jeudi 12 octobre 2017

Glyphosate et cancer: donner un sens aux faits

Glyphosate et cancer: donner un sens aux faits

“Nous ne sommes savants que de la science présente”, Michel Eyquem de Montaigne, Essais, 1580.

La carcinogénicité des xénobiotiques relève de la compréhension de l’incertitude. Établir des faits expérimentaux ou d’observation, utiliser des moyens fiables de les interpréter notamment les probabilités pour déterminer l’absence ou l’existence de liens de cause à effet résume le but de la science. Les insectes, les animaux en particulier les oiseaux, les micro-organismes et les mauvaises herbes détruisent ou consomment entre 20 et 48 % de la production annuelle agricole. C'est évidemment considérable. Le glyphosate est utilisé comme biocide végétal. Il est moins toxique que les produits chimiques courants tels que l'aspirine, avec une DL50 chez le rat supérieure à 5 g par kg-1 (http://www.msal.gob.ar/agroquimicos/pdf/Williams-et-al-2000.pdf) mais est il cancérigène?

Le risque de cancer lié au glyphosate chez l’homme
Les biocides doivent être toxiques pour la cible mais ne pas provoquer de cancer chez l’humain, agriculteur, utilisateur ou consommateur d’aliments traités. Les études animales sont seulement des signaux de risque car chez les rongeurs (rats et souris sont les plus utilisés) le risque de cancer peut être majoré ou au contraire réduit par rapport à l’humain (http://www.nature.com/nrc/journal/v5/n10/full/nrc1715.html). Peu d’agents carcinogènes pour les rongeurs ont été établis comme étant clairement carcinogènes pour les humains et vice versa. C’est pourquoi les études humaines sont essentielles. Le glyphosate a été évalué comme les autres pesticides dans le cadre de l’Agricultural Health Study (AHS) depuis les années 1990 sur environ 89000 agriculteurs et leurs familles de l’Iowa et de la Caroline du nord. Les autres pays gros utilisateurs de pesticides en Europe non jamais conduit de telles études alors qu'il existe des bases de données dans les systèmes de soins européens qui permettrait certainement d’importer des données de grande qualité sur ce sujet. Les séries observationnelles de l’AHS, dont les données sont disponibles pour les chercheurs du monde entier (https://aghealth.nih.gov/collaboration/index.html), n’ont jamais démontré qu’il existât une augmentation du risque de cancer avec l’utilisation du glyphosate chez les agriculteurs, personnes les plus exposées. Une autre évaluation globale des pesticides dans l’AHS a été réalisée en 2010 et à nouveau le glyphosate a été mis hors de cause concernant le risque de cancer (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2920083/). Les études concernant les personnes indirectement exposées (familles d’agriculteurs ou d’ouvriers de production) ou les consommateurs n’ont pas mis en évidence d’augmentation de risque. La FAO et l’OMS en 2015 concluent:

“Compte tenu de l'absence de potentiel cancérigène chez les rongeurs à des doses significatives pour l'homme et de l’absence de génotoxicité par voie orale chez les mammifères et compte tenu des preuves épidémiologiques des expositions professionnelles, la réunion a conclu que le glyphosate est peu susceptible de poser un risque cancérigène pour les humains par ingestion alimentaire” (http://www.fao.org/3/a-i5693e.pdf). Devant ces résultats et d’autres études expérimentales l’IARC a annoncé en Juin 2015 que le glyphosate est probablement cancérigène pour les humains (http://dx.doi.org/10.1016/S1470-2045(15)70134-8). K. Guyton, toxicologue et un des auteurs de l'étude, a déclaré: «Dans le cas du glyphosate, parce que la preuve chez les animaux de laboratoire était suffisante et que la preuve chez l'homme était limitée, cela le place dans le groupe 2A". Une des études souvent citée à propos du glyphosate (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19672767) démontre une action génotoxique faible et transitoire chez les travailleurs agricoles mais sans qu’un lien de causalité puisse être établi. L’EFSA a un avis différent (https://www.efsa.europa.eu/sites/default/files/4302_glyphosate_complementary.pdf) considérant que chez l’humain le risque observé de cancer induit par le glyphosate est très faible et que les liens de causalité sont inexistants.


