“Nous ne sommes savants que
de la science présente”, Michel Eyquem de Montaigne, Essais, 1580.
La carcinogénicité des
xénobiotiques relève de la compréhension de l’incertitude. Établir des faits
expérimentaux ou d’observation, utiliser des moyens fiables de les interpréter
notamment les probabilités pour déterminer l’absence ou l’existence de liens de
cause à effet résume le but de la science. Les insectes, les animaux en
particulier les oiseaux, les micro-organismes et les mauvaises herbes
détruisent ou consomment entre 20 et 48 % de la production annuelle agricole.
C'est évidemment considérable. Le glyphosate est utilisé comme biocide végétal.
Il est moins toxique que
les produits chimiques courants tels que l'aspirine, avec une DL50 chez le rat
supérieure à 5 g par kg-1 (http://www.msal.gob.ar/agroquimicos/pdf/Williams-et-al-2000.pdf) mais est il cancérigène?
Le risque de cancer lié au glyphosate chez l’homme
Les
biocides doivent être toxiques pour la cible mais ne pas provoquer de cancer
chez l’humain, agriculteur, utilisateur ou consommateur d’aliments traités. Les
études animales sont seulement des signaux de risque car chez les rongeurs
(rats et souris sont les plus utilisés) le risque de cancer peut être majoré ou
au contraire réduit par rapport à l’humain (http://www.nature.com/nrc/journal/v5/n10/full/nrc1715.html). Peu d’agents carcinogènes pour les
rongeurs ont été établis comme étant clairement carcinogènes pour les humains
et vice versa. C’est pourquoi les études humaines sont essentielles. Le
glyphosate a été évalué comme les autres pesticides dans le cadre de
l’Agricultural Health Study (AHS) depuis les années 1990 sur environ 89000
agriculteurs et leurs familles de l’Iowa et de la Caroline du nord. Les autres
pays gros utilisateurs de pesticides en Europe non jamais conduit de telles
études alors qu'il existe des bases de données dans les systèmes de soins
européens qui permettrait certainement d’importer des données de grande qualité
sur ce sujet. Les séries observationnelles de l’AHS, dont les données sont
disponibles pour les chercheurs du monde entier (https://aghealth.nih.gov/collaboration/index.html), n’ont jamais démontré qu’il existât
une augmentation du risque de cancer avec l’utilisation du glyphosate chez les
agriculteurs, personnes les plus exposées. Une autre évaluation globale des
pesticides dans l’AHS a été réalisée en 2010 et à nouveau le glyphosate a été
mis hors de cause concernant le risque de cancer (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2920083/). Les études concernant les personnes
indirectement exposées (familles d’agriculteurs ou d’ouvriers de production) ou
les consommateurs n’ont pas mis en évidence d’augmentation de risque. La FAO et
l’OMS en 2015 concluent:
“Compte
tenu de l'absence de potentiel cancérigène chez les rongeurs à des doses
significatives pour l'homme et de l’absence de génotoxicité par voie orale chez
les mammifères et compte tenu des preuves épidémiologiques des expositions
professionnelles, la réunion a conclu que le glyphosate est peu susceptible de
poser un risque cancérigène pour les humains par ingestion alimentaire” (http://www.fao.org/3/a-i5693e.pdf). Devant ces résultats et d’autres
études expérimentales l’IARC a annoncé en Juin 2015 que le glyphosate est
probablement cancérigène pour les humains (http://dx.doi.org/10.1016/S1470-2045(15)70134-8). K. Guyton, toxicologue et un des
auteurs de l'étude, a déclaré: «Dans le cas du glyphosate, parce que la preuve
chez les animaux de laboratoire était suffisante et que la preuve chez l'homme
était limitée, cela le place dans le groupe 2A". Une des études souvent
citée à propos du glyphosate (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19672767) démontre une action génotoxique
faible et transitoire chez les travailleurs agricoles mais sans qu’un lien de
causalité puisse être établi. L’EFSA a un avis différent (https://www.efsa.europa.eu/sites/default/files/4302_glyphosate_complementary.pdf) considérant que chez l’humain le
risque observé de cancer induit par le glyphosate est très faible et que les
liens de causalité sont inexistants.
