres. Le groupe italien qui était tout seul au départ s’est « francisé » en
s’adjoignant le concours de la SNCF, Thalès, SFR et Steria comme partenaires très minoritaires
(Autostrade détient 70 % du consortium). De plus, l’État a introduit des critères très imprécis pour
évaluer les offres, comme celui de la crédibilité. Il a  aussi changé les critères du coût global de
l’offre. Enfin, le consultant extérieur, Rapp Trans, chargé d’aider l’État à évaluer les candidatures,
est aussi conseiller d’Autostrade dans de nombreux projets. Cela fait beaucoup de transgressions
par rapport aux règles usuelles.
Mais il y a un autre fait qui alarme Pierre Chassigneux. Des rumeurs de corruption circulent
autour de ce contrat. Sanef se serait vu conseiller d’appeler un grand cabinet d’avocats, rencontré
dans de nombreuses autres affaires, s’il voulait l’emporter. L’ancien directeur des RG décide
alors, comme cela a déjà été raconté par Charlie Hebdo et Le Point, de faire un signalement
auprès du service central de prévention de la corruption.
Tous ces faits ne semblent pas retenir les pouvoirs publics. Le 14 janvier 2011, le classement des
appels d’offres, signé par Nathalie Kosciusko-Morizet, est publié : Autostrade, comme l’a
annoncé la rumeur, est en tête. Sans attendre les deux mois de réflexion accordés par les textes, la
ministre de l’écologie choisit de retenir tout de suite l’offre du candidat italien.
Furieux, le consortium emmené par Sanef  dépose une requête en référé devant le tribunal
administratif de Cergy-Pontoise pour contester l’appel d’offres. Il reprend tous les griefs qu’il a
déjà relevés pour souligner la distorsion de concurrence. Une semaine après, le tribunal
administratif lui donne raison sur de nombreux points, notamment le changement de la
candidature d’Autostrade avec l’arrivée de la SNCF, le caractère discrétionnaire des critères, le
conflit d’intérêts avec le conseil de l’État, Rapp Trans, et casse l’appel d’offres.
Jean-Paul Faugère, directeur de cabinet de François Fillon © dr
Dans ses attendus, le tribunal administratif souligne notamment un point intéressant, celui du
prix : « L’État ne paierait pas le prix stipulé dans l’offre du candidat mais un prix qui se
formerait dans des conditions qu’il ne maîtrise pas et qu’un candidat peut, le cas échéant, manipuler ; que le critère du coût global a été privé de signification par le pouvoir adjudicateur
en introduisant la modification tendant à ne plus rendre comme objectif obligatoire le
pourcentage d’abonnés ; qu’ainsi des soumissionnaires tels qu’Alvia (nom du consortium dirigé
par Sanef) ont été défavorisés », écrivent les juges.
Sans attendre, Thierry Mariani, ministre des transports, fait appel de la décision du tribunal
administratif auprès du conseil d’État, au nom du gouvernement. Le 24 juin 2011, le conseil
d’État casse le jugement du tribunal administratif, déclare l’appel d’offres valable et confirme la
candidature retenue d’Autostrade. Ce jour-là, selon des témoins, Jean-Paul Faugère, ancien
magistrat au conseil d’État, serait venu exceptionnellement assister à la délibération.
Affaire d'Etat
Mais tout ce remue-ménage a laissé des traces. Au ministère des transports et de l’équipement
comme dans les milieux du bâtiment, on n’a guère apprécié les initiatives de Pierre Chassigneux.
D’autant qu’après avoir saisi la direction de la prévention de la corruption, il a aussi signalé le
dossier à la brigade de la délinquance économique. Dans le monde discret du BTP, ce sont des
choses qui ne se font pas. Et on le lui fait savoir. « On a fait pression sur moi pour que j’arrête.
Certains sont venus me voir en me disant de tout stopper, sinon (dixit) "des gens risquaient d’aller
en prison" », raconte Pierre Chassigneux aujourd’hui. Un de ses amis préfets, proche du pouvoir,
lui confirmera en juillet 2011 : « C’est une affaire d’État. »
Les représailles ne tarderont pas à son encontre. Dès le printemps, le milieu du BTP décide de le
rayer de la présidence de l’association des autoroutes de France qui lui était destinée. Plus tard,
profitant de ce que Pierre Chassigneux est atteint par la limite d’âge, l’actionnaire principal de
Sanef, l’espagnol Abertis, qui a aussi des liens étroits avec l’italien Autostrade – ils voulaient
fusionner en 2007, mais la direction de la concurrence européenne s’y est opposée –, optera pour
un candidat nettement moins turbulent pour le remplacer : il nommera Alain Minc.
Lorsqu’il était président de la commission des finances à l’Assemblée nationale, Jérôme Cahuzac
s’était intéressé aux conditions d’obtention du contrat de partenariat public-privé et avait
auditionné Pierre Chassigneux. Il y fera référence lors d’un débat à l’Assemblée sur l’écotaxe le
17 juillet 2012  : « La régularité des procédures qui ont suivi l’adoption de la loi a été contestée
devant les juridictions administratives. En première instance, l’appel d’offres qui avait attribué le
marché à une entreprise italienne aux dépens d’une entreprise française, la société des autoroutes
du Nord et de l’Est de la France, a été annulé. Le Conseil d’État a rétabli en appel la décision. Il
ne m’appartient pas de juger les raisons pour lesquelles la Haute assemblée a désavoué la
première instance, mais ceux qui s’intéressent à ce sujet seraient sans doute intrigués par
certaines des modalités qui ont présidé à cette conclusion », déclare-t-il alors.
Le ministère du budget, cependant, ne semble jamais s’être vraiment penché sur le sujet. Lorsque
Pierre Chassigneux s’est enquis des suites données au dossier, un conseiller lui a répondu que
c’était désormais dans les mains de la justice. Une enquête préliminaire avait été ouverte par le parquet de Paris. En juin 2011, le dossier a été
transmis au parquet de Nanterre, territorialement compétent. À l’époque, ce parquet est dirigé par
le juge Philippe Courroye.  Depuis, il n’y a plus aucune nouvelle sur le sujet.
UN CONTRAT EN OR
Au fur et à mesure des discussions avec l’État, le contrat de partenariat public-privé a beaucoup
évolué par rapport à ce qui était envisagé au moment de l’appel d’offres. De dix ans au départ,
celui-ci est passé à treize ans et trois mois. Comment ? Pourquoi ? Rien n’a été dit à ce sujet. Estce que cela seul ne remet pas en cause le contrat ?
Thierry Mariani© dr
Mais ce changement est tout sauf anodin : au lieu de 2,4 milliards, ce sont 3,2 milliards d’euros
qui sont promis à la société Ecomouv, société formée par le consortium dirigé par Autostrade.
Jamais l’État n’a signé un PPP aussi ruineux. À titre d’exemple, le contrat de PPP pour la cité
judiciaire de Paris, fortement contesté lui aussi, prévoit une rétribution de 3 milliards d’euros pour
Bouygues qui a gagné l’adjudication. Mais c’est sur une période de trente ans.
« Vous ne pouvez pas comparer la construction d’un bâtiment à un marché d’équipements où il
faut des investissements, des remises à niveau, du personnel », objecte Thierry Mariani. Parlonsen justement des équipements, des investissements. Sous prétexte qu’il s’agit d’un contrat privé,
peu de détails sont donnés. La société Ecomouv a pour mission d’assurer la surveillance de
quelque 15 000 kilomètres de routes nationales. Elle affirme avoir investi 600 millions pour
l’installation des portiques de télépéage, les boîtiers de géolocalisation, les logiciels. Un terrain a
été acheté à Metz auprès du ministère de la défense pour installer des centres d’appels.
Mais la société va aussi bénéficier de l’aide des douaniers, comme le confirme Élie Lambert de
Solidaires douanes : « Nous sommes dans une complète confusion des genres. D’un côté, cette
société va percevoir l’impôt, aura le droit de mettre des amendes, ce qui est aussi du jamais vu
dans l’histoire de la République. Mais de l’autre, les services de Douanes vont être requis pour
poursuivre et arrêter les contrevenants. C’est-à-dire que la tâche la plus coûteuse et la plus
difficile est mise à la charge du public, pour des intérêts privés. »
Côté recettes, l’État s’est engagé à verser 20 millions par mois à la société à partir du 1
er
 janvier
2014, quelle que soit la date de départ de l’écotaxe. « Il faut bien commencer à rembourser les
investissements et les frais financiers », a expliqué Michel Cornil, vice-président du groupement
au Figaro. Ecomouv n’a pas retourné nos appels. On comprend que la société soit impatiente de réaliser très vite des rentrées d’argent. Car tout son
montage financier repose sur une lévitation : une pincée de capital et une montagne de dettes.
Créée le 21 octobre 2011, juste après la signature définitive du contrat, la société dominée par
Autostrade – ils ont sept représentants sur dix – a constitué un capital de 30 millions d’euros. Pour
un projet évalué autour de 800 millions d’euros, c’est peu. Il est étonnant que cet aspect n’ait pas
attiré l’attention de l’État. Comment confier un tel projet à une société si peu solide même si elle a
des actionnaires puissants derrière elle ? Que se passe-t-il si tout dérape ? Qui intervient ? On
craint de connaître la réponse.
Dès la première année, compte tenu des pertes liées aux investissements de départ, elle n’avait
plus que 9 millions de capital. Depuis, à notre connaissance, aucune augmentation de capital n’a
été réalisée. En face, il n’y a que des dettes. Au 31 décembre 2012, la société avait déjà un
endettement de 300 millions d’euros. Selon ses déclarations, celui-ci s’élève à 485 millions
d’euros aujourd’hui.
L’effet de levier est donc gigantesque. Le financement est apporté par un consortium de banques
emmené par le Crédit agricole, les banques italiennes Unicredit et Mediobanca, la Deutsche Bank,
le Crédit lyonnais et la Caisse des dépôts. Le taux moyen est de 7,01 %. L’État, lui, emprunte à
2,7 %.
Goldman Sachs en percepteur ?
Le montage est conçu de telle sorte que la société qui va dégager une rentabilité hors norme – sur
la base des versements prévus, les investissements seront remboursés en moins de trois ans – ne
fera jamais de bénéfices. Enfin, officiellement. Ce qui lui permettra de ne jamais payer d’impôts.
Un comble pour celui qui se veut percepteur au nom de l’État.
Un alinéa prévoit que Autostrade est libre de revendre toutes ses actions après deux ans de
fonctionnement, après en avoir informé l’État qui n’a rien à dire sur le changement de contrôle,
selon les statuts de la société. Là encore, pourquoi l’État a-t-il consenti une telle libéralité ?
Compte tenu du dispositif, il n’est pas impossible que dans les prochaines années, Ecomouv
repasse, avec fortes plus-values à la clé pour ses anciens propriétaires, dans d’autres mains attirées
par cette rente perpétuelle. Un Goldman Sachs par exemple, qui prendrait ainsi un contrôle direct
sur les impôts des Français.
Curieusement, à entendre la société Ecomouv, elle n’a que des droits vis-à-vis de l’État. Il lui doit
800 millions de dédit si le contrat est cassé, 20 millions d’euros au 1
er
 janvier 2014, même si
l’écotaxe est retardée. Mais il n’est jamais évoqué ses propres engagements. Dans tout contrat, il
est normalement prévu des dates de mise en exécution, des pénalités de retard ou si les recettes ne
sont pas à la hauteur espérée, faute d’une mise en place satisfaisante. Dans celui d’Ecomouv, il
n’en est jamais question.
Les retards pourtant sont nombreux. L’écotaxe devait être mise en place en avril 2013 en Alsace
et en juillet 2013 dans toute la France. Cela n’a pas été possible. Ecomouv n’était pas prêt. Le
système technique était toujours défaillant. Comment se fait-il que l’État n’invoque pas des
pénalités de retard, des amendes pour manque à gagner des recettes, voire n’ait pas envisagé la mise en œuvre d'une clause de déchéance ? Faut-il croire que le contrat a été rédigé de telle sorte
que l’État soit dépourvu de toute arme ? Dans ce cas, qui a accepté de telles clauses ?
Fin octobre, le système de télépéage n’a toujours pas reçu l’attestation de validation par
l’administration. Cette attestation est espérée en novembre. De même, il était prévu afin que le
système de perception fonctionne bien que 800 000 abonnements de télépéage soient souscrits au
moment du lancement. Fin octobre, les abonnements ne dépassaient les 100 000. « La suspension
de l’écotaxe décidée par Jean-Marc Ayrault est une vraie bénédiction pour Ecomouv. Car il n’est
pas prêt pour entrer en service au 1
er
 janvier. Cela lui permet de cacher ses défaillances », dit un
connaisseur du dossier.
UNE TAXE QUI N’A PLUS D’ECOLOGIQUE QUE LE NOM
Il existe tant de problèmes autour de ce contrat de PPP que cela semble impossible qu’il demeure
en l’état. Mais le pire est que l’écotaxe, telle qu’elle a été conçue, ne répond en rien aux objectifs
d’une véritable fiscalité écologique souhaitée officiellement par l’État.
Lorsque Jean-Louis Borloo présente son projet d’écotaxe à l’Assemblée, le 17 juin 2009, le texte
est adopté à une quasi-unanimité. À droite comme à gauche, chacun se félicite de cette avancée
écologique. Chacun alors semble avoir compris qu’une nouvelle fiscalité écologique est en train
de se mettre en place sur la base du pollueur-payeur, et que les recettes vont servir au
développement des transports durables. Erreur !  Car le ministère des finances veille. L’écotaxe
pour lui, ce sont des recettes nouvelles pour remplacer les 2 milliards d’euros évaporés à la suite
de la perte des autoroutes, bradées au privé. Un moyen aussi de récupérer en partie la TVA sociale
que le gouvernement n’a pas réussi à mettre en place.
« Quand l’Allemagne a instauré une taxe sur les transports routiers, les élus alsaciens ont vu tous
les camions passer chez eux. Ils ont alors demandé l’instauration d’une taxe pour freiner les
nuisances et compenser les dégâts. L’idée a soulevé l’enthousiasme. Taxer les poids lourds était
une idée de financement qui circulait depuis 2000. Alors qu’il y avait des autoroutes payantes, les
routes nationales restaient gratuites. Pour les camions, c’était un moyen d’échapper aux taxes.
Dans l’esprit de Bercy, cette taxe devait être récupérée par les camionneurs et payée par les
consommateurs. Ensuite, on habillait tout cela de vert », raconte un ancien membre de cabinet
ministériel à Bercy. C’est bien cela qui s’est passé : on habillait de vert sur les routes gratuites
jusqu’alors.
Lorsque le Conseil d’État approuve le 27 juillet 2011 le schéma futur de taxation du réseau routier
soumis à l’écotaxe, il y a une première surprise : les autoroutes, principaux points de transit de
tous les transports internationaux, n’y figurent pas. Motif avancé par les intéressés : les camions
paieraient déjà la taxe au travers des péages. Dans les faits, ils ne paient rien du tout. Les sociétés
privatisées d’autoroutes reversent juste une redevance d’utilisation du domaine public. Alors que
la Cour des comptes dénonce l’opacité des tarifs et l’enrichissement sans cause des sociétés
d’autoroutes, la redevance n’a jamais été réévaluée depuis leur privatisation : elle est de 200
millions d’euros par an pour 7,6 milliards de recettes en 2011. Le gouvernement vient de
l’augmenter de 50 % pour la porter à 300 millions d’euros. « Ne pas inclure les autoroutes, c’est donner une super-prime au privé. Tout est fait pour créer un
effet d’aubaine et ramener du trafic sur les autoroutes privées, au détriment de l’État et des
principes écologiques », dénonce Élie Lambert.
Mais il n’y a pas que cela qui choque dans le schéma retenu. La Bretagne, qui n’a aucune
autoroute payante, se voit imposer une taxation sur l’essentiel de son réseau routier. Comme le
relevait un excellent billet de blog sur le sujet, l’Aveyron, grand lieu de passage de camions s’il en
est, se voit taxé en plusieurs endroits. En revanche, a pointé le député Joël Giraud, toutes les
routes nationales empruntées par les camions entre la France et l’Italie, et qui sont un cauchemar
pour certains villages, n’ont aucun portique de taxation. « Nous sommes dans un scandale absolu.
Cette taxe qui devait servir à limiter les transports internationaux, réduire les nuisances, a été
conçue et détournée de telle sorte qu’elle va en fait être payée par les seuls transporteurs locaux,
tandis qu'une partie des transports internationaux en seront exemptés. Une fois de plus, le monde
politique et le monde administratif tuent le pays réel », accuse Jean-Jacques Goasdoue, conseiller
logistique.
La fureur des clients et des transporteurs est d’autant plus grande qu’ils se sentent totalement
piégés. Dans cette période de crise, alors que la pression des clients et en particulier de la grande
distribution est très forte, ils ne peuvent pas répercuter la taxe qui varie entre 3,7 % et 4,4 % en
moyenne, quelle que soit la valeur de la marchandise transportée, et qui va venir s’ajouter au prix
de transport. Autant dire que pour nombre d’agriculteurs et de transporteurs, c’est leur marge qui
risque de disparaître dans cette taxe.
Le pire est qu’ils n’ont aucun choix. Depuis l’annonce de l’écotaxe en 2009, rien n’a été fait pour
développer des transports alternatifs, mettre en place des solutions de ferroutage, de transport
multi-modal. La faillite de la SNCF en ce domaine est pointée du doigt. « Nous sommes en
matière de transport ferroviaire dans une situation pire qu’en 2007. Alors que le fret en
Allemagne ne cesse de se développer, chez nous il régresse à vue d’œil », accuse Jean-Jacques
Goasdoue. « En 2008, il y avait eu un accord entre Sarkorzy et Pepy (président de la SNCF). Le
gouvernement aidait la Sncf à conforter son pôle marchandise, en regroupant le fret et les
transports routiers sous l’enseigne Geodis. Geodis a été confié à Pierre Blayau. Ce président qui
a déjà ruiné Moulinex dans le passé est en train de ruiner Geodis. Sous sa présidence, le fret n’a
cessé de régresser. Il a supprimé le transport wagon par wagon, fermé certaines gares de triage.
Il a été incapable de mettre en place une offre sur les grandes lignes, d’aider au développement
du transport multi-modal », poursuit-il.
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Aucun changement ne se dessine. Les 750 millions d’euros de recettes que l’État est censé
percevoir par le biais de l’écotaxe doivent normalement servir à l’amélioration des infrastructures
de transport. C’est l’agence de financement des infrastructures de transports qui a la responsabilité
de gérer cet argent. Une agence parfaitement inutile, a dénoncé la Cour des comptes, mais qui a
tenu lieu de sinécure pour certains : Gérard Longuet puis Dominique Perben, ancien ministre des
transports, en ont eu la présidence depuis sa création en 2005. C’est le maire de Caen, Philippe
Duron, qui la dirige depuis novembre 2012.
Cette agence n’a aucun pouvoir de décision. Elle ne fait que verser l’argent à des projets qui ont
été sélectionnés ailleurs. Dans son rapport sur le sujet, le député UMP Hervé Mariton ne cachait
pas quelle serait la principale utilisation de cet argent : tout devait être fait pour conforter l’offre
routière et autoroutière française. Pas étonnant que la fédération des travaux publics ait été la
première à s’émouvoir de la suspension de l’écotaxe. Elle devrait être la première bénéficiaire de
cette manne. Cette fédération est dominée par les grands du BTP, qui (hasard...) sont aussi, à
l’exception notable de Bouygues, les grands bénéficiaires de la privatisation des autoroutes.
Pour l’avenir, Bercy a déjà un schéma tout arrêté sur le futur de l’écotaxe. « Dans l’esprit des
finances, il est évident que les recettes de l’écotaxe sont appelées à augmenter. En fonction de son
acceptabilité, il est possible de jouer sur différents leviers : son taux, son périmètre – on peut très
bien imaginer inclure certaines départementales dans la taxe – et son assiette. Pour l’instant, la
taxe est payée par les camions au-dessus de 3,5 tonnes, mais il est possible d’abaisser ce seuil,
d’aller jusqu’aux fourgonnettes », dit cet ancien haut fonctionnaire des finances. Un vrai projet
écologique !

