dimanche 13 avril 2008

Nous naissons tous différents

Born to be different

Le très ancien débat à propos de l'inné et de l'acquis a connu un nouvel épisode lors du dialogue entre Nicolas Sarkozy et Michel Onfray. Michel Onfray pense que que nos choix, la liberté de chacun n'ont pas une importance exagérée dans la vie. Le premier exemple cité à l'appui de cette assertion est le fait que nous ne choisissons pas notre sexualité. Michel Onfray insiste sur le fait qu'il s'agit d'un exemple parmi "beaucoup de choses que nous ne choisissons pas ". Il tente d'apporter un renfort à cette théorie en affirmant que le pédophile ne choisit pas sa sexualité. "Il n'a pas décidé un beau matin, parmi toutes les orientations sexuelles possibles, d'être attiré par les enfants." Mais aussitôt, comme s'il s'était aperçu que cette affirmation teintée d'un bon sens commun pouvait donner lieu à une interprétation déterministe en faveur de facteurs innés il ajoute "pour autant, on ne naît pas homosexuel ni hétérosexuels, ni pédophiles." Ainsi Michel Onfray est déterministe, farouchement déterministe puisqu'il ajoute "je pense que nous sommes façonnées, non pas par nos gènes mais par notre environnement, par les conditions familiales et socio-historiques dans lesquelles nous évoluont". Ce déterminisme environnemental au sens large laisse très peu de place au libre arbitre, au libre choix, si bien que l'individu ne peut se changer qu'en transformant son environnement, ses conditions familiales et socio-historiques. On connaît la suite, abolir les différences , les classes sociales et tout ira mieux... L'expérience politique et historique a depuis longtemps prouvé l'erreur et le danger d'une telle « vision ». Concernant les gènes, il est tout de même curieux que nous soyons à l'évidence façonné morphologiquement par nos gênes mais que de ces derniers n'aient aucune influence dans la genèse de notre personnalité, de notre sexualité, de notre affectivité, de nos émotions. Ainsi il y aurait deux individus en nous-mêmes, un individu génétiquement déterminé qui serait l'enveloppe physique (morphologie du visage, couleur des cheveux et des yeux, forme des pieds, des mains ... ) et un individu totalement dépendant du milieu qui serait l'individu agissant, pensant, éprouvant des sentiments. Cette dualité, manifestement artificielle n'est soutenable ni sur le plan philosophique ni sur le plan scientifique. Plusieurs travaux ont démontré le caractère inné voire héréditaire de certains traits de personnalité comme l'anxiété, le niveau de quotient intellectuel, l'aptitude à certaines formes d'expression en particulier artistique, enfin sans que cette liste soit limitative plusieurs linguistes considèrent les modules du langage comme génétiquement déterminés. Nous verrons un peu plus loin comment la neurobiologie permet aujourd'hui d'apporter un jour nouveau sur ces questions. En réponse à Michel Onfray, Nicolas Sarkozy marque sa différence en affirmant prudemment "j'inclinerais, pour ma part, à penser qu'on naît pédophile, et c'est d'ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie." Il poursuit en citant un autre exemple de déterminisme comportemental où les facteurs innés jouent selon lui un rôle, celui du suicide des jeunes qui concerne en France chaque année entre 1200 et 1300 individus. En fait le propos de Nicolas Sarkozy est entre autres de remettre en cause la mise en responsabilité des parents dans la genèse de la personnalité du pédophile ou bien dans le suicide des jeunes. Chacun sait que les adeptes du Freudisme, surtout en France, ont imposé une conception du fonctionnement psychique et de la sexualité ou le père et la mère sont accusés de jouer un rôle le plus souvent délétère dès qu'un problème survient. C'est d'ailleurs ce qu'illustre le premier cadeau de Michel Onfray à Nicolas Sarkozy : Totems et Tabous de Freud met en exergue le meurtre du père. Cette conception caricaturale et archaïque est aujourd'hui dépassée. Il est curieux et inquiétant qu'en France la psychanalyse soit à ce point momifiée et sa parole monopolisé par quelques hiérarques que les découvertes de la neurobiologies qui datent de plus de vingt ans ne soient pas prises en compte. Alors qu'en est-il du déterminismes génétique dans les exemples choisis par Nicolas Sarkozy ? Tout d'abord il faut préciser que