dimanche 11 novembre 2018

Erdogan, l’Europe et la première guerre mondiale

https://www.valeursactuelles.com/monde/11-novembre-avec-erdogan-ou-lart-du-flirt-avec-les-ennemis-de-la-civilisation-europeenne-100639

1/ il semble bien d’après des sources certaines que ce soit le 10/11/18 qu’Erdogan, invité comme puissance vaincue et disparue (l'empire ottoman), a fait le salut de la main Tamkine en arrivant à Paris devant des affidés dans la rue.
2/ c’est le salut des frères musulmans et de l’AKP mais ce n’est pas pareil nous dit on, pas d'amalgame. Khashoggi aussi le disait à ses fils, ça y ressemble mais je ne suis pas un frère!
https://blogs.mediapart.fr/mohamed-louizi/blog/070415/la-main-du-tamkine-des-freres-musulmans-en-photos 

Main du Tamkine
3/ on imagine Merkel invitée comme puissance vaincue qui, la veille, fait une petite réunion bain de foule à Paris, avec quelques nostalgiques de l’Empereur ornés du casque à pointe... 
Photo 1/7
Les nostalgiques qui se rassembleraient seraient très vite condamnés et expulsés, mais la main qui est un appel  

4/ logique gauchiste: les femens s’en prennent à celui qui nous a aidé à être libre, DJ Trump et non aux puissances vaincues notamment celle où les femmes sont voilées. Normal car on les laisse faire alors qu’en Turquie elles seraient en prison pour longtemps...


Il reste quelques éditorialistes lucides...
«Go and f… yourself. Vous n’êtes pas le bienvenu chez nous », a déclaré Yann Barthes vendredi 9 novembre au soir sur TMC, commentant l’arrivée du président américain Donald Trump à Paris, pour les cérémonies de commémoration de la Grande guerre. L’animateur de l’émission Quotidien, qu’on a connu moins consensuel, a recueilli les applaudissements hilares du public tout acquis à sa cause antitrumpienne comme l’écrasante majorité des médias français.
Un « Go and f… yourself too, Mr Erdogan » aurait aussi eu de la gueule et serait apparu plus courageux. Après tout, le chef de l’État turc, contrairement à son homologue américain, est responsable de l’emprisonnement de dizaines de milliers de journalistes, humoristes, écrivains, universitaires, professeurs, fonctionnaires, tous suspectés d’être des « ennemis de la nation ». Après tout, 55 000 prisonniers d’opinion, cela pourrait chatouiller la conscience des humanistes. Et la politique d’épuration ethnique menée par le gouvernement d’Erdogan à l’encontre des Kurdes de Syrie et de Turquie, qui se déroule au grand jour depuis des années, pourrait faire sursauter les amis de la paix et de la liberté…
« L’outrance d’Erdogan est dans ses actes : persécutions, emprisonnements, menaces, bombardements, soutien aux brigades islamistes terroristes dans le nord de la Syrie… »
Mais reconnaissons-le, Erdogan est un moins bon « client » que Trump pour faire des blagues. Pas de tweets incendiaires, pas de grimaces de clown ni de brushing jaune poussin, pas de gesticulation intempestive. Non, son outrance à lui est dans ses actes : persécutions, emprisonnements, menaces, bombardements, soutien aux brigades islamistes terroristes dans le nord de la Syrie… Les journalistes, il ne leur déclare pas sa haine via Twitter, il les condamne à des années de prison. Et certains périssent assassinés.
S’adressant aux 70 chefs d’État rassemblés au pied de la tombe du Soldat inconnu, Emmanuel Macron a déclaré : « Les traces de cette guerre ne se sont jamais effacées ni sur les terres de France, ni sur celles de l’Europe et du Moyen-Orient, ni dans la mémoire des hommes partout dans le monde. » Les traces de cette guerre, ce sont aussi celles du premier génocide du siècle, perpétré à la faveur du chaos mondial par le gouvernement turc, contre les populations arméniennes en 1915-1916.
Quitte à inviter le président turc, chantre du nationalisme haineux que le président français dénonce dans ce même discours, Emmanuel Macron aurait pu faire preuve d’un peu de courage et être fidèle à sa stratégie du « en même temps ». J’invite le président turc, realpolitik oblige (l’Union européenne lui est « reconnaissante » d’avoir stoppé l’afflux des migrants qui transitaient par la Turquie) mais je n’oublie pas d’évoquer le génocide arménien. Puisqu’on parle de la période 14-18. De mémoire. De « démons anciens » qui resurgissent. Puisqu’il faut tirer des leçons.
« La brutalité, la violence qui s’exercent de façon chronique au sein de la Turquie depuis cent ans est l’héritage de ce crime impuni. »
La seule leçon qu’ait tirée Recep Tayyip Erdogan du génocide des Arméniens, puis des Grecs du Pont, est, hélas, que le crime est payant. La brutalité, la violence qui s’exercent de façon chronique au sein de la Turquie depuis cent ans est l’héritage de ce crime impuni. Toujours nié par les gouvernements turcs successifs. Un refoulé historique gigantesque dont la société civile turque mesure aujourd’hui le poids et les conséquences traumatisantes.
Il faut lire le très beau livre de Valérie Manteau, Le Sillon (éditions Le Tripode) qui vient d’être récompensé par le prix Renaudot : on y découvre le cœur battant de cette société civile, ses espoirs, son optimisme, son humour, son amour pour les écrivains et les poètes. Sa résilience malgré la terrible répression qui s’exerce sur elle. Mais jusqu’à quand ? Valérie Manteau déambule dans un Istanbul qu’elle adore sur les traces de Hrant Dink, journaliste arménien, militant charismatique pour la démocratisation de la Turquie, assassiné en 2007. Un symbole pour tout un peuple. Et pour l’auteure qui a travaillé à Charlie Hebdo et a vu ses amis assassinés par les terroristes islamistes en 2015…
Recep Tayyip Erdogan nous a délivrés un tout autre symbole ce weekend à Paris. Déambulant dans les rues sous bonne escorte, le président turc a été ovationné par des hommes et des femmes, agitant des drapeaux turcs et faisant le signe de la confrérie des Frères musulmans (quatre doigts relevés, le pouce replié). Tout au bonheur de ce bref bain de foule, Erdogan a salué ses supporters en leur adressant ce même salut (« rabia ») des Frères musulmans.
Le président turc a toujours été membre de la Confrérie islamiste née en Égypte en 1928 et qui prône le combat contre « l’influence corruptrice de l’Occident ». C’est en partie pour cette raison qu’il est en lutte politique avec l’Arabie saoudite, wahhabite, un fondamentalisme opposé à celui des Frères musulmans.
« Erdogan se moque copieusement des droits de l’homme en Arabie saoudite ou ailleurs. »
Le « Calife » d’Ankara rêve de reprendre aux Saoudiens le leadership du monde musulman sunnite. Il ne faut pas chercher ailleurs l’acharnement d’Erdogan à faire la lumière sur le crime odieux et barbare contre Jamal Khashoggi perpétré par les hommes de main de Riyad à l’intérieur du consulat d’Istanbul. Erdogan se moque copieusement des droits de l’homme en Arabie saoudite ou ailleurs. Mais Jamal Khashoggi était un opposant saoudien et un soutien des Frères musulmans. Une double bonne raison de plaider sa cause. Et de s’acheter à bas prix une réputation de défenseur de la liberté de la presse auprès des occidentaux. Un comble. Mais visiblement la tartufferie paye. Tout cela a valu un beau tapis rouge à Erdogan. Notre ami, notre Frère.
(Photo : Le président turc Recep Tayyip Erdogan à Paris le 11 novembre 2018.)
 