jeudi 31 octobre 2013

Retraites vers l'étatisation de la faillite


OCTOBRE 2013

Etatisation de la CNAVPL : le président de la Carmf met en garde les députés

Le président de la Caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf), Gérard Maudrux, vient d’écrire à tous les députés, juste avant l’examen du projet de loi « garantissant l’avenir et la justice du système de retraite ».

Objet de ce courrier : l’article 32, lequel permet à l’État de prendre la main sur la Caisse nationale de retraite des professions libérales (CNAVPL). Pour le président de la CARMF, l’adoption d’une telle mesure aurait cinq fois plus de conséquences sur le corps médical que le plan Juppé « qui a laissé des traces pendant vingt ans ».

« Peut-on faire une bonne loi sur des bases délibérément fausses ? », écrit Gérard Maudrux. Le président de la Carmf réfute l’idée que certaines caisses sont en déséquilibre. « Si on ne prend que les projections tendancielles demandées et fournies au conseil d’orientation des retraites (COR), toutes les caisses de France le sont naturellement. Ces courbes n’intègrent pas les mesures d’ajustement que nous faisons chaque fois que nécessaire depuis soixante-dix ans, en constituant même des réserves garantissant mieux l’avenir que tous les autres régimes », écrit-il.

Le Concours Médical.

Campaign for open data in clinical trials

http://www.bmj.com/content/347/bmj.f6104


http://www.theguardian.com/science/2013/oct/29/scientists-fears-over-unpublished-drug-trials

I don't back any regulation any law in this field.

I think that this shouldn't be mandatory but a high percentage of nonpublication is worrisome.
"on 585 trials 32% of trials funded by industry and 18% of non-industry funded trials had not published results 5 years after they ended. They estimate that this means that more than 250,000 people have volunteered for clinical trials where the findings have been kept secret."
By the way organizations or drug makers will no longer keep the data unpublished as far as this could have a negative impact on their reputation. So we need to know who don't publish.

http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-14-254_en.htm

http://www.alltrials.net/2014/europe-votes-for-clinical-trial-transparency/

mardi 29 octobre 2013

The future of medicine is AI

IBM Watson for Healthcare - YouTube

Is IBM's Watson in Jeopardy? This Oncologist Thinks So! - Forbes

Le député socialiste G Bapt franchit le mur de la C...ie à plusieurs reprises et chute à la réception

http://www.challenges.fr/entreprise/20131024.CHA6149/voici-pourquoi-il-faut-taxer-le-red-bull.html

Cet interview où le journaleux n'ose pas poser les bonnes questions car il est aussi de goche est un monument de la grande hypocrise de ce gouvernement. La dictature fiscale et comportementale c'est maintenant.

Car en effet on taxe le Red Bull car les petits malins le mélangent à l'alcool et bien sur cela entraine une alcoolémie une ébriété une ivresse un coma et la mort... Et ils ne le savent pas alors comme ils ne savent plus lire et que le lobby de l'alcool il faudrait être suicidaire pour le taxer à hauteur des externalités négatives qu'il produit et bien on a pensé à la taxe comportementale.
Tout déviant sera taxé!
C'est mieux que le goulag.

Tiens je ne suis pas le seul...
http://www.lopinion.fr/30-octobre-2013/legitimer-concept-fiscalite-comportementale-on-a-perdu-boule-5616

lundi 28 octobre 2013

Obamacare and web site disaster: why did the president fail in this setting?

"The short explanation, I believe, is that Obama privatized his election campaigns, while he nationalized health reform."
Great!
http://healthblog.ncpa.org/why-the-exchanges-are-a-mess-and-a-very-simple-solution/?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=HA#more-33667

http://daviddfriedman.blogspot.fr/2013/10/a-matter-of-priorities.html

A propos de la publicité



Je ne partage pas toutes les idées de ce texte. En particulier le libre échange est tout à fait étranger à l'entreprise d'intoxication car c'est le plus sur moyen d'ouvrir les sociétés et les esprits (lire l'open society de Karl Popper). En revanche il est exact que l'intoxication via la publicité et les médias est un facteur majeur de transformation de l'homme libre en DARL: Le Docile A Responsabilité Limitée.
Ce que les analyses de ce texte taisent scrupuleusement c'est le rôle majeur d'un état obèse omniprésent et omnipotent.



