l'inné et le génome sont loin d'être deux concepts équivalents et ne correspondent pas à des entités biochimiques identiques. Rappelons que lors de la naissance l'être humain est très immature. Si son corps va grandir en changeant simplement de proportion, son cerveau va connaître un développement et une organisation qui n'avait été que simplement ébauchée lors de la période foetale. Jusqu'à l'âge de 3 à 5 ans les cellules cérébrales se multiplient et les réseaux s'organisent dans l'organe qui est sans conteste le plus complexe de tous les êtres vivants existants sur notre planète. Dans l'accomplissement de ce processus qui s'apparente à une deuxième naissance, le rôle de la génétique est important comme celui de l'épigénétique, mémoire transgénérationnelle parallèle à celle des chromosomes qui peut influencer tout à la fois notre capacité musculaire mais aussi l'organisation de notre cerveau et l'expression ou la non expression de certains gènes. Ainsi l'inné est tout à la fois le programme génétique, modifié par des influences extra-chromosomiques et la confrontation des expressiosn géniques à l'environnement initial du nouveau-né et de l'enfant jusqu'à l'âge de 3 à 5 ans. De ce point de vue la position plus équilibrée de Nicolas Sarkozy est certainement plus près de la réalité. Il le résume d'ailleurs dans la phrase "les circonstances ne font pas tout, la part de l'inné est immense." Il n'est pas inutile de considérer les preuves factuelles du déterminisme inné de la pédophilie. Tout d'abord il est singulier de se rendre compte que la littérature en matière de pédophilie n'est pas surabondante . Il est permis de se poser la question du désintérêt des scientifiques pour ce sujet qui concerne semble-t-il chaque année plusieurs dizaines de milliers d'enfants en France. Le fait que les pratiques pédophiles aient concerné tout à la fois des individus ayant un statut social établi comme les prêtres, les enseignants ou bien des criminels isolés peut expliquer cette situation. Pour autant des études existent et mettent en évidence des faits troublants. Il a été mis en évidence qu'il y avait plus de pédophiles dans les familles où existaient déjà des cas de pédophilie. D'autres auteurs ont démontré que les pédophiles ne s'attaquaient que rarement à leurs enfants génétiques. Il a été retrouvé que les pédophiles avait plus souvent des antécédents de traumatisme crânien dans l'enfance. Enfin en 2002 deux auteurs ont mis en évidence qu'une une tumeur cérébrale pouvait déclencher un comportement pédophile chez un patient adulte et que l'ablation de la tumeur provoquait la levée des pulsions pédophiles. Grâce à l'imagerie par résonance magnétique on a pu prouver que l'image érotique de l'adulte est altérée chez le pédophile et que les circuits de la récompense sont activés à la vue d'images d'enfants. Ces données de même que le caractère itératif, compulsif et irrépressible du comportement pédophile rapporté par les pédophiles eux-mêmes conduisent à penser qu'il existe à l'origine de cette pulsion un mécanisme neurobiologique structuré et rigide dont la genèse est assez complexe mais qui peut expliquer ce "choix de sexualité" et surtout la récidive et l'inefficacité des thérapeutiques actuelles. Quant à la genèse de cette organisation neurobiologique inductrice du comportement pédophile il est permis de penser qu'à côté de facteurs innés constituant une vulnérabilité ce que Nicolas Sarkozy appelle une fragilité, la société actuelle qui permet a beaucoup plus d'individus de révéler leur pédophilie à pu faire augmenter cette « pratique sexuelle » criminelle. Pour autant force est de constater qu'elle reste marginale confirmant ainsi l'aversion naturelle et donc innée de la majorité de la population pour la pédophilie. S'agissant du suicide avant l'âge adulte ou chez l'adulte jeune il est aujourd'hui bien établi que des altérations neurobiologiques existent et que certaines comptent un caractère inné, seul un développement dépassant le cadre de ce texte permettrait d'exposer les travaux récents en cette matière. Enfin s'agissant des fumeurs et d'une manière générale des cancers de cause environnementale, plus personne ne discute l'existence d'une susceptibilité génétique même si là aussi il faut insister sur le caractère polygénique de cette susceptibilité. Ce caractère