Ce discours est une émotion esthétique et intellectuelle.
Extrait:
"Regardez autour de vous. Les festivals culturels qui font le charme
inégalable des étés européens sont tous à son image et ressemblance.
L’esprit de Tante Céline plane sur la plupart des mises en scène de théâtre
et d’opéra. Qu’il s’agisse de Didon et Enée de Purcell ou de l’Odyssée
d’Homère, le propos est toujours le même : vaincre l’exclusion, célébrer
l’hospitalité, effacer les frontières, abattre les murs de la forteresse. Plus
de fable qui ne comporte sa leçon, plus de créateur qui ne soit transformé
en prédicateur. On fait dire et répéter à des poètes et des compositeurs
sans défense qu’aucune appartenance ne doit être tenue pour essentielle,
si ce n’est l’appartenance à l’humanité. Les innombrables descendants
que le traumatisme hitlérien a donnés à Tante Céline ne cherchent ni dans
Proust ni dans James ni dans Flaubert, ni dans Purcell ni dans Wagner,
ni dans Rembrandt ou Goya « la vraie vie enfin découverte et éclaircie »,
car la vérité, ils n’ont pas besoin de faire un détour pour y accéder, ils
sont convaincus de la détenir. Ce qu’ils demandent à l’art, c’est d’illustrer
cette vérité préalable, de la mettre en évidence et, pour faire barrage aux
mauvais penchants qui se sont donné libre cours dans les sombres temps
du vingtième siècle, de nous rappeler sans cesse à l’ordre du semblable.
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Ainsi les musées sont aujourd’hui définis par leur grand Conseil
international comme des « lieux de démocratisation inclusifs ».
Dépositaires non de chefs-d’œuvre, ce qui réintroduirait la notion funeste
de supériorité, mais « d’artefacts et de spécimens pour la société », ces
établissements publics entendent « contribuer à la dignité humaine et à la
justice sociale, à l’égalité mondiale et au bien-être planétaire ». Édouard
Louis, l’écrivain français dont les traductions ornent toutes les devantures
des rares librairies américaines qui ont survécu à Amazon, n’est pas en
reste : « Si on n’écrit pas contre le racisme, ça ne sert à rien d’écrire. » Et
cet impératif s’applique, avec la même vigueur, aux auteurs morts : les
irrécupérables sont déconstruits ; les autres sont enrôlés dans la
campagne qui bat son plein en faveur de la reconnaissance de l’homme
par l’homme ou plutôt, et pour mettre enfin la langue à l’heure de
l’universel, de l’être humain par l’être humain. "
http://www.academie-francaise.fr/sites/academie-francaise.fr/files/3_discours_vertu_a._finkielkraut_.pdf
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