Publicité et propagande, éléments essentiels de conditionnement du Système

26 octobre 2013 | Polémia
« Le conditionnement à l’acte d’achat compulsif, le conditionnement au politiquement correct. »
Voici le texte d’introduction de Jean-Yves Le Gallou, à la Sixième Journée de réinformation de Polémia (26 octobre 2013) consacrée à la désinformation publicitaire.
Polémia.

Après La Tyrannie médiatique, Polémia poursuit sa réflexion sur les troupes d’occupation mentale en décryptant la désinformation publicitaire :

– Des écrans allumés partout : dans les maisons, les bars, les restaurants, les transports. Chaque Français subit chaque jour 61 minutes d’exposition publicitaire ;
– 2% de la richesse produite consacrés au formatage de l’opinion par la publicité ;
– Et la mise des neurosciences au service de la manipulation mentale.

Tout cela dans un double but : le conditionnement à l’acte d’achat compulsif, le conditionnement au politiquement correct.

Les messages publicitaires (ce qui entre dans nos têtes) et les achats d’espace (ce qui fait vivre ou mourir les médias) dépendent du bon vouloir de deux grands opérateurs-prédateurs : Publicis (Maurice Lévy et la famille Badinter) et Euro-RSCG (Stéphane Fouks, l’ami de DSK, le publicitaire de Hollande et Valls).

Sans oublier la fusion de Publicis et d’Omnicom (le géant américain) qui va créer un mastodonte mondial capable d’aligner 130.000 agents de propagande ; 130.000 propagandistes chargés de formater l’opinion en créant des besoins d’achat superficiels et en véhiculant le message idéologique dominant : mondialisme, antiracisme, rupture des traditions, culpabilisation. Le monde de la publicité, c’est un monde cosmopolite qui veut abroger les frontières : frontières physiques que sont les nations, frontières morales que sont les traditions.

Or Staline ne disposait pas du dixième des moyens de persuasion dont usent – et abusent – les grands oligopoles publicitaires. Certes, Staline avait le goulag mais nous, c’est dans un goulag mental que nous sommes enfermés.

Car, par construction, la publicité n’est pas neutre puisque sa fonction est de faire vendre.

La publicité, en tant que levier du Système économique actuel, véhicule nécessairement l’idéologie du Système marchand. Le rôle de la publicité c’est de valoriser la seule richesse matérielle. Par nature, la publicité promeut ce qui s’achète et se vend au détriment de ce qui est gratuit : les arbres, les paysages, la relation/émotion à la nature ou à l’art, les relations humaines ont vocation à passer derrière ce qui se valorise avec de l’argent : les produits et, plus encore, les marques.

Allons au-delà : la publicité est un moyen de formatage global de l’opinion car il y a une symbiose publicité/médias/politique en post-démocratie ; les hommes et les partis politiques deviennent des marques. La publicité ne dit pas seulement ce qu’il faut acheter mais ce pourquoi – ou pour qui – il faut voter… ou surtout ne pas voter.

Enfin, comme il existe des bobards médiatiques, il y a des bobards publicitaires. C’est Findus, le marchand de lasagnes dans lesquelles la viande de cheval remplaçait la viande de bœuf, qui nous explique qu’il est « très à cheval sur la qualité de ses produits ». Et c’est Stéphane Fouks, d’Euro-RCSG, qui nous avait vanté les éminentes qualités de présidentiable de DSK avant de se reconvertir au service de Hollande et de Valls. Au final, la publicité institutionnalise le bobard et la désinformation.

Mais certaines publicités sont encore plus nocives que la moyenne lorsqu’elles assurent :

   la promotion du métissage ou de la « diversité » (promotion des couples mixtes, des hommes de couleur), de « l’antiracisme » (ex. Jean-Paul Goude) ;

   la modification de l’image de l’homme (inversion des rôles masculin/féminin ; les catalogues de jouets « dégenrés » : les petits garçons jouent à la poupée) ;

   la valorisation de « l’homoparentalité » ;

   la valorisation du mode de vie américain et de la société mondialisée ;

   la déconstruction/provocation des valeurs nationales (ex. Benetton).

Voilà ce à quoi nous allons réfléchir aujourd’hui :

Comment échapper à la désinformation publicitaire ?

Comment dénoncer la tyrannie publicitaire, car dénoncer une tyrannie c’est déjà l’affaiblir.

Mais apprendre à la contourner, c’est encore mieux !

Jean-Yves Le Gallou
Président de Polémia
6e journée de la réinformation
26/10/2013

: 6e Journée de la réinformation – La publicité élément clé de l’idéologie dominante (1/5).

27 octobre 2013 | Polémia


Avant d’aborder la question de savoir comment la publicité se met au service de l’idéologie dominante, il convient de rappeler quelle est cette idéologie.

L’idéologie dominante est un mélange (explosif) de trois composantes principales :

- l’idéologie des Lumières, revisitée par l’idéologie libertaire de Mai-1968 et qui s’exprime notamment aujourd’hui dans la nouvelle idéologie des droits de l’homme, l’antiracisme, et la promotion de la « diversité » et du cosmopolitisme ;
- le libre-échange comme modèle économique et le monde anglo-saxon comme modèle social ;
- la prétention à créer un homme nouveau et une société nouvelle, qui emprunte à l’appareil idéologique de la gauche et qui suppose de s’affranchir des principes démocratiques traditionnels, pour imposer à la population des évolutions qu’elle ne souhaite pas.

Au plan sociologique cette idéologie sert de justification et de levier à la prise du pouvoir par l’oligarchie des dirigeants des grandes entreprises mondialisées et des institutions financières, au sein des sociétés occidentales (post-démocratie).

Pourquoi la publicité diffuse-t-elle cette idéologie ?

Cinq raisons.
A) La publicité, une idéologie intrusive

A.1. La persuasion publicitaire est une idéologie

A.1.1. Selon la définition de l’idéologie selon Jean Baechler (Qu’est-ce que l’idéologie ? Idées Gallimard, 1976), la publicité est une idéologie, c’est-à-dire un discours qui vise à produire des effets sur le comportement de ceux qui le reçoivent. L’idéologie politique est un discours qui vise une finalité politique (en particulier qui légitime la distinction ami/ennemi).

La publicité est une idéologie à finalité commerciale qui vise à légitimer un comportement d’achat compulsif.

Par essence la publicité est donc une « manipulation » qui vise à provoquer un comportement que le sujet n’a pas nécessairement voulu consciemment ou personnellement. Vance Packard définit ainsi dès 1957 les publicitaires comme des « manipulateurs » (La Persuasion clandestine, Calmann-Lévy, 1958).

La publicité s’efforce en effet de faire apparaître au client potentiel que le produit qu’elle met en scène présente :

- une valeur perçue supérieure à son coût perçu : il s’agit de mettre l’accent sur les qualités réelles et supposées (ex. la mise en exergue de qualités en réalité accessoires : les gadgets destinés à vendre des automobiles, alors qu’ils n’augmentent pas en général les performances ou la sécurité du véhicule, et à en diminuer le coût apparent (d’achat [ex. 499 € et non pas 500…] ou d’usage) ;
- une valeur supérieure à celle des produits de la concurrence (même si la publicité comparative est interdite).

Il s’agit donc à chaque fois de jouer sur les perceptions du sujet autant et sinon plus que sur le produit lui-même. Pour cette raison la publicité se rattache à la désinformation, à l’action psychologique et à l’influence.

A.1.2. Il n’y a pas de différence de nature entre publicité, propagande et influence, sinon que les émetteurs des messages peuvent différer. La publicité est une forme d’influence de la population qui ne se différencie pas fonctionnellement de la désinformation à caractère politique, idéologique ou sectaire. La seule différence tient à ce que cette désinformation se développe à une échelle très vaste et qu’elle est encouragée ouvertement.

Par contre, la cible est bien la même : formater le même citoyen, qu’il se présente sous la forme de l’électeur, du lecteur, de l’auditeur, du téléspectateur ou du consommateur.

Non seulement la cible est la même, mais le contenu des messages est en outre très proche au fond, qu’il s’agisse de la propagande médiatique ou de la propagande publicitaire. « La publicité n’est pas seulement parole commerciale, mais aussi parole politique, parole sociale, parole morale, discours idéologique toujours. Elle est le langage dominant de la culture », Bernard Cathelat (Publicité et Société, Payot 2001).

A.1.3. La publicité (comme la propagande politique…) aime se présenter sous la forme de communication (ex. la charte de Publicis fait référence à la communication et non à la publicité). Lors de l’ouverture de la télévision française à la publicité (le 1er octobre 1968 sur la première chaîne et en 1971 sur la seconde, soit après Mai-1968, ce qui est significatif), le slogan était d’ailleurs « Avec la publicité vous êtes informés » : une façon d’identifier information et publicité.

Mais c’est une communication biaisée car :

- elle ne repose pas sur un dialogue ni sur une demande : elle impose des messages unilatéralement au public pour le transformer en consommateur ;
- les publicitaires s’arrogent en outre le droit intrusif de « communiquer » quand bon leur semble (ex. coupures de films, publicité subliminale, profilage des consommateurs, envoi de messages publicitaires sur Internet, ciblage du profil des internautes, etc.) et en tout cas de plus en plus.

En fait, ce n’est pas de la communication mais bien de l’intrusion, une intrusion à caractère totalitaire, en outre.

A.2. La persuasion publicitaire est une coercition

La publicité relativise la portée de l’affirmation selon laquelle la concurrence et le marché donnent au consommateur la liberté de choisir le produit « qu’il veut » (le consommateur/client n’est-il pas roi ?). En fait, cette liberté du choix cache l’obligation de choisir, donc d’acheter, comme le souligne de son côté François Brune : obligation justement créée par la désinformation publicitaire.

A.2.1. Les techniques de manipulation publicitaire ont commencé d’être théorisées aux Etats-Unis au moment de la seconde guerre mondiale, lorsqu’il s’agissait de préparer les ménages américains à l’économie de guerre (cf. travaux de Kurt Lewin, Décisions de groupe et changement social, 1947). Les travaux de Lewin ont montré qu’en passant d’un modèle de commandement à un modèle plus suggestif, car donnant l’apparence du libre choix, on parvenait mieux à faire changer le comportement des gens (en l’occurrence les ménagères américaines) dans le sens souhaité.

Dans la suite de ces analyses fondatrices, Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois (Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens, PUG [Presses universitaires de Grenoble] 2002), enseignants de psychologie sociale, affirment que les techniques de manipulation sont d’autant plus efficaces qu’elles sont pratiquées dans un contexte de liberté de choix apparente. Les études montrent que les comportements attendus seraient 25% fois plus élevés quand l’expérimentateur a apparemment donné le choix à ses sujets (« mais-bien-sûr-vous-êtes-libre-de ») que dans le cas contraire.

A.2.2. La publicité est justement une douce coercition qui repose sur la fiction du choix raisonné laissé au consommateur. Mais c’est une désinformation car la publicité vise à provoquer en réalité l’achat compulsif permanent.

Joule et Beauvois, dans leur Petit traité, mettent l’accent sur le comportement de persévération comme vecteur de manipulation, c’est-à-dire le fait que les personnes aient tendance à adhérer durablement à leurs décisions initiales en rationalisant leurs choix a posteriori, même si ces décisions se révèlent peu profitables.

Comme l’écrivent Joule et Beauvois on peut se demander paradoxalement « si l’une des fonctions essentielles des images publicitaires, plutôt que d’appâter le client potentiel, ce que l’on proclame, ne serait pas de conforter les clients effectifs dans les comportements d’achat qu’ils ont déjà réalisés, ce qu’on ne dit pas » (op. cit., page 224).

- La « fidélisation » des consommateurs autour des marques renvoie clairement à ce processus de persévération/rationalisation.
- La publicité cherche en outre à créer une tension destinée à donner naissance à une envie à assouvir (créer une envie pour la transformer ensuite en « besoin »). D’après certaines études (notamment évoquées par V. Packard), 7 achats sur 10 seraient compulsifs, comme pour se libérer d’une tension (qui a été provoquée par la manipulation publicitaire justement).

