mardi 1 mars 2016

La dépense sociale française

Ce sont des chiffres qu’on finit par oublier mais qui, lorsqu’ils apparaissent dans les derniers tableaux de l'économie française dévoilés ce mardi 1er mars par l’Insee, laissent songeur. Depuis plus d’un demi-siècle, le poids des prestations sociales dans les revenus des Français n’a cessé d’augmenter. Au point d’atteindre un niveau sans équivalent dans le monde. Comme le montre le tableau de l'Insee ci-dessous, elles représentent désormais 35% du revenu disponible brut des ménages contre 13,8% en 1949. Au total en 2014, les dépenses de protection sociale ont atteint la somme rondelette de 688,9 milliards d'euros (voir le détail dans l'encadré). 

La hausse est quasiment continue depuis 1950 avec une accélération forte cependant depuis 2008. Le palier des 20% a été atteint en 1966, celui des 30% en 1995 et à ce rythme-là on pourrait atteindre les 40% dans les années 2020. Depuis 30 ans, cette redistribution typiquement française de la richesse nationale n'a baissé que trois fois. Sur les périodes 1988-1990, 1999-2001 ainsi que 2005-2008. Des périodes fastes pour l'économie française notamment marquées par un recul du chômage.

Première cause: le vieillissement de la population

Plusieurs raisons expliquent cette flambée des prestations. La première raison est à chercher du côté de la pyramide des âges. Car les retraites sont évidemment avec 270 milliards d'euros versés en 2013 le plus gros poste de ces dépenses. La population des plus de 60 ans qui représentait à peine 16,2% de la population française en 1950 devrait atteindre cette année les 25%. Or, le revenu de ces populations provient principalement des prestations sociales. "La hausse des prestations entre les années 50 et 80 s'explique par un changement dans les régimes de retraite, explique Ronan Mahieu, le chef du département des Comptes nationaux de l'Insee. Ils ont concerné une population de plus en plus large. A partir des années 90, il y a un effet pyramide des âges avec le "papy boom"." Un vieillissement de la population qui a par ailleurs fait gonfler les autres postes de dépenses sociales comme la maladie, la dépendance, l'invalidité etc. 

La deuxième raison n'est pas démographique mais économique. La très forte hausse du chômage qui concerne désormais 5 millions de Français a mécaniquement fait gonfler les dépenses. Incapable de recréer une dynamique menant au plein emploi, l'Etat a fait le choix de la redistribution pour soutenir les chômeurs plutôt que des réformes structurelles. Problème, si ces dépenses jouent le rôle d'amortisseurs sociaux en cas de