polygénique est une dimension de complexité qui échappe souvent à ceux à qui a été enseigné le déterminisme génétique monogénique qui est très réducteur le processus de la carcinogenèse ou bien la psychologie. Toutefois la connaissance des facteurs génétiques et épigénétiques impliquées dans la carcinogenèses étant plus imparfaite il est tout à fait impossible de prédire parmi les fumeurs de tabac qui va faire un cancer du poumon en rapport avec les goudrons issue de la pyrolyse des feuilles. Finalement en terminant sur un éloge de la complexité les deux protagonistes du dialogue ont implicitement reconnu l'arbitraire des séparations sémantiques en matière d'inné et d' acquis. Si le corps de l'être humain s'est peu modifié depuis le paléolithique, son cerveau a connu et connaît en permanence des adaptations tout à fait considérables qui lui ont permis de modifier totalement l'environnement , de créer une civilisation , une culture , de permettre à chaque individu de s'exprimer et de créer .. Cette plasticité cérébrale est adaptative il s'agit du résultat d'un processus sélectif qui a commencé chez les primâtes et qui connaît l'aboutissement actuel chez l'homo sapiens . L'ensemble du matériel génétique est impliqué dans cette adaptativité cérébrale qui constitue une des formes les plus évoluées de la vie sur terre. En créant un organe complexe capable d'effectuer des choix sélectif et déterminant pour la survie qu'il s'agisse de la survie physique au paléolithique, de la survie économique aujourd'hui ou bien tout simplement du choix d'une ou d'un partenaire l'évolution des espèces vivantes a connu une étape tout à fait nouvelle. Le déterminisme génétique du cerveau est chaque jour un peu plus éclairé par les découvertes des neuro-sciences. Ce qui peut être troublant c'est que ce déterminisme est à l'origine d'un fonctionnement cérébral tellement adaptatif, tellement réactif, tellement rapide, tellement créateur et inventif qu'il peut donner lieu de manière tout à fait erroné à une interprétation strictement environnementaliste. Considérer que l'être humain et le simple résultat final des influences environnementales c'est nier toute la théorie évolutionniste car sur le court terme c'est l'individu qui fait des choix et sur le long terme c'est la sélection génétique qui organise les orientations. Qu'il me soit permis pour terminer de louer le débat libre et contradictoire. Plusieurs critiques féroces ont été écrites après les propos de Nicolas Sarkozy mais d'une manière générale peu se sont intéressés au fond des questions posées. En s'abritant derrière des paravents idéologiques éculés, transformés en icone du penser politiquement correct comme les Lumières, la Raison, l'Humanisme, la plupart ont évité le débat. Ce dernier est pourtant essentiel à la respiration d'une société non seulement pendant la campagne électorale mais aussi chaque jour pour comprendre le sens de nos actes et agir en homme libre. Assurément un déterminisme existe dans nos comportements, nos actions et une société ne peut durablement flatter les instincts les plus bas sans conséquence délétère pour tous. L'apologie de la violence, du trafic, des pratiques sexuelles marginales ou criminelles telle qu'elle apparaît dans les médias n'est pas simplement le reflet passif d'une société qui nie ses valeurs. C'est aussi parfois l'acte volontaire de ceux qui ont monopolisé les outils de démultiplication de la création cinématographique ou télévisuelle à des fins destructrices. Parce que le viol, l'inceste, la pédophilie, le crime ne sont pas naturellement des comportements que le groupe a jamais valorisé l'opinion de ceux qui les combattent n'est pas seulement conservatrice au sens littéral du terme mais tout simplement mieux adaptée à la survie. Mieux comprendre l'intimité de l'organisation neurobiologies qui conduit à des comportements déviants criminelle notamment ceux qui sont susceptibles de crime itératif comme les pédophiles n'a pas pour but de « flicquer » la population mais plutôt en premier lieu de soigner efficacement ceux que la psychothérapie laisse actuellement en déshérence à la sortie de la prison.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Au royaume de l'inné...
Sarkozy développe une théorie typiquement néoconservatrice.
Par Eric AESCHIMANN
QUOTIDIEN : samedi 7 avril 2007