Vance Packard montre comment les psychologues, les psychiatres et les psychanalystes ont investi après la seconde guerre mondiale le domaine de la publicité et des relations publiques aux Etats-Unis. Ils vont en effet fonder une nouvelle démarche publicitaire sur le principe que les attentes des consommateurs ne sont pas rationnelles et qu’une publicité efficace passe par « l’analyse » de leurs mobiles et motivations réels, afin de découvrir et d’exploiter leurs phobies ou leurs préférences cachées. D’où le développement exponentiel des recherches de motivation (à base d’entretiens, de sondages ou de dynamiques de groupe) pour connaître les « véritables raisons » pour lesquelles les gens achètent ou n’achètent pas un produit. Comme dans la démarche psychanalytique, il s’agissait de « libérer » le consommateur en quelque sorte du refoulé qui ferait obstacle à sa pulsion de consommation.

Packard mettait par exemple en lumière le fait que les supermarchés (et a fortiori les hypermarchés de nos jours !) ont justement pour effet de soumettre le consommateur à un stress créé par l’accumulation de produits sur les rayons, dont il doit se libérer justement en remplissant son caddie. Accessoirement les étalages sont conçus pour attirer l’œil des client(e)s sur les produits où la marge de profit est la plus grande (notamment par l’usage des couleurs ou des emballages adéquats), ou sont constamment maintenus pleins car cela stimule l’achat (22% d’achats en plus si les rayons sont toujours pleins (op. cit., page 106). Il cite des études montrant aussi que les achats sont moindres quand le client doit s’adresser à un vendeur plutôt que se servir lui-même (ce qui était d’ailleurs la règle jusque dans les années 1950).

Il ne s’agit pas que d’une approche de théoriciens.

Ainsi, par exemple, M6 Publicité, en collaboration avec Ipsos Trend Observer, présentant ses tendances publicitaires pour 2013 insiste sur trois axes majeurs : la créativité pour tous (« jusqu’à l’exubérance, l’extravagance »), le luxe pour tous (merci la crise !!!…) et la « liberté avant tout », c’est-à-dire le « sans engagement, sans contrainte d’une consommation rapide et spontanée » (sic)… (La Correspondance de la presse du 18 avril 2013). C’est reconnaître ouvertement que l’on vise l’achat compulsif « spontané » et non pas raisonné.

Michel Geoffroy
6e Journée de la réinformation
26/10/2013

l’idéologie dominante (2/5)

27 octobre 2013 | Polémia

B) La « société de l’information », société de l’intrusion publicitaire

B.1. La publicité est dans une relation symbiotique avec les médias

B.1.1. La publicité ne pourrait pas se passer aujourd’hui du système médiatique et réciproquement.

Il y a une osmose entre les deux domaines (des affiches de film ressemblent à des publicités, des films servent à faire la publicité des produits (cf. le film Diana et les marques de luxe : « Les marques sont d’autant plus intéressées que Diana a eu de vrais liens avec elles. Et son image est non seulement glamour mais également associée aux actions caritatives », Paul Morizet, directeur mode et luxe de Corbis Entertainment, Les Echos du 1/10/2013. Voir aussi la publicité La Légende de Shalimar pour un parfum de Guerlain ; des acteurs de cinéma ou des vedettes du sport et des médias jouent ou posent pour des publicités : ex. la campagne « What else ? » de G. Clooney pour Nespresso ; la publicité, comme les médias, utilise la transmission de mots, d’images et de sons comme vecteurs).

Significativement c’est en 1934, en réaction contre l’interdiction de la publicité à la radio, que M. Bleustein-Blanchet, fondateur de Publicis, créait ainsi sa propre radio, Radio-Cité (La Correspondance de la presse du 29 juillet 2013) illustrant l’alliance durable entre médias et publicité.

B.1.2. Les ressources publicitaires font vivre les médias (cf. Ils ont acheté la presse, Picollec, 2013) ou au contraire les font mourir (ex. la mise au pas du Figaro Magazine dans les années 1980, la mise à mort de Médias en 2011) ; une grille de programmes ne peut désormais être pensée qu’en fonction de la manne publicitaire escomptée. La course à l’audience au sein des médias est en réalité une course aux recettes publicitaires. De fait les agences publicitaires sont devenues des poids lourds médiatiques (ex. Publicis) et aussi économiques.

B.1.3. Les médias vendent en échange du « temps de cerveau disponible » au bénéfice des messages publicitaires : en fait ils vendent les lecteurs/spectateurs aux annonceurs et non pas l’inverse.

L’étude de TFI-TNS Worldpanel Mediaway parue en 2010 montre, par exemple, que les campagnes de publicité télévisée ont fait progresser de 15% la part de marchés des marques auprès des personnes qui y étaient exposées ; de même 58% des campagnes télévisées génèrent des progressions de parts de marché en volume, sur la période 2007/2009 ; et 58% des personnes interrogées estiment que la publicité télévisée « rend les marques plus proches d’elles » (Les Echos du 14 mai 2010).

« Vu à la télé » : une accroche publicitaire symbolique de la symbiose médias/pub !

B.1.4. Le style publicitaire et le style de l’information médiatique se ressemblent beaucoup (pauvreté du vocabulaire, accent mis sur la sensibilité [images] aux dépens de la réflexion, préférence pour la nouveauté comme l’illustre le double sens du mot « nouvelles » ou « new(s) », etc.).

B.1.5. Les commanditaires des campagnes publicitaires sont les mêmes que ceux qui possèdent les médias : l’oligarchie financière et de grandes entreprises mondiales. Médias et publicitaires ont de fait les mêmes patrons ou les mêmes clients et la même cible : la population est donc en réalité un temps publicitaire et inversement

On rappellera que la moitié du temps libre serait passée devant un écran, selon l’enquête INSEE « Emploi du temps » (Le Monde du 10/11/2011). Selon l’enquête de Médiamétrie (Media in life), les Français déclaraient avoir 40 contacts avec les médias par jour en 2009 (Le Monde du 5/3/2010), 41 contacts en 2011 (Le Monde du 2/3/2011) et 42,5 en 2012 (La Correspondance de la presse du 15 mars 2013) ; 75% des personnes interrogées consultent au moins 3 médias par jour (La Correspondance de la presse du 15 mars 2013).

Ce qui signifie que le temps d’exposition publicitaire suit la même progression.

La pression publicitaire journalière (nombre de messages publicitaires présents dans l’environnement et pas uniquement dans les médias) serait estimée de 500 à 2000 en environnement urbain (voir site etopia.be) avec un taux d’attribution moyen de 60% (phénomène par lequel des personnes exposées déclarent reconnaître le message qui leur est montré et qui sont capables de citer sans erreur l’annonceur correspondant au message publicitaire).

B.2.1. Personne n’est donc à l’abri de l’emprise publicitaire en Occident de nos jours, ni dans le temps ni dans l’espace, ni les enfants ni les adultes ni les vieux. Le bombardement de messages publicitaires est permanent et de nature totalitaire.

• Les enfants et les adolescents constituent en particulier une cible publicitaire majeure.
Cela est vrai depuis les débuts de la publicité. V. Packard cite une vedette de la télévision américaine qui déclarait en 1956 : « Je ne dis pas que l’on doive forcer les enfants pour qu’ils harcèlent leurs parents afin qu’ils achètent des produits vantés à la télévision, mais je ne peux nier qu’on agit tous les jours en ce sens » (op. cit., page 151). Cinquante ans après, l’explosion des moyens de communication n’a fait que renforcer le phénomène.
On estime aujourd’hui qu’à 18 ans un jeune décide au sein de la famille de 90% des achats le concernant directement, de 73% des achats de ses petits frères et sœurs, de 65% des achats de la famille et de 48% des achats des parents pour eux-mêmes (Eléments, hiver 2004-2005).
La présence d’enfants encourage en outre l’équipement numérique des ménages, selon l’étude du ministère de la Culture sur « Les ménages et les technologies de l’information et de la communication en France et en Europe en 2012 » (La Correspondance de la presse du 31 mai 2013). Enfin, le poids économique des adolescents augmente avec leurs ressources (argent de poche, petits jobs). Les enfants et les jeunes sont donc un fort enjeu de publicité.
On rappellera qu’au début de l’année le bureau américain chargé de la protection des consommateurs (Federal Trade Commission) a alerté sur le fait que les boutiques en ligne d’Apple et de Google et les applications pour appareils portables pour enfants collectaient des informations privées et les partageaient souvent avec des développeurs et des commerciaux, permettant d’envoyer des publicités personnalisées (La Correspondance de la presse du 3 janvier 2013). L’étude Kids TV Report citée plus haut montre aussi que les géants du Web proposent tous désormais des programmes TV jeunesse (Amazon, Hulu, Itunes ou Samsung, par exemple) dans une logique de fidélisation commerciale (La Correspondance de la presse du 12 septembre 2013).
Dans son ouvrage Born to Buy (2005), l’Américaine Juliet Schor affirme que l’enfant moyen regarde par an plus de 40.000 messages commerciaux (soit plus de 100 par jour !) sans compter les publicités se glissant dans les films, les jeux vidéo et l’Internet. On rappellera à cet égard qu’en 2010 55% des enfants de 11 à 13 ans possédaient un compte Facebook, selon le baromètre Calysto (Le Monde du 26 avril 2011).
• Les femmes de la classe moyenne ont aussi été une cible publicitaire majeure et ancienne, dans la mesure où les études montraient qu’elles décidaient une part importante des dépenses des familles.
• Les seniors deviennent aussi une cible, pour la promotion de la « silver economy ». Bref toute la population !
• Les espaces « sans publicité » vont en outre en se réduisant car on assiste dans le même temps à un phénomène de privatisation de l’espace public (sponsoring, privatisation et sous-traitance des services publics ; voir la transformation de la Gare St-Lazare en centre commercial, etc.) qui s’accélère depuis la fin du XXe siècle.
La publicité a par exemple aussi conquis, sinon créé, le sport contemporain. Comme le déclarait significativement le directeur d’Imalis : « Pour nous la coupe du monde [de football] est un levier. C’est l’un des moments forts où chacun veut montrer son appartenance tribale » (Le Monde du 18 juin 2010). On pourrait même se demander si aujourd’hui le sport, devenu « spectacle sportif », et la publicité n’ont pas fusionné en Occident (non seulement le sponsoring ; ex. la mode du jogging a aussi été encouragée par les vendeurs d’équipements et par le cinéma américain, alors que ses vertus réelles sont douteuses).

En conclusion, la publicité c’est la même chose que les médias, mais dit autrement.

B.2.   Le temps médiatique

Or ces espaces commerciaux ne sont plus des espaces publics, des forums où l’on peut par exemple manifester (les manifestants politiques sont interdits de centre commercial au motif qu’il s’agit d’un espace privé). Non seulement la publicité envahit tout mais elle neutralise tout.

Le nombre d’espaces où seule la publicité commerciale est autorisée progresse. La publicité moderne a pour caractéristique, en effet, d’envahir l’espace où elle s’introduit ou le support qu’elle utilise.

B3)    Les techniques publicitaires ne se dissocient plus des
techniques de communication

B.3.1. La publicité colle étroitement au développement des nouvelles technologies de communication car l’indice d’influence d’Internet serait 2 fois plus élevé que celui de la télévision et 5 à 6 fois plus fort que celui de la presse.

Les dépenses publicitaires se concentrent donc sur les médias en expansion (principalement Internet et les tablettes) et diminuent dans les médias en déclin relatif (télévision et surtout presse écrite).

A noter que les dépenses mondiales de publicité dans les nouvelles technologies s’élèveraient selon Magna Global (Mediabands) à 378 Mds € dont 23% pour les médias numériques en 2013, avec une forte croissance sur les moteurs de recherche (+14,6%), la vidéo en ligne (+21%) et les formats mobiles (+54%) (La Correspondance de la presse du 17 juin 2013). Aujourd’hui en Europe, selon l’Adex Benchmark Report (IAB Europe /IHS), Internet représenterait ¼ de la publicité (la publicité en ligne ne représentait que 10,6% encore en 2006) ; les investissements dans la publicité en ligne dépassent désormais ceux de la presse quotidienne (Les Echos du 29 août 2013).

91% des internautes sont exposés quotidiennement à la publicité diffusée sur Internet (étude Adyoulike et Ifop du 29 au 31 mai 2013 – La Correspondance de la presse du 1er juillet 2013). Selon cette étude sur Internet et la télévision, les Français seraient exposés à 70 publicités par jour sur chacun de ces supports.