Il n’y a
en réalité pas de contradiction entre ces deux avis, si l’on considère les
missions et les critères retenus par l’IARC d’un côté et les agences
européennes et américaine de l’autre. Tout d’abord les agences en question ne
font pas de recherche. La première a la responsabilité d'identifier un risque
potentiel de cancer sans le quantifier mais en établissant une échelle de
vraisemblance; les autres ont la responsabilité de définir quel est le risque
réel pris par la population. Cette question de la différence entre le risque
absolu en laboratoire ou dans des études limitées et le risque réel dans la vie
humaine est essentielle. Par exemple le café a été réévalué par l’IARC en juin
2016 alors qu’il était considéré précédemment comme cancérigène (https://www.iarc.fr/en/media-centre/pr/2016/pdfs/pr244_E.pdf).
Dans le
cas du Glyphosate et contrairement à d’autres pesticides il n’existe
aujourd'hui que des suspicions concernant un type particulier de cancer (les
lymphomes non hodgkiniens) et ces suspicions n'ont jamais été prouvées par les
meilleures études dont nous disposons. Le Glyphosate comme tous les biocides
est sous surveillance toutefois son bénéfice-risque est certainement un des
meilleurs de tous les herbicides issus de la chimie organique. C'est d'ailleurs
une des raisons pour lesquelles il est le plus utilisé.
Dès lors que
la recherche publique et académique est faible, il n'est pas étonnant que la
médiatisation soit irrationnelle voire hystérique et que des groupes de
pression s’en emparent pour faire avancer leur cause (https://www.generations-futures.fr/wp-content/uploads/2017/04/GLYPHOSATE_1_0604172.pdf) (http://www.reuters.com/article/us-health-europe-glyphosate-idUSKBN17F0S1). C’est ce que l’on observe. Un des
arguments des opposants aux pesticides est bien évidemment le principe de
précaution. Il ne peut y avoir de principe de précaution universel contre toute
incertitude née de l’action humaine en général. Une telle approche condamnerait
toute évolution économique, scientifique et in fine pourrait entraîner des
crises graves dans des populations où l’abondance alimentaire n'est pas la
règle.
A la
vérité nous sommes, concernant le glyphosate en face de ce que l’on appelle la
suspicion d’un faible risque concernant un cancer particulier, risque qui n’est
pas observé dans les cohortes les plus importantes. La meilleure réponse à
l'incertitude sur les faibles risques c'est bien évidemment l’innovation.
L’innovation organisationnelle qui permet de recueillir des données exhaustives
et l’innovation fondamentale qui permet de tracer l’action cellulaire des
biocides chez l’humain en exposition réelle (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4589117/).
-->
N'oublions
pas que s'il y a aujourd'hui des molécules particulièrement surveillées ce sont
les pesticides. La pollution environnementale est pourtant riche d'un grand
nombre d’autres molécules dont la présence est parfois insoupçonnée dans
certains milieux ce qui entraîne des biais importants. Pour un consommateur
d'aliments le glyphosate ne représente pas un risque significatif de cancer à
la différence des causes reconnues que sont le tabac, l’alcool, les radiations,
les virus, l’obésité, les traitements hormonaux, l’inflammation chronique et le
manque d'exercice. Pour les carcinogènes chimiques il est préférable de se
concentrer sur les carcinogènes certains dont la liste fait l’objet d’un
consensus (https://www.cancer.org/cancer/cancer-causes/general-info/known-and-probable-human-carcinogens.html).
https://www.reuters.com/article/us-glyphosate-cancer-data-specialreport/special-report-cancer-agency-left-in-the-dark-over-glyphosate-evidence-idUSKBN1951VZ?utm_campaign=Storylift+-+1LPNZ-O5&utm_source=Storylift&utm_medium=1LPNZ-O5&utm_content=A
https://www.reuters.com/article/us-glyphosate-cancer-data-specialreport/special-report-cancer-agency-left-in-the-dark-over-glyphosate-evidence-idUSKBN1951VZ?utm_campaign=Storylift+-+1LPNZ-O5&utm_source=Storylift&utm_medium=1LPNZ-O5&utm_content=A
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