Valérie Toranian

Valérie Toranian

Directrice de la Revue des Deux Mondes.

2 Comments to "Erdogan notre « ami », notre « Frère »"

  1. RÉPONDREluc12 NOVEMBRE 2018 AT 18 H 40 MIN
    Bonjour. Cet article me paraît faire abstraction de ce qui est un peu plus qu’un détail. On peut reprocher bien des choses à l’infect Macron, sauf une -et qui serait d’avoir caché son jeu. Dès son entrée en piste il a clairement signifié à tous les pourris de la planète qu’ils n’auraient rien à craindre : NOUS PARLONS A TOUT LE MONDE. Sic.
    Autant dire, que lorsque sans vergogne il brandit maintenant le spectre des « années 1930 » en prévision des élections européeennes, il ne fait que tendre un bâton pour se faire battre. Car en ce temps ses devanciers des démocraties occidentales tremblaient à l’idée de perdre un seul contrat du côté des dictatures. Et, si tant est qu’il s’agit d’éviter ici le point Godwin j’ai souvenir d’avoir lu dans un livre de Walter Laqueur que ce fut jusqu’à la veille (!) de Pearl Harbor, que les livraisons de charbon US au régime des dictateurs japonais ne firent qu’augmenter… Un peu plus tôt déjà, et pour en rester au pétrole, Franco en Espagne avait beaucoup apprécié de voir celui de Texaco ravitailler les blindés fascistes car il avait été écarté de la liste des « armes de guerre », placées sous embargo…
  2. RÉPONDREAlex Caire12 NOVEMBRE 2018 AT 23 H 43 MIN
    Mais ….enfin Madame, vous ne poussez pas la memee un peu trop dans les orties ? On est tous d’accord que ce cher Erdo ne sera ni votre invité au golf ni le compère de tennis de votre illustre compagnon. On sait tous les méfaits de ce nouveau Chef de la Sublime Porte mi-Ataturk mi-Soliman le Magnifique (un mi plus un mi, cela donne rien), mais de la a prouver votre abscence totale du Real Politic ? Impensable avec la virée actuelle de la Revue . Ok. On isole le père Erdo, on le boude ….Mais il sera pire. En le promenant un peu hors de chez lui, on le sonde, on l’implique, on le laisse venir, faire. On l’observe. Vous oubliez que l’abécédaire de la stratégie politique est d’observer un partenaire régional majeur et prendre des notes. Petite note pour l’Histoire: les Frères musulmans se sont déclarés hostiles depuis leur début aux réformes d’Ataturk ( l’Egypte venait de signer sa première Convention d’Independance à l’aube de la Revolution de 1919). Pour eux, Ataturk était un désaxé. L’Egypte cherchait à se débarrasser à la fois -des vestiges-desOttomans et des Anglais. Révisez vos notes!
https://www.revuedesdeuxmondes.fr/erdogan-notre-ami-notre-frere/?fbclid=IwAR16sMuciinnMUe3PvoSoHy13GEVvTBs9RIwfYlt0SQ2-neMwAYCps-_T4o


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