B.3.2. Des techniques de plus en plus sophistiquées sont mises au service de la publicité.

On notera au préalable que la littérature est peu prolixe sur les outils aujourd’hui mis en œuvre par les agences de publicité. On attend encore le J. Assange ou l’E. Snowden des agences de publicité et de marketing ! A noter que de son temps déjà V. Packard se plaignait de l’opacité des publicitaires quant aux techniques mises en œuvre (op.cit., page 13).

Les nouvelles technologies permettent en tout cas une action d’influence ciblée, donc plus efficace, plus réactive et aussi moins coûteuse qu’une publicité à caractère général (moins chère qu’un affichage dans un grand quotidien ou un spot télévisé). C’est pourquoi les grandes marques s’en emparent avec avidité (ex. Nike cible de plus en plus sa publicité sur le web, le street marketing et les réseaux sociaux [« Running avec Nike »]).

Ces techniques permettent de passer d’une publicité « industrielle » cherchant à toucher le plus vaste public possible au moyen de supports de grande diffusion spectaculaire (presse, cinéma, affiches, télévision) à une approche beaucoup plus individualisée et « intelligente » (comme il y a des bombes intelligentes…) des cibles. C’est notamment le grand apport de la publicité sur Internet, les écrans nomades et les réseaux sociaux ; ils permettent en effet :

a)- le ciblage du profil de l’internaute puisque celui-ci laisse des traces. On estime que 40 à 50% de ces traces seraient utilisées à des fins publicitaires (cahier du Monde n° 21214 du 3 avril 2013), malgré l’interdiction de croisement des fichiers. Concernant uniquement la France, la CNIL a mené son audit sur 250 sites Internet « régulièrement fréquentés par les internautes français » au terme duquel « il apparaît que 99% d’entre eux collectent des données à caractère personnel » (LeMonde.fr du 13 août 2013). La CNIL et l’INRIA avaient déjà relevé, dans leur rapport « Mobilitics », l’utilisation des données des smartphones sous le système d’exploitation Apple à des fins publicitaires : notamment accès à Internet, géolocalisation du mobile, accès à l’identifiant unique de l’iPhone, voire accès aussi au carnet d’adresses et au calendrier de l’utilisateur, etc. (LeFigaro.fr du 11 avril 2013). A noter aussi que les cookies ne sont pas effaçables des applications mobiles…

Comme le déclare Nicolas Teisseire, associé au cabinet Roland Berger, « avec les données Internet, les publicitaires peuvent s’adresser à l’identité virtuelle de la personne » qui est plus précise que les données par CSP, par exemple, et mieux connaître le profil du client, donc lui proposer les produits qu’il est susceptible de demander (Cahier du Monde n° 21214 du 3 avril 2013).

Ces techniques permettent en outre de calculer avec grande précision le retour sur investissement des campagnes.

b)- un effet d’orchestration et de bouche à oreille, beaucoup plus efficace pour la publicité qu’un discours de marque (cf. travaux de K. Lewin déjà cités) : les ¾ des mentions d’une marque sur Internet ne seraient pas aujourd’hui le fait de la marque elle-même (Cahier du Monde n° 21214 du 3 avril 2013). De fait, ce sont les consommateurs eux-mêmes qui deviennent des agents publicitaires.

c)- une interactivité propice à la fidélisation des clients. Le directeur marketing de Proctor et Gamble affirme que la campagne interactive pour le rasoir Gillette « Fusion proglide power » (sic) a permis de « gagner de la préférence de marque, ce qui est le but de toute campagne télévisée traditionnelle ; et de faire tester notre produit : 90% des internautes qui ont été sur nos pages ont consommé » (Les Echos du 23 mai 2011) ; voir aussi la méthode « play along » qui associe à des jeux télévisés des internautes, ce qui permet de « qualifier » un public, donc de le cibler ; de même Nespresso a mobilisé les 7 millions de membres de son club pour imaginer une nouvelle campagne publicitaire avec G. Clooney (Le Monde du 7/11/2009). Bel exemple de victimes contribuant à resserrer la maille du filet publicitaire !

d)- d’une façon générale l’utilisation d’outils informatiques permet une plus grande flexibilité du support publicitaire (cf. panneaux publicitaires J.C. Decaux pour La Redoute qui présentent des vêtements différents selon… la météo ambiante grâce à des capteurs – cf. Cahier du Monde n° 21214 du 3 avril 2013). Et le suivi du consommateur est plus étroit (cas des produits en gondole qui changent de place pour se trouver sur le trajet du client dont les attentes ont été ciblées et qui a été géolocalisé, études de « eye tracking » observant le cheminement du regard du client sur un rayon de supermarché, filmage pour analyse du comportement des clients devant un étalage, la plupart du temps à leur insu). Le magazine en ligne britannique Quartz a aussi révélé la mise en place à Londres de poubelles « intelligentes » équipées de wi-fi qui absorbent les données des smartphones des passants pour leur proposer des publicités ciblées (LeFigaro.fr du 14 août 2013).

e)- enfin, les nouvelles technologies permettent de multiplier les écrans : « To be everywhere, everytime » (cf. le développement des panneaux publicitaires sous forme d’écrans). Le but est de faire que le spectateur puisse voir partout et à toute heure l’émission de son choix, donc être soumis partout à la publicité, grâce à l’informatique nomade. C’est bien la réalisation de la prédiction d’Orwell : la télévision qu’on ne peut éteindre et qui vous regarde (ce que fait Internet).

La société de l’information, tant vantée par l’oligarchie, est donc aussi une société de l’intrusion publicitaire et donc de l’emprise commerciale croissantes.

Michel Geoffroy
6e Journée de la réinformation


C) Bombardement et bobardement publicitaire

C.1. Il y a des bobards publicitaires tout comme il y a des bobards médiatiques. D’une certaine façon la publicité n’est d’ailleurs qu’un bobard continuel, alors qu’il arrive parfois au système médiatique de délivrer une véritable information.

Exemples de bobards publicitaires :

- la valorisation de qualités imaginaires (ex. le cas célèbre des épinards… en boîte qui seraient bons pour la santé car ils contiendraient… du fer !, les produits bio, les jus de fruits en boîte qui contiendraient des vitamines…, les boissons énergisantes, etc.) ; le syndrome de Findus (« On est très à cheval sur la qualité de nos produits »). Voir aujourd’hui l’accent mis sur les produits « sans », en particulier dans l’agro-alimentaire (sans colorant, sans additif, sans sel ajouté, etc., y compris sur des produits qui n’en avaient pas de toute façon comme les soupes « sans conservateur » Liebig ; voir aussi le « zéro bla-bla » de MMA Assurances – Enjeux Les Echos de septembre 2013) ;

- les techniques de reconstruction du corps humain dans les photos publicitaires (cf. J.-P. Goude à propos de l’image de Grace Jones : « J’ai modifié une figure de la danse classique, l’arabesque, en lui ajoutant le pied flexe, qui est utilisé dans la danse africaine », « Je ne retouche pas, je n’aime pas ce mot … je déconstruis pour mieux reconstruire », Le Monde du 11/2/2012) ;
- les faux experts qui servent à donner une coloration pseudo-scientifique aux effets supposés des produits ou des faux témoignages (en fait, des photos issues des banques d’images – notamment Getty Images ou iStockphoto – où l’on voit que les mêmes personnes sont utilisées sous des identités différentes [« chercheur », « éleveur », « client »] pour des publicités différentes) ;
- faux avis de consommateurs sur Internet (ces avis influenceraient 70% des internautes, selon l’étude de l’agence Easy Panel/Testntrust d’août 2012 [LeMonde.fr du 3 juillet 2013]) ;
- la publicité rédactionnelle clandestine (ex. les magazines auto, les fausses consommations de carburant affichées par les constructeurs automobiles : des résultats obtenus en réalité dans des conditions limites) ;
- l’espace des appartements témoins artificiellement augmenté avec du mobilier qui n’est pas aux normes, etc.

Ces tromperies sont néanmoins dangereuses pour les agences publicitaires quand elles sont découvertes (notamment par les mouvements consuméristes) car elles peuvent tomber sous le coup de la loi et finalement nuire à l’annonceur, c’est-à-dire lui faire une mauvaise publicité (exemple : condamnation récente de la Caisse d’Epargne Loire-Drôme-Ardèche pour publicité mensongère concernant six de ses placements – LeMonde.fr du 19 septembre 2013). Mais le public, soumis au bombardement publicitaire, a heureusement la mémoire courte !

C.2. La publicité comme les médias agit prioritairement sur la sensibilité du récepteur et non sur son sens critique.

Le développement de la logique de marques – qui est une tendance publicitaire contemporaine forte – vise justement à créer une relation émotionnelle avec le consommateur/cible afin de réduire son sens critique.

Cette évolution a notamment été mise en lumière par Naomi Klein dans son essai célèbre No Logo paru en 2000 au Canada.

C.2.1. De nombreuses études montrent la réalité de l’influence de la reconnaissance des marques sur la perception des consommateurs.

Au début des années 1980 une étude montrait que des personnes souffrant de maux de tête se sentaient plus soulagées en prenant un cachet d’aspirine d’un groupe pharmaceutique connu, plutôt que d’un autre moins connu mais de même composition.

Les travaux de McLure publiés en 2004 montrent de même l’influence de la marque sur l’appréciation explicite du produit par les consommateurs. Ils confirment les analyses plus anciennes, déjà citées par V. Packard en 1957, notamment sur les consommateurs de cigarettes (« Lors des tests ils ne sont pas capables de distinguer leur marque de cigarettes des autres. Ils fument donc vraiment une image », op.cit., page 48).

Les travaux des neuro-psychologues sur IRMF (Imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle) le confirment : en l’absence de marque reconnue, les zones du cerveau sont plus activées que dans le cas contraire, comme si le sujet devait faire un effort supplémentaire pour apprécier la qualité du produit ; l’anticipation du résultat « grande marque » a notamment influencé le traitement de l’information gustative dans le cas d’expérience portant sur les boissons (Etude PLos One citée par Pierre Barthélémy, 18/6/2013).

C.2.2. Le « branding » – la promotion des marques plutôt que des produits –traduit une inversion du rapport au produit. C’est le produit qui est un outil du marketing et non l’inverse. Le vrai produit c’est désormais la marque. Comme l’écrit le publicitaire américain Peter Schweitzer, « un produit c’est ce qui se fabrique en usine, une marque c’est ce qu’achète le consommateur » (cité par N. Klein, op. cit., page 304).

La publicité met de moins en moins l’accent sur la valorisation de la qualité intrinsèque du produit et du service qu’il est censé rendre, comme dans les années 1950 (ex. la machine à laver Machin libère la femme des tâches ménagères), que sur le « style de vie » censé découler de la possession de ce produit (ex. « des voitures à vivre » de Renault, « mon smartphone ma vie » selon Samsung ; Nike se présentait comme « une société de sport », qui ne vend pas des chaussures mais « améliore la vie des gens par le sport et la forme physique », d’après Phil Knight, son président (N. Klein, op. cit., page 57). Le bourgeois gentilhomme disait la même chose quand il affirmait que son père n’était pas marchand mais qu’il était fort obligeant en donnant des étoffes en échange d’argent !

Joule et Beauvois soulignent d’ailleurs l’importance de l’étiquetage comme moyen de manipulation : l’étiquetage consiste à doter la personne que l’on veut manipuler d’une qualité fictive (ex. la générosité, le souci des pauvres, la clairvoyance, etc.) pour l’inciter à se comporter dans le sens voulu par le manipulateur ; cela conduit la personne à tisser un lien entre ce qu’elle est (en fait ce que le manipulateur dit qu’elle est censée être) et son comportement (ce que le manipulateur attend d’elle).

L’orientation de la publicité vers le « style de vie » plutôt que le produit lui-même s’inscrit dans cette mécanique d’étiquetage : elle consiste à faire croire que l’achat de tel ou tel produit recèlerait en lui-même de grandes valeurs de vie. Ainsi, dans les années 1990 il y a eu la mode de ce qu’on désignait ironiquement comme des « produits de bonté » (en achetant cette bouteille d’eau on versait quelques centimes à une noble cause humanitaire) ou, de nos jours, les produits « verts » (en achetant ceci… je sauve la planète) ou de « commerce équitable ».