«C 'est un mode de pensée assez banal, reflet du grand courant de pensée dominant au niveau mondial : le courant naturaliste, biologisant, néodarwinien, pour qui l'inné prime l'acquis», résume, d'un air un peu rigolard, Marcel Gauchet, rédacteur en chef de la revue le Débat et historien des idées. Les analyses à l'emporte-pièce de Nicolas Sarkozy sur la pédophilie et le suicide (lire ci-dessus) ne tombent pas du ciel. Dans la vaste bataille entre la vision de l'homme comme fruit de son milieu, défendue par la pensée d'Europe continentale, et celle d'un homme prédéterminé par ses gènes, qui domine dans le monde anglo-saxon, le candidat UMP choisit son camp : «Les circonstances ne font pas tout, la part de l'inné est immense», affirme-t-il à Philosophie magazine d'avril.


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«Je suis né hétérosexuel». «C'est typique des thèses néoconservatrices, qui reviennent à réduire l'humain au biologique et à dire : "On n'y peut rien'', souligne Elisabeth Roudinesco, historienne de la psychanalyse. Certes, il existe des maladies psychiatriques d'origine génétique. Mais ce n'est pas le cas du suicide, qui peut prendre des formes très différentes selon les cultures, ni de la pédophilie, dont les statistiques montrent qu'elle peut être soignée par la psychothérapie.» Extension du domaine de l'inné : ministre de l'Intérieur, Sarkozy avait provoqué une levée de boucliers en proposant le dépistage chez les enfants de moins de trois ans les signes avant-coureurs de... délinquance. En février, il a déclaré sur TF1 : «Je suis né hétérosexuel.» Réplique d'un psychanalyste : «On ne naît pas hétérosexuel, on naît garçon et on construit sa sexualité en fonction de la société dans laquelle on vit.» Mais il est vrai que, sur ces sujets, personne n'a le monopole du simplisme : c'est avec un aplomb égal que Ségolène Royal avait affirmé que l' «enfant ne ment jamais».
«En France, on a longtemps feint d'ignorer ce qui se passait à l'étranger dans ce domaine, poursuit Marcel Gaucher. Mais il ne sert à rien de hurler ou d'opposer des grands jugements moraux. Mieux vaut essayer de comprendre et d'opposer des arguments de fond.» Ce tropisme «néocons» sur les questions de moeurs peut-il être rapproché de la façon dont Sarkozy s'emploie, dans ses discours, à réduire l'Allemagne à son moment nazi ? En comparant la Shoah et la colonisation pour relativiser cette dernière, il s'en prend une nouvelle fois à ce que Jean-Pierre Raffarin ­ s'inspirant de son ministre philosophe Luc Ferry ­ pourchassait sous le nom de «pensée 68», cette fois dans la variante «remords et repentance» théorisée par Pascal Bruckner.
«Mystère irréductible». Le raisonnement présente trois défauts : il oublie que le nazisme reçut le soutien de non Allemands et que des Allemands luttèrent contre le nazisme ; il ne contribuera pas à apaiser la concurrence victimaire entre Noirs et Juifs qu'il est le premier à déplorer ; enfin, il doit être resitué, lui aussi, dans un cadre plus vaste, énoncé par Sarkozy lui-même dans Philosophie magazine : «Qu'un grand peuple démocratique participe par son vote à la folie nazie, c'est une énigme. Il y a beaucoup de nations à travers le monde qui traversent des crises [...] et qui n'inventent pas la solution finale ni ne décrètent l'extermination d'une race. Mieux vaut admettre qu'il y a là une part de mystère irréductible plutôt que de rechercher des causes rationnelles.» Qu'il s'agisse des pédophiles ou des nazis, la même idée surnage : la raison ne doit pas chercher à trop comprendre. Ce qui est une assez bonne définition du conservatisme.

