lundi 2 mars 2020

Coronavirus

Quelques informations sur le Covid-19
Yves Gaudin.
Directeur de recherche au CNRS. Responsable d'une équipe travaillant sur les rhabdovirus.

Généralités sur les coronavirus
Les coronavirus constituent une famille de virus qui infectent naturellement les mammifères et les oiseaux. Ils sont nommés ainsi à cause de leurs protéines d’enveloppe qu’on appelle S, en forme de spicule, qui donnent au virus un aspect de couronne lorsqu’il est observé en microscopie électronique.
Leur génome est constitué d’une molécule d’ARN simple brin (alors que le génome des bactéries, des animaux et des plantes est constitué d’ADN double brin). Ce sont les virus qui ont le plus grand génome parmi les virus à ARN (30000 bases). Leur machinerie de réplication présente plein de particularités passionnantes mais ce n’est pas mon sujet ici.
Les coronavirus sont donc des virus bien connus. Beaucoup d’entre eux circulent chez l’homme et sont souvent associés à des infections respiratoires et des rhumes, le plus souvent en hiver. En général, ce sont des infections bénignes qui guérissent en quelques jours. Néanmoins, chez les personnes âgées, ou celles souffrant de pathologies cardiaques ou bien encore immunosupprimées, ils peuvent entrainer des complications et même engendrer des décès.
Depuis 2003 et l’épisode du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS ou encore SARS en anglais), on sait que certains coronavirus sont beaucoup plus dangereux pour l’homme que ceux qu’on rencontre classiquement. Ainsi, l’épidémie de SRAS a tué environ 650 personnes pour un nombre de cas recensés d’environ 8500 (soit 7,65 % de mortalité). Ensuite, en 2012, est apparu le coronavirus du MERS (Middle East respiratory syndrome). Le nombre de cas est resté limité (moins de 2000) mais le taux de décès se situe autour de 30%. Des cas de contagion par le MERS CoV continuent d’être rapportés régulièrement (essentiellement en Arabie Saoudite).
Dans ces deux cas, on pense que ce virus circule chez un animal qui constitue son réservoir naturel. On soupçonne que les chauves-souris constituent ce réservoir. Il pourrait néanmoins y avoir un hôte intermédiaire qui aurait été responsable de la contagion humaine (civette pour le SRAS, dromadaire pour le MERS).
Le CoVid-19
En décembre dernier, on commence à rapporter des cas de pneumonie mortelle dans la ville de Wuhan. Les malades ont tous fréquenté un marché traditionnel qui vendait des animaux vivants. Très rapidement, le virus responsable est identifié. Il s’agit d’un nouveau coronavirus, proche de celui du SRAS, dont on peut penser qu’il infectait certains des animaux présents sur le marché. Initialement, il a été suggéré qu’il n’y avait pas de contamination interhumaine, ce qui a certainement ralenti la mise en œuvre de mesures qui auraient dû juguler l’épidémie plus tôt.
Pourquoi s’inquiéter du Covid-19 ?
La première chose qu’il faut constater, c’est que la contagion interhumaine par le Covid-19 est beaucoup plus efficace qu’avec le virus responsable du SRAS. Ceci explique le nombre de malades beaucoup plus élevé mais aussi l’efficacité de la contagion à bord du paquebot de croisière Diamond Princess (plus de 20% des passagers ont été contaminés).
En fait, le taux de reproduction de base de l’épidémie du Covid-19, c’est à dire le nombre moyen de personnes qui sont nouvellement contaminées par un malade est assez élevé, comparable à celui de la grippe saisonnière. Cette transmission efficace s’explique par le fait que ce virus n’a jamais circulé dans l’espère humaine, qui ne possède donc aucune immunité spécifique contre le Covid-19. C’est pourquoi des mesures drastiques d’isolement sont prises autour des foyers infectieux.
D’autre part, le taux de décès lié à l’infection par le Covid-19 est élevé pour une maladie contagieuse. Il a démarré autour de 2% et, en Chine, semble maintenant atteindre les 3%. Ce chiffre ne prend pas encore en compte d’éventuels décès liés à des complications survenant après l’infection (qui apparaitront peut-être dans quelques semaines). Il est intéressant de faire une comparaison avec la grippe. Chaque année, en France, la grippe saisonnière touche entre 2 et 10 millions de personnes et le nombre de décès (essentiellement dus à des complications) va de quelques centaines jusqu’à environ dix mille. Le taux de décès chez les malades du coronavirus est donc entre 10 et 30 fois supérieur à celui de la grippe. Il est donc là encore normal que les pouvoirs publics prennent si nécessaire des mesures pour limiter la propagation du virus.
Par ailleurs, ce taux de décès de 2 à 3% est un taux moyen. Le taux de décès varie selon les catégories de population. Les enfants semblent relativement épargnés. Bien qu’il y ait autant d’hommes que de femmes qui soient touchés par le virus, le taux de décès est sensiblement plus élevé chez les hommes, particulièrement les hommes âgés présentant d’autres pathologies.
Si dans 80% des cas, l’infection donne des symptômes très proches de ceux d’une grippe classique. Dans 10 à 20% des cas, l’infection nécessite une hospitalisation et des soins parfois intensifs. Il est donc important que le système de soins ne soit pas débordé, ce qui explique, encore une fois, la nécessité de limiter au maximum la propagation de la maladie.
Enfin, la période d’incubation variant de 5 à 12 jours environ, elle justifie la durée de la période de quarantaine de 14 jours.
Vaccins et antiviraux
Contre les virus, il existe deux stratégies complémentaires.
La première est le développement d’un vaccin. Celui-ci ne sera pas disponible avant au minimum 18 mois. N’en déplaise aux complotistes de tout poil, la mise sur le marché d’un vaccin (qu’il faut déjà avoir mis au point -ce qui n’est pas le cas-) nécessite le passage à travers une batterie de tests qui prennent du temps. La première vague de l’épidémie, celle que l’on vit actuellement, devra donc être franchie sans le vaccin.
La seconde est le développement de médicaments ayant une activité antivirale. A l’heure actuelle, nous ne possédons aucune molécule active spécifique contre ce virus. Des tests sont effectués avec le Remdesivir, un analogue de nucléotide, qui pourrait avoir un spectre d’action large contre les virus à ARN. Par ailleurs, certaines équipes de recherche médicale essaient de voir si des médicaments déjà existants ne seraient pas actif sur le virus. Cette stratégie de repositionnement de molécules thérapeutiques est intéressante car ces molécules ont déjà passé les tests de toxicité avant d’être mis sur le marché pour d’autres applications.
La chloroquine, un antipaludéen, a ainsi été mentionnée comme ayant une action sur le Covid-19. Cette action in vitro de la chloroquine sur l’entrée des virus (pas seulement le coronavirus) est connue depuis longtemps lorsqu’on infecte en laboratoire ce qu’on appelle des cultures cellulaires. Néanmoins, jusqu’à présent, ce traitement s’est révélé inefficace sur des individus infectés, quel que soit le virus (ce qui n’exclut pas qu’il faudra le tester sur des individus infectés par le Covid-19).
Il faut encore insister sur le fait qu’à l’heure actuelle (mercredi 26 février 2020), il n’y a pas d’épidémie en France, juste des cas dont on sait retracer l’histoire. En Italie, le nombre de cas reste limité même si l’inquiétude augmente.
Si la situation se dégradait, la principale arme contre l’épidémie serait notre civisme et notre capacité à obéir (oui, parfois ce n’est pas un gros mot) aux consignes qui seraient alors données par les autorités sanitaires.

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