Avec les « marques » on achète non plus un produit mais tout un environnement émotionnel fictif et un style de vie (lifestyle) associé à ce produit (« Ma crème, c’est tout moi », « Shopi : Tout un état d’esprit pour vous guider vers les produits qui vous ressemblent » ; publicité Buick : « Elle vous donne le sentiment d’être l’homme que vous êtes », etc.).

Le branding/style de vie aimerait enfin que le consommateur vive dans une marque, c’est-à-dire en étant soumis à une marque. Cela conduit à ce qu’on nomme la « voûte de marque », c’est-à-dire la vente d’une pluralité de produits n’ayant rien en commun, sinon de relever d’une même marque. Disney est le prototype de cette évolution : que la marque devienne la vie même. Walt Disney avait compris en effet que les gens qui regardaient ses films avaient envie de passer de l’autre côté de l’écran : d’où le premier Disneyland.

Les marques s’efforcent ainsi de se glisser dans le quotidien des gens pour qu’ils consomment, c’est-à-dire qu’elles cherchent à accompagner le consommateur partout et tout le temps. Ainsi Nike se positionne comme coach virtuel des consommateurs avec le slogan « On va vous aider à vivre votre passion » : le running et le fitness (passions créées par la publicité en réalité).

Scott Bedbury, vice-président marketing de Starbucks, déclarait ainsi que « Les consommateurs ne voient pas de différences énormes entre les produits » ; c’est pourquoi les marques doivent « établir des liens émotionnels » avec leurs clients : au moyen de « l’expérience Starbucks » (cité par N. Klein, op. cit., page 53). Voir aussi ce que déclarait l’auteur de la publicité de la Légende de Shalimar pour Guerlain, Brunon Aveillan : « J’aime faire rêver les gens avec des univers qui ne sont pas simplement centrés sur un produit » (Le Monde du 5 octobre 2013).

Le branding est donc un moyen de conquête de l’imaginaire personnel et de la culture (on parle alors d’halogo), notamment grâce au sponsoring d’institutions publiques et de manifestations culturelles ou sportives.


de la réinformation – La publicité élément clé de l’idéologie dominante (4/5)

27 octobre 2013 | Polémia


D) La publicité, une propagande intrusive au service du système économique

La publicité fait office de caisse de résonnance de l’idéologie dominante.

D.1. Car la suggestion publicitaire est, avec le crédit à la consommation, un élément essentiel du système capitaliste contemporain.

Le ressort de ce système capitaliste est la fuite en avant dans la consommation et l’inversion des relations entre la consommation et la production : c’est la production qui dirige la consommation et non l’inverse.

Cette fonction de la publicité a aussi été la première théorisée aux Etats-Unis dans les années 1940 et 1950 (acheter c’était soutenir le système capitaliste et empêcher le développement du communisme ; « Nos emplettes sont nos emplois », slogan des chambres de commerce françaises de 1993 : en fait une reprise des slogans américains des années 1950).

C’est notamment pourquoi la répression judiciaire des mouvements anti-pub est impitoyable en Occident comme portant atteinte aux fondements du système économique voire du système social. Le terme « publiphobe » a d’ailleurs été inventé par les publicitaires à la fin des années 1970 pour diaboliser ceux qui craignaient les abus de la publicité en France ; cette référence aux phobies pour diaboliser toute pensée critique a été promise à une riche descendance pour les mêmes raisons : diaboliser les opinions contraires (europhobie, islamophobie, homophobie, etc.).

Comme le déclarait Jack Myers pour le compte des entreprises publicitaires américaines en 1993, « en tant qu’industrie nous devons reconnaître que l’antipub est une menace qui pèse sur le capitalisme, sur la liberté de presse, sur nos formes de loisirs fondamentales et sur l’avenir de nos enfants » ! (cité par N. Klein, No Logo, page 45).

Cette formulation peut paraître excessive et très… américaine. C’est néanmoins le credo de tous les publicitaires. Voici ce qu’écrivait par exemple Marcel Bleustein-Blanchet, fondateur de Publicis, dans sa préface au livre célèbre de Vance Packard en 1958 : les publicitaires « façonnent un monde meilleur, à mon sens, puisque la finalité de leurs travaux est d’élever le niveau de vie des hommes ». Et il ajoutait même : « la publicité interdit la supercherie » !

D.2. L’idéologie publicitaire sert à justifier le mode de production aujourd’hui dominant en Occident.

D.2.1. L’idéologie publicitaire correspond au nouveau paradigme des entreprises mondiales qui sont le principal soutien de l’idéologie dominante.

La promotion des marques plutôt que des produits correspond au mode de production actuel : les grandes entreprises mondiales produisent de moins en moins par elles-mêmes : ce sont une ribambelle de sous-traitants mondiaux –souvent implantés en Asie – qui le font et qui produisent souvent des produits interchangeables.

Dans ce système le vainqueur économique est celui qui produit le moins directement par lui-même (pas d’usines mais des « entrepôts de main-d’œuvre »), qui possède peu, qui emploie le moins et de façon la plus « flexible » (qui se désengage au maximum du monde du travail : du fardeau de la main-d’œuvre : c’est pourquoi ces entreprises sont des « créateurs de richesses » mais plus des créateurs d’emplois) et qui vend le maximum d’images les plus convaincantes, grâce au design et à la publicité, plutôt que des produits, qui sont en réalité standardisés.

La publicité a pour fonction justement de masquer le caractère de plus en plus standardisé, voire la médiocrité, des produits qu’on nous vend.

Le branding des marques a aussi pour effet de transformer les consommateurs en autant d’annonceurs bénévoles, parfaite illustration du processus de marchandisation de l’homme. Avec la publicité de marques la population n’est pas seulement une ressource humaine, elle est aussi une ressource commerciale.

D.2.2. L’orientation de la publicité sur des messages jeunes et adolescents et le style cool, d’une part, et sur la « diversité », d’autre part, qui sont les deux caractéristiques principales des messages publicitaires actuels, date des années 1980. Cette orientation correspond avant tout à l’ouverture des marchés mondiaux et à la stratégie des grandes entreprises pour s’y adapter :

• En effet, la majorité de la population mondiale est désormais composée d’adolescents (sauf chez les Européens de souche) : le créneau adolescents correspond donc au plus gros segment de clientèle mondial potentiel. En outre, il est le plus ouvert aux messages publicitaires véhiculés par les médias et au premier chef la télévision, et à la promotion du style de vie qui les accompagne. Dans la plupart des cultures les familles se sacrifient pour les jeunes. Gagner les jeunes revient donc à entraîner les familles dans des habitudes de consommation.

La cible « jeune » s’est donc imposée dans la publicité.

• La promotion de la « diversité » est aussi le créneau commercial le plus rentable pour une entreprise mondialisée. Les stratégies commerciales mondiales ont en effet évolué dans le temps au fur et à mesure de l’ouverture des marchés :

- d’abord la promotion d’un style unique : en fait, le style de vie américain : le Mac Monde. Mais cette stratégie trouve ses limites (ex. réactions contre le « coca-colonialisme », contre le cow-boy faisant la publicité des cigarettes Marlboro : le Marlboro man) ;
- ensuite la tentative d’adapter les produits à chaque segment national ou culturel (tenté par McDonald’s), mais cette stratégie est coûteuse ;
- la meilleure stratégie consiste à promouvoir dès le début des produits adaptés à tous les consommateurs potentiels des différents marchés en même temps ; c’est ce qui explique le positionnement croissant du branding sur la diversité (la promotion du « pour tous »), comme en témoigne par exemple la campagne de McDonald’s « Venez comme vous êtes » (ce qui signifie que le produit est adapté à tous et que la marque ne porte aucun jugement sur le consommateur : elle accepte tous les clients).
Un positionnement identique a d’ailleurs été adopté par les blockbusters cinématographiques américains pour les mêmes raisons : les films sont conçus pour pouvoir être vendus sur tous les continents ; ils ne comportent donc aucun « stéréotype » susceptible de heurter le public, quels que soient sa culture, son ethnie ou sa religion. Ce sont donc en général des intrigues simplifiées au maximum dont la pauvreté est compensée par une profusion d’effets spéciaux spectaculaires, comme l’illustre la saga Guerre des Etoiles. La publicité fait de même : les effets spéciaux publicitaires masquent la pauvreté intrinsèque des produits (et notamment leur obsolescence rapide ou leur faible différenciation d’avec la concurrence).

• Enfin la « diversité » ethnique, religieuse ou sexuelle correspond à l’état réel du marché dans les pays occidentaux, compte tenu de l’évolution démographique différentielle, de l’immigration de peuplement, de la révolution des mœurs et de l’implosion individualiste des communautés autochtones.

Comme le déclarait le styliste J.-P. Goude, « quand je suis parti de France pour les Etats-Unis, tous les jeunes étaient blancs. Quand je suis revenu, j’ai vu tous ces groupes ethniques qui avaient émergé … Je quittais un pays grisâtre, je l’ai retrouvé de toutes les couleurs » (Le Monde du 11/2/2012). Donc la diversité devient un marché !

Le styliste Kenzo se présente comme « célébrant le multiculturalisme » avec des lignes inspirées de la diversité de la rue (Le Monde du 4 juin 2013). Car dans les sociétés occidentales implosées il y a de plus en plus de minorités conscientes de leur identité, qui constituent autant de segments de clientèle à prendre en compte.

Ainsi selon l’analyse de Yankelovich Partners, cabinet américain de recherche sur la consommation (Rocking the Ages, 1997, cité par N. Klein, No Logo, page 183), le définisseur idéologique des générations a évolué dans le temps :

– les baby boomers étaient marqués par « l’individualité » ;
– leurs parents par « le devoir » ;
– la génération X par « la diversité » : « La diversité est le fait dominant de la génération X, le centre de la perspective qu’elle apporte au marché » (cité par N. Klein, op. cit., page 184).

Selon d’autres études, la génération Y (née entre 1978 et 1994) se situerait dans l’immédiateté et le « tout tout de suite » et serait « très émotionnelle » : assurément d’intéressantes dispositions pour les promoteurs de l’achat compulsif ! (Les Echos du 25 janvier 2013).

D.3. La publicité veille à créer un environnement psychologique favorable aux intérêts de ses commanditaires, c’est-à-dire les grandes entreprises mondialisées.

D.3.1. Les grandes entreprises de « marques », qui sont souvent transnationales, ont en effet intérêt à diffuser un environnement intellectuel conforme, donc une idéologie de nature « libérale » favorable à réduire les entraves pesant sur les grandes entreprises et la circulation de l’argent, défavorable aux valeurs traditionnelles et d’autorité, hostile à l’Etat et à ses symboles, encourageant l’individualisme, etc. Nike a ainsi repris comme logo « Just do it », c’est-à-dire le slogan des révoltes étudiantes américaines des années 1960 (do it), puisque l’idéologie actuelle est un mixte d’individualisme libertaire et de néo-capitalisme : la publicité transforme le « Jouissons sans entraves » des hippies en « Consommons sans retenue ».

De même l’idéologie des droits de l’homme favorise le commerce ; c’est pourquoi les entreprises mondialisées sont favorables à cette idéologie ainsi qu’à la promotion du libre-échange (l’abolition des frontières nationales comme levier pour diminuer les entraves au commerce mondial et aux délocalisations). Après les attentats du 11 septembre le (libre) commerce a aussi été présenté comme un moyen de combattre le terrorisme en diffusant les valeurs de liberté individuelle.

D.3.2. Comment la publicité s’y prend-elle pour créer cet environnement favorable ?

Parce que la publicité et les médias doivent diffuser des messages similaires ou non contradictoires en direction de l’opinion. Le formatage sera d’autant plus efficient, en effet, qu’il n’y aura pas de dissonance cognitive entre ces différents vecteurs de manipulation.

Il est intéressant de relever sur ce plan que V. Packard affirmait que les publicitaires s’efforcent de réaliser le groupthink (penser en groupe) qu’avait prophétisé Orwell : ils fabriquent du consensus et de la grégarité « aussi bien pour favoriser l’acceptation des produits que pour créer un état d’esprit favorable à l’égard des compagnies qui les fabriquent », pour reprendre les termes d’un manuel de public-relations publié par E.L. Bernays (Public Relations, page 197).