Anonyme a dit…

M. Bayrou, lisez-donc "La génétique pour les nuls"


Je ne pensais pas parler un jour de génétique ici. Mais je saute sur l'occasion apportée par la polémique du jour pour ajouter un petit peu de vulgarisation scientifique à ce débat dans lequel on entend tout et n'importe quoi.

Nicolas Sarkozy s'est entretenu récemment avec un grand philosophe Français. Philosophe "athée, antilibéral, hédoniste et libertaire" qui par ailleurs ne cache pas son soutien à l'extrême gauche.

Un extrait de cet entretien est proposé sur le site de philosophie magazine :

Nicolas Sarkozy : Je me suis rendu récemment à la prison pour femmes de Rennes. J'ai demandé à rencontrer une détenue qui purgeait une lourde peine. Cette femme-là m'a parue tout à fait normale. Si on lui avait dit dans sa jeunesse qu'un jour, elle tuerait son mari, elle aurait protesté : « Mais ça va pas, non ! » Et pourtant, elle l'a fait.

Michel Onfray : Qu'en concluez-vous ?

N. S. : Que l'être humain peut être dangereux. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons tant besoin de la culture, de la civilisation. Il n'y a pas d'un côté des individus dangereux et de l'autre des innocents. Non, chaque homme est en lui-même porteur de beaucoup d'innocence et de dangers.

M. O. : Je ne suis pas rousseauiste et ne soutiendrais pas que l'homme est naturellement bon. À mon sens, on ne naît ni bon ni mauvais. On le devient, car ce sont les circonstances qui fabriquent l'homme.

N. S. : Mais que faites-vous de nos choix, de la liberté de chacun ?

M. O. : Je ne leur donnerais pas une importance exagérée. Il y a beaucoup de choses que nous ne choisissons pas. Vous n'avez pas choisi votre sexualité parmi plusieurs formules, par exemple. Un pédophile non plus. Il n'a pas décidé un beau matin, parmi toutes les orientations sexuelles possibles, d'être attiré par les enfants. Pour autant, on ne naît pas homosexuel, ni hétérosexuel, ni pédophile. Je pense que nous sommes façonnés, non pas par nos gènes, mais par notre environnement, par les conditions familiales et socio-historiques dans lesquelles nous évoluons.

N. S. : Je ne suis pas d'accord avec vous. J'inclinerais, pour ma part, à penser qu'on naît pédophile, et c'est d'ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie. Il y a 1 200 ou 1 300 jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n'est pas parce que leurs parents s'en sont mal occupés ! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité, une douleur préalable. Prenez les fumeurs : certains développent un cancer, d'autres non. Les premiers ont une faiblesse physiologique héréditaire. Les circonstances ne font pas tout, la part de l'inné est immense.

Tous les adversaires politiques de Nicolas Sarkozy s'indignent de quelques mots extraits de ce long entretien.

Bernard-Henri Levy, qui a déclaré son soutien à Ségolène Royal, s'indigne sur I>Télé : "Nous dire qu'il y a une prédisposition à la pédophilie, nous dire qu'il y a une prédisposition au suicide, Nous dire que c'est la génétique qui décide, ça c'est pas supportable".

François Bayrou dénonce "un propos très grave. Ca voudrait dire que son destin est joué à l'avance. Je ne crois pas qu'il y ait un médecin, un psychiatre en France qui puisse entendre ces propos sans frémir".

Eh bien justement, qu'en pensent-ils nos médecins, ou plutôt nos chercheurs français qui travaillent sur ce sujet à l'INSERM, à l'Institut Pasteur, au CNRS, dans les centres hospitaliers universitaires, ou encore à l' AFM ?

La génétique nous a appris depuis longtemps que les caractères visibles d'un individu (le phénotype) comme la couleur de nos yeux et de nos cheveux dépend des gênes que nous recevons de nos parents, de notre génome.