Les avis contradictoires des agences sont ils le signe d’un risque caché?
Il n’y a en réalité pas de contradiction entre ces deux avis, si l’on considère les missions et les critères retenus par l’IARC d’un côté et les agences européennes et américaine de l’autre. Tout d’abord les agences en question ne font pas de recherche. La première a la responsabilité d'identifier un risque potentiel de cancer sans le quantifier mais en établissant une échelle de vraisemblance; les autres ont la responsabilité de définir quel est le risque réel pris par la population. Cette question de la différence entre le risque absolu en laboratoire ou dans des études limitées et le risque réel dans la vie humaine est essentielle. Par exemple le café a été réévalué par l’IARC en juin 2016 alors qu’il était considéré précédemment comme cancérigène (https://www.iarc.fr/en/media-centre/pr/2016/pdfs/pr244_E.pdf).
Dans le cas du Glyphosate et contrairement à d’autres pesticides il n’existe aujourd'hui que des suspicions concernant un type particulier de cancer (les lymphomes non hodgkiniens) et ces suspicions n'ont jamais été prouvées par les meilleures études dont nous disposons. Le Glyphosate comme tous les biocides est sous surveillance toutefois son bénéfice-risque est certainement un des meilleurs de tous les herbicides issus de la chimie organique. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles il est le plus utilisé.


La société civile a besoin d’une recherche de qualité et de données ouvertes
Dès lors que la recherche publique et académique est faible, il n'est pas étonnant que la médiatisation soit irrationnelle voire hystérique et que des groupes de pression s’en emparent pour faire avancer leur cause (https://www.generations-futures.fr/wp-content/uploads/2017/04/GLYPHOSATE_1_0604172.pdf) (http://www.reuters.com/article/us-health-europe-glyphosate-idUSKBN17F0S1). C’est ce que l’on observe. Un des arguments des opposants aux pesticides est bien évidemment le principe de précaution. Il ne peut y avoir de principe de précaution universel contre toute incertitude née de l’action humaine en général. Une telle approche condamnerait toute évolution économique, scientifique et in fine pourrait entraîner des crises graves dans des populations où l’abondance alimentaire n'est pas la règle.

A la vérité nous sommes, concernant le glyphosate en face de ce que l’on appelle la suspicion d’un faible risque concernant un cancer particulier, risque qui n’est pas observé dans les cohortes les plus importantes. La meilleure réponse à l'incertitude sur les faibles risques c'est bien évidemment l’innovation. L’innovation organisationnelle qui permet de recueillir des données exhaustives et l’innovation fondamentale qui permet de tracer l’action cellulaire des biocides chez l’humain en exposition réelle (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4589117/).


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N'oublions pas que s'il y a aujourd'hui des molécules particulièrement surveillées ce sont les pesticides. La pollution environnementale est pourtant riche d'un grand nombre d’autres molécules dont la présence est parfois insoupçonnée dans certains milieux ce qui entraîne des biais importants. Pour un consommateur d'aliments le glyphosate ne représente pas un risque significatif de cancer à la différence des causes reconnues que sont le tabac, l’alcool, les radiations, les virus, l’obésité, les traitements hormonaux, l’inflammation chronique et le manque d'exercice. Pour les carcinogènes chimiques il est préférable de se concentrer sur les carcinogènes certains dont la liste fait l’objet d’un consensus (https://www.cancer.org/cancer/cancer-causes/general-info/known-and-probable-human-carcinogens.html).



https://www.reuters.com/article/us-glyphosate-cancer-data-specialreport/special-report-cancer-agency-left-in-the-dark-over-glyphosate-evidence-idUSKBN1951VZ?utm_campaign=Storylift+-+1LPNZ-O5&utm_source=Storylift&utm_medium=1LPNZ-O5&utm_content=A

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