Concrètement cela implique que les annonceurs publicitaires aient aussi des exigences sur le contenu des médias supports (cf. No logo, de Naomi Klein, qui cite des cas où les annonceurs exigent que les publicités n’avoisinent pas des articles au contenu jugé indésirable pour la marque ou les clauses de « non-dénigrement » de la marque qui s’imposent aux sponsorisés ; voir aussi les magasins qui cherchent à éliminer les contenus et produits « contraires aux valeurs de la marque »). C’est d’autant plus facile qu’ils sont devenus des poids lourds économiques et médiatiques.

Cette approche n’est pas théorique, comme l’illustre l’affaire du prix du musée de l’Elysée suisse-Lacoste en 2011, la marque ayant été accusée d’avoir demandé le retrait d’une finaliste palestinienne Larissa Sanssour, au motif que le thème de son œuvre était « trop propalestinien » (Le Monde du 26/12/11). Voir aussi le rappeur Akhenaton expliquant que « les radios de France ne jouent pas de rap parce que leurs annonceurs publicitaires ne le veulent pas … Dès qu’une radio passe du rap les annonceurs ne veulent plus payer les mêmes sommes », car l’image commerciale des banlieues n’est pas bonne (Le Monde du 27 septembre 2013).

A contrario, les annonceurs souhaitent encourager des analyses favorables portant sur des productions d’autres composantes de la marque ou du conglomérat. De même le « climat » instauré par l’information ne doit pas être défavorable à la perfusion publicitaire. Cela explique que les agences de publicité aient tendance à fuir les médias diffusant des messages « politiquement incorrects ».

D.3.3. Donc si la publicité use parfois de formules choquantes pour attirer l’attention des consommateurs dans un monde saturé d’images (ex. Benetton), elle ne véhicule quasiment jamais de messages politiquement incorrects par rapport à l’idéologie dominante. La vigilance politiquement correcte fait que même l’humour au second degré n’est pas toléré dès que l’idéologie dominante est en cause, alors que la dérision est souvent utilisée comme accroche publicitaire (comme le montre l’affaire de la campagne publicitaire de la mutuelle étudiante Smerep, fustigée par le Jury de déontologie publicitaire suite à une dénonciation des Chiennes de garde – LeFigaro.fr du 23 septembre 2013 ; voir aussi le début de campagne contre la publicité Aoste pour le jambon, jugée trop franchouillarde – Le Nouvel Observateur du 12 septembre 2013).

Et quand il y a de la publicité vraiment politiquement incorrecte elle est sanctionnée : ex. l’affiche du FN « Immigration : ouvrez les yeux » ; certaines campagnes de Benetton mettant en images des malades du sida ; la publicité « pro-vie » de la Fondation Jérôme Lejeune dans Le Nouvel Observateur condamnée en février 2013 pour avoir présenté l’image d’un embryon in utero.

D.3.4. La publicité reflète avant tout l’image d’un monde transformé par les grandes entreprises mondialisées et conforme à leurs intérêts.

Elle n’hésite pas à donner un vernis idéologique à ses messages, transformant ainsi des intérêts économiques en autant de « valeurs » (exemple « Nike a toujours eu le sentiment que les sports ne doivent pas avoir de frontières » : une autre façon de dire que Nike veut vendre ses produits au monde entier ! cité par N. Klein, No Logo, page 100).

Il se passe la même chose avec le discours écologique des distributeurs et des commerçants : l’écologie (« sauver la planète ») est un prétexte à la réduction des coûts (ex. l’emballage, le conditionnement) mais pas des prix ! Mais il contribue en retour à propager l’écologisme.

Comme déclarait le publicitaire Oliviero Toscani (Benetton), « La publicité est faite pour être le support des grands débats de société » (Les Echos du 5/8/2010) : en clair, véhiculer un message destiné à changer la société. Car la publicité est au service d’un système économique qui a vocation à changer le monde (et notamment à détruire tous les obstacles à la libre circulation du commerce et de l’argent).

Michel Geoffroy
6e Journée de la réinformation

dominante (5/5)

27 octobre 2013 | Polémia


E) La publicité, une désinformation ludique au service de l’idéologie dominante

C’est une désinformation cool au service d’une idéologie dure.

E.1. L’idéologie publicitaire ne se contente pas de véhiculer trois messages subliminaux qui renvoient à l’idéologie dominante :

1) L’idée qu’il serait socialement et moralement légitime de céder à ses envies (devenues besoins pour la circonstance) ; c’est une reformulation de l’antienne libérale : les vices privés font les vertus publiques. Valorisation aussi de la « liberté » réduite à la consommation. Ex. « Obéis à ta soif », pub de Sprite. La thématique de l’envie est une constante du discours publicitaire (« Avec le TGV cédez à l’envie de partir plus souvent »). Le sur-emploi des termes « envie » et « passion » est d’ailleurs significatif du discours publicitaire.
Car la publicité joue non pas sur le registre des besoins, qui sont atteignables et donc limités, mais sur celui des envies et des passions, qui sont compulsives et sans limites.

2) L’idée que toutes les questions existentielles seraient solubles dans l’achat et la vente d’un produit ou d’un service sur le marché (et donc implicitement que tout ce qui est gratuit n’a pas de valeur) ; et que c’est l’achat commercial qui permet d’exister (cf. la publicité : « En Devernois, je suis moi » ou « Elle assure en Rodier »). A contrario, une journée sans achat est considérée comme pauvre ou inutile, car les loisirs ont été assimilés aux achats (le « temps libre » comme le « sport » ne sont pas gratuits !).

3) La publicité instille une néoténie permanente, car elle vise en permanence à abaisser le seuil psychologique à partir duquel on préfère renoncer à l’ancien pour acheter du neuf. Elle prétend donc en permanence que tout ce qui arrive de nouveau est mieux ou meilleur et que cela reflèterait une normalité.

Ces caractéristiques rejoignent les fondements intellectuels de l’idéologie dominante :

l’individualisme narcissique, mesure de toute chose (la société « moitrinaire », disait Léon Daudet !) et le dépassement voire la destruction des communautés naturelles ;

le culte du progrès infini (nouveau = mieux) ;

la réduction égalitaire de l’homme à l’avoir et non plus à l’être.

E.2. La publicité nous montre surtout un monde inaccessible : celui de la mondialisation heureuse (pour paraphraser DSK) : c’est la vitrine de la mondialisation, destinée à appâter le chaland.

E.2.1. La publicité a pour mission de faire désirer ce que nous n’avons pas et de nous faire mépriser ce dont nous jouissons déjà, comme l’écrit Serge Latouche (Bon pour la casse, 2012). Le publicitaire Frédéric Beigbeder déclare « Dans mon métier personne ne désire votre bonheur parce que les gens heureux ne consomment pas » (S. Latouche, op. cit., page 23). « Ce système fragile perdure seulement par le culte de l’envie », d’après Jacques Séguéla (S. Latouche, op. cit., page 23).

La publicité sert à créer en permanence de l’obsolescence psychologique. Les publicitaires américains cités par V. Packard se définissaient déjà comme des « marchands de mécontentement » : « Ce qui fait la grandeur de ce pays, c’est la création de besoins et de désirs, la création du dégoût pour tout ce qui est vieux et démodé » (op. cit., page 25). C’est la fonction de ce que l’on appelle la mode de véhiculer cette obsolescence. A côté, bien sûr, de l’obsolescence programmée des produits. La peur de la panne fatale est aussi un profond soutien publicitaire (on préfère acheter un nouveau produit pour ne pas avoir à faire face à une panne).

Vance Packard identifiait pour sa part différents moyens de provoquer l’obsolescence psychologique :

- rendre le public conscient de la mode (Packard prend l’exemple de la création d’une mode vestimentaire masculine qui n’existait pas auparavant aux Etats-Unis) ;
- la changer fréquemment (notamment un simple changement de couleur des produits comme dans le cas de l’automobile) ;
- rendre les gens honteux des biens qu’ils possèdent déjà ;
- surmonter le sentiment de culpabilité d’acheter des biens inutiles ou superfétatoires (ex. un véhicule surpuissant pour l’usage qu’on en fera : on justifie cela par la « sécurité » supérieure qu’il offrirait).

D’où l’utilisation systématique d’images renvoyant à un type idéalisé, qui jouent un rôle central dans la publicité : le top model, le nouveau mâle, les symboles de la richesse, la nostalgie d’un monde rural disparu, la famille unie et heureuse, etc., associés à un produit ou une marque.

C’est notamment un ressort majeur de la vente des « produits de beauté » ou des « régimes amaigrissants» : on persuade le consommateur qu’il ne correspond pas aux canons de la beauté ou de la santé, afin de l’amener à acheter des produits censés le faire entrer dans cette « norme » (en fait, des mannequins anorexiques !…). Ernest Dichter, conseil en publicité cité par V. Packard, déclarait « aux femmes ne vendez pas des souliers ; vendez-leur de jolis pieds » (op. cit., page 35).

Il en va de même des images publicitaires reposant sur la nostalgie d’un passé révolu (ex. pub Ricoré mettant en scène une famille au complet, avec grands-parents, petit-déjeunant dans une ferme, image d’une France blanche et rurale révolue).

La publicité crée la frustration en vendant un monde qui n’existe plus (et qui est au surplus justement détruit par le système marchand et la modernité) ou qui est hors la portée de la majorité de la population (le monde du luxe et de la jet-set), comme les médias nous vendent de l’info recadrée qui ne correspond pas au monde réel.

E.2.2. Ce faisant la publicité nous montre donc la mondialisation heureuse. Elle nous montre en permanence des gens heureux de consommer (c’est-à-dire rendus heureux par la consommation au sein du marché mondial). Dans la publicité tout le monde arbore le sourire de circonstance, équivalent publicitaire du « happy end » des films américains.

La publicité, en surfant sur la diversité, contribue aussi à la présenter comme une normalité heureuse : c’est l’équivalent commercial de « l’immigration est une chance pour la France ». Elle met ainsi toujours en scène des familles métissées évidemment heureuses et joviales.

Elle produit donc une dissonance cognitive majeure avec la population, qui subit de plein fouet les conséquences de la mondialisation économique et de l’idéologie libre-échangiste : désindustrialisation, précarité, chômage, baisse de statut social, baisse de revenus, sans parler du taux de divorce ou de la consommation d’antidépresseurs et des victimes de l’insécurité, etc.

Mais c’est justement cette dissonance cognitive qui produit le résultat escompté : pousser à l’achat compulsif.

La création de la frustration comme ressort de la consommation repose, bien sûr, aussi sur l’analyse des différents besoins humains selon la pyramide de Maslow : besoins physiologiques, de sécurité, d’appartenance, d’estime de soi, d’accomplissement. Exemples :

- le désir de reconnaissance mimétique : en possédant ce produit je serai (beau, riche, heureux, souriant, aimé et admiré) comme les personnages du spot publicitaire. Ce levier est aussi à l’origine des phénomènes de mode : il faut acheter du nouveau pour « rester dans le coup » et faire comme tout le monde (« A quoi allez-vous ressembler cet été ? », publicité La Redoute de juin 2013) ;
- ou, au contraire, le désir de se distinguer (vecteur de la publicité des produits de luxe notamment) ou de puissance (posséder une machine puissante et rapide, les « sports extrêmes »), mais qui est un levier plus restreint (mais économiquement très rentable dans le secteur du luxe) ;
- l’appétit sexuel (de jolies filles sont associées à la promotion des voitures, donc, si j’achète cette voiture je serai un séducteur à mon tour) ; voir aussi l’association des déodorants masculins (ex. Rexona) à des images d’hommes virils, comme des joueurs de rugby (si j’utilise ce déodorant je serai viril : ce qui est un comble puisque le déodorant était plutôt un produit de beauté féminin à l’origine).

Sur ce plan la publicité est donc démagogique par construction ; elle s’efforce de capitaliser sur certains mauvais penchants humains, qui sont autant de ressorts de l’idéologie dominante (comme l’envie est un puissant ressort de l’égalitarisme) pour nous faire croire que la solution au mal-être occidental réside dans l’acte d’achat.

E.3. La publicité met en scène l’idéologie dominante sur un mode ludique

La publicité est beaucoup plus ludique que les médias ou la classe politique. La publicité est donc une désinformation et une rééducation ludique. Comme vecteur idéologique, un spot publicitaire sera toujours plus drôle et donc plus séduisant que David Pujadas au Journal de 20 heures !