Anonyme a dit…

De nombreux programmes de recherches sont en cours dans le monde entier pour essayer de trouver des liens entre le phénotype d'un être humain (son apparence, son comportement, ses maladies, ...) et son génome (les gênes qu'il reçoit lors de sa conception).

Le but de ces recherches est d'identifier les gênes, ou les mutations de gênes qui pourraient être responsables d'une pathologie. Cela permet déjà une meilleure prévention si le risque est identifié. Mais on espère pouvoir réparer les gênes altérés pour éviter la maladie. Le débat et la recherche scientifique ne portent pas actuellement sur l'hypothèse de la réalité des thérapies géniques, mais sur les moyens de les mettre en oeuvre. Aucun chercheur ne consteste que de nombreuses maladies physiques ou mentales ont leur origine dans le génome du malade. On espère pouvoir soigner des maladies actuellement incurables comme les myopathies, le cancer et même le SIDA grâce à ces recherches. C'est dire si ce domaine de la médecine est important.

Parmi les établissements qui effectuent ce genre de recherches, le très sérieux Institut Pasteur, reconnu mondialement pour ses compétences et pour les résultats de ses recherches dans le domaine médical, possède un groupe de recherches appelé " Génétiques humaines et fonctions cognitives ". Sous la direction de Thomas Bourgeron, ce groupe de recherche essaie de repérer des séquences de gênes qui provoquent des pathologies de l'apprentissage chez l'être humain. Comme les retards de langage, la dyslexie, les troubles obsessionnels compulsif (TOC) et même des pathologies plus graves comme la schizophrénie et l'autisme. En collaboration avec l'INSERM et des CHU, des découvertes importantes ont été effectuées par l'équipe de Thomas Bourgeron : une altération de certains gênes du chromosome 22 est visible chez les autistes présentant des troubles du langage. Cette découverte pourra permettre de d'identifier plus tôt cette maladie, et, on l'espère, de mieux la traiter.

Un autre programme de recherche a été réalisé par l'INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale), concernant le suicide. Le but de ce programme était d'essayer de trouver des facteurs psychologiques, physiologiques ou génétiques chez les personnes s'étant suicidées. Si la psychologie est très importante dans ce genre de drame, il a pourtant été constaté que les personnes décédées par suicide avaient un taux très bas "d'acide acétique 5-HIAA" dans le liquide céphalo rachidien. Le taux de 5-HIAA dans le liquide dans lequel baigne le cerveau est prédictif de futurs comportements suicidaires !

Anonyme a dit…

De nombreux programmes de recherche sont en cours pour identifier les gênes prédisposant au cancer. Le laboratoire de génétique du CNRS à l'Université Claude Bernard à Lyon a mené un programme de recherche sur le cancer du sein. Grâce au résultat de ce programme de recherche il est maintenant possible de dire à une femme si son risque de cancer du sein est multiplié par 8 ou s'il est celui de la population générale. Si une femme possède les gênes causant une augmentation du risque de cancer, elle sera mieux surveillée. Son cancer, s'il se déclare, sera traité plus tôt et aura plus de chances d'être guéri.

L'origine génétique des myopathies a été établie. Chaque année, le téléthon vous sollicite pour financer la recherche pour le traitement génétique des maladies.

Et les exemples sont nombreux. Il est incontestable que l'étude du génome humain permet, et permettra de plus en plus de diagnostiquer, de prévenir et de guérir des pathologies.

Peut-être que BHL n'est pas assez courageux pour supporter cela. Et si les propos de Nicolas Sarkozy sur une origine peut-être génétique de pathologies très graves comme le suicide ou la pédophilie "glacent le sang" de François Bayrou, c'est qu'il ignore tout de cette branche de la médecine. Et lorsqu'il déclare que Nicolas Sarkozy a tenu "des propos très graves" à ce sujet, c'est que le candidat de l'UDF met sa propre ignorance sur le dos de son adversaire politique. Je conseille donc à François Bayrou de visiter le site du téléthon : un petit jeu pour les enfants explique comment les thérapies géniques peuvent guérir.

 
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