La publicité nous présente ainsi l’idéologie dominante sous un jour attrayant (cool), ce qui est précieux au moment même où la coupure entre le peuple autochtone et l’oligarchie ne cesse de s’approfondir. C’est d’autant plus précieux que l’idéologie dominante prétend faire violence à la société. La publicité est d’autant plus dangereuse qu’elle se veut une coercition séduisante. Et même si elle instille la frustration elle remplit toujours son office, qui est de pousser à l’achat compulsif.

Il est donc difficile de lutter contre l’idéologie publicitaire dans le cadre du système économique mondialisé actuel, puisque son efficacité se nourrit justement du décalage entre le monde virtuel et le monderéel.

Quelques exemples de cette présentation cool d’une idéologie dure :

1)   la valorisation du mode de vie américain, c’est-à-dire la tendance la plus ancienne de la publicité (très nombreuses références visuelles à l’Amérique dans les publicités ; voir notamment le drapeau américain très largement utilisé, et dans une moindre mesure le drapeau anglais) comme image symbolique de la société mondialisée (melting pot). Se rattache à cette tendance l’utilisation de mots ou d’expressions en langue anglaise/américaine (ex. publicité Renault : « Découvrez le concept-car Initiale Paris au salon de Francfort, participez au jeu French Touch et réservez vos places pour les World Series by Renault »). Voir aussi l’omniprésence de la musique anglo-saxonne dans les spots publicitaires.

Voir aussi la promotion d’un style relax, cool, censé être celui des Etats-Unis (voir, par exemple, le slogan de McDonald’s : « Venez comme vous êtes ») par opposition aux contraintes rances de la Vieille Europe.

2)  La promotion du communautarisme : en particulier vis-à-vis de la clientèle musulmane qui est effectivement en croissance numérique. Par exemple, cette année, Yoplait a offert le calendrier du mois de ramadan qui n’est rien d’autre que le calendrier des horaires des cinq prières quotidiennes et obligatoires que doit observer tout musulman.

On n’oubliera pas non plus le développement des publicités spécifiques aux populations d’origine africaine ou antillaise (pub dite « ethnique » en novlangue).

Il ne faut pas oublier que les modes de consommation sont aussi un vecteur identitaire, en particulier les modes vestimentaires qui sont visibles par essence. Notamment parce que les marques ont consciemment investi le champ identitaire. L’orientation publicitaire sur le style adolescent/cool a d’ailleurs un positionnement afro-américain à l’origine, puis est devenue le signe de reconnaissance de la culture des « banlieues » : en fait la chasse au style cool a été une chasse commerciale au « black » au début (cette clientèle achetant des produits de marque chers pour affirmer son statut social).

D’où la promotion d’un look masculin black des ghettos et banlieues mais pas uniquement. Ainsi la médiatisation de la mort de Clément Méric a permis de mettre en lumière que certaines marques de vêtements (Fred Perry, Ben Sherman, Londsdale) étaient signe d’appartenance pour des mouvements extrémistes de gauche ou droite ou bien skinhead !

Les messages publicitaires répétés ont ainsi contribué à l’émergence d’une identité jeune internationale (portrait-robot du « jeune » : jeans, sweatshirt avec logos sportifs ou chemise ouverte, casquette à l’endroit ou non, chaussures de sport de marque non lacées, sac à dos, coca-cola, consommation de sucreries, portable, écouteurs [à la différence des années 1960/1970 on ne joue plus de la guitare : on écoute de la musique fabriquée et donc vendue]).

3)  la modification de l’image de l’homme et de la femme :

- la promotion du travail féminin et la dévalorisation de la femme au foyer (la « femme active » par opposition à la féminité-maternité ou à la femme objet, cible des féministes), l’émaciation comme idéal de beauté (voir TV Lobotomie) ;
- la mise en scène des pères avec moins d’image d’autorité et plus de fragilité (par exemple un père maladroit, ce qui permet de mettre l’accent sur la facilité d’utilisation d’un produit). L’agence V Omnicum classe ainsi l’image des pères dans la publicité (cf. Les Echos du 11 juin 2012) :
-père complice (Ikéa, McDonald’s, Volkswagen…) ;-papa gamin (Renault Shop, magasins Buts, Herta…) ;
-papa moderne (Canalsat, Renault Scenic…) ;
-papa protecteur (Société Générale…) ;
-papa modèle : limité au luxe (ex. Azzaro) ;
-papa conservateur (Crédit Mutuel…).

Ces deux dernières catégories sont en diminution dans la représentation publicitaire.

Voir aussi les catalogues de jouets « dégenrés » : les petits garçons jouent à la poupée, comme dans le catalogue de Noël 2012 des magasins U ou de La Grande Récré (LeMonde.fr du 14/12/2012). On notera que les catalogues de jouets ont fait l’objet d’une attention particulière de la part des associations féministes depuis des années (LeFigaro.fr du 5/11/2012), ce qui tend à montrer que cette évolution publicitaire n’est pas spontanée et ne répond pas à la demande des parents comme le prétendent ces magasins.

Voir aussi la nouvelle figure de la masculinité dans la publicité (l’homme sans cravate et mal rasé nouvel archétype masculin dans la publicité, sauf chez Armani !).

4)  la déconstruction /provocation des valeurs morales traditionnelles. C’est un genre risqué (ex. Benetton) mais toujours tentant car il constitue une excellente « accroche ». La publicité de Benetton mise en scène par le photographe Oliviero Toscani est intéressante car c’est une des premières à ne pas parler des produits, mais seulement à promouvoir une marque pour elle-même, dans un style provoquant (mère noire allaitant un bébé blanc en 1989, prêtre et none s’embrassant en 1992, séropositif sur son lit de mort en forme de pietà 1992, tatouage HIV Positive sur des corps nus en 1993, etc.). A noter que ce style provocateur a fini par se retourner contre la marque (notamment en se mettant à dos les associations de défense des malades du sida) ; voir aussi la campagne d’affichage dans le métro du site Internet Gleeden, « premier site de rencontres extra-conjugales » en 2011.

E.4. Comme désinformation cool, la publicité peut même se permettre d’anticiper sur l’idéologie ou du moins sa mise en pratique sociale. Car la publicité ne reflète pas la société : elle sert au contraire à la formater.

Mercedes Erra, présidente de l’agence de publicité BETC Euro-RSCG, déclarait que « les publicitaires testent auprès des femmes la représentation qu’elles ont d’elles-mêmes … La publicité montre les aspirations des femmes et non la réalité de leur vie » (LeFigaro.fr du 29/2/2008). La publicité diffuse donc un modèle auquel les consommateurs sont incités à adhérer : elle sert alors à formater les consommateurs plutôt que de traduire leurs attentes. Comme il se trouve que ce modèle de consommation renvoie aux non-valeurs de l’idéologie dominante, celle-ci se trouve amplifiée en retour.

- On l’a vu par exemple avec la promotion du créneau homosexuel dans la publicité (cf. publicité Diesel représentant deux marins s’embrassant, publicité Renault mettant en scène un mariage homosexuel, le positionnement de Nike en faveur des athlètes faisant leur coming out : ex. « Nous admirons le courage de Jason Collins et nous sommes fiers qu’il soit un athlète Nike », ce qui permet de capitaliser une image de tolérance car « un joueur gay est une mine d’or marketing », selon Mark Cuban, propriétaire de l’équipe de basket des Mavericks de Dallas (LeFigaro.fr du 30 avril 2013). Voir aussi la publicité Eram (« Comme disent mes deux mamans, la famille c’est sacré » : publicité de 2011, donc bien avant la loi Taubira…) ; publicité de McDonald’s de 2010 conçue par BETC Euro-RSCG ; campagne de Thalys de 2013.
Il ne faut pas oublier que le ciblage du milieu homosexuel est porteur, ce type de population n’étant pas désargenté. En clair, dans ce domaine la publicité a joué un rôle précurseur en contribuant à normaliser l’homosexualité, anticipant les évolutions législatives.
- Il en va de même avec la promotion du métissage qui est encore plus ancienne et qui a été lancée bien avant la mise en œuvre du grand remplacement des peuples européens (promotion des couples mixtes, des femmes de couleur, des enfants métis – cf. publicités Orange), de « l’antiracisme » (ex. J.-P. Goude qui déclarait, lors du Bicentenaire de la Révolution de 1789 : « Moi je célèbre la révolution des temps modernes, c’est-à-dire le métissage des genres. La vraie révolution c’est la naissance d’une sonorité mondiale, synthèse plus ou moins bâtarde des rythmes africains » – Identité n° 4, novembre/décembre 1989).

Car la publicité suppose le découpage de la population en autant de créneaux et segments (ex. segments ethniques) : cf. publicité Baby Life présentant un enfant noir avec des ailes d’ange à côté d’un enfant blanc avec des cornes ; publicité Orangina reposant sur la lambada, spot de la publicité de la CX GTI Turbo Citroën avec Grace Jones (publicité J.-P. Goude), publicité Dry de Schweppes de l’agence FCB célébrant « la boisson tropicale et urbaine de l’adolescence émancipée » (Identité n° 4, novembre/décembre 1989) ; « le 100% pur jus du consommateur nomade », publicité du jus de fruit Tropicana.


* * *
Conclusion

La publicité occupe une place centrale dans le Système occidental contemporain à la fois parce qu’elle est :

-un instrument de survie du régime économique consumériste ;
-un levier de diffusion de l’idéologie dominante ;
-un instrument de formatage de la population ;
-un moyen de domestication des médias.

La publicité est trompeuse car, sous le discours et l’image de la diversité cool et branchée et de la mondialisation heureuse, c’est une logique de consolidation économique mondiale qui règne en dessous : ex. la domination croissante des grandes chaînes qui éliminent le commerce indépendant (« tueurs par catégories ») ; la limitation des choix réels (ex. l’élimination des opinions « contraires aux valeurs » de la marque) ; la privatisation des espaces publics ; la délocalisation de la production (et le remplacement de l’emploi industriel par de l’emploi commercial précaire ou intérimaire : le Macjob) ; la fin programmée des magasins multimarques et, au contraire, la prolifération des magasins dédiés à une seule marque ; le formatage des médias (clause de non-dénigrement ou, au contraire, de valorisation) ; la mise au pas des critiques au travers d’une approche offensive du droit d’auteur et du droit des marques.

La publicité est donc la technique qui sert aujourd’hui en Occident à présenter sous un jour sympathique les intérêts égoïstes de l’oligarchie marchande et financière à ceux qui en sont en réalité les victimes. C’est pourquoi elle est une composante essentielle du système post-démocratique occidental.

Se libérer de l’emprise publicitaire, qui est de nature totalitaire, est donc aussi nécessaire que de se libérer de l’emprise médiatique. Il est d’ailleurs curieux que l’on tolère les techniques d’ahurisssement publicitaire (en particulier le ciblage des enfants et l’espionnage des communications Internet) alors que, si elles étaient appliquées à des fins politiques, on crierait à la dictature et au Big Brother !

C’est d’ailleurs pourquoi la défiance à son égard progresse à mesure de l’emprise publicitaire.

L’étude Publicité et Société de TNS-Sofres parue en octobre 2012 (La Correspondance de la presse du 10 octobre 2012) montre ainsi que 76% des personnes interrogées jugeraient la publicité « envahissante », ou que 65% estiment que la publicité n’incite pas les gens à être plus responsables dans leur vie quotidienne. La même étude réalisée en 2011 montrait que 69% des personnes interrogées déclaraient croire de moins en moins à ce que disent les marques (Les Echos du 3/10/2011).

Selon l’étude Adyoulike/IFOP, 90% des Français trouvent la publicité sur Internet omniprésente, 84% chronophage et 80% intrusive (La Correspondance de la presse du 1er juillet 2013). Selon la même étude, 85% des personnes interrogées refuseraient que leurs données Internet personnelles soient utilisées à des fins publicitaires.

Selon un sondage de TNS-Sofres/Australie, il y aurait aujourd’hui trois fois plus de publiphobes (37%) que de publiphiles (Le Monde du 28/9/2011).

Il y a donc plus que jamais besoin d’une réinformation publicitaire également, en particulier pour se désintoxiquer du processus d’obsolescence psychologique qu’elle génère artificiellement.

Michel Geoffroy
6e Journée de la réinformation
26/10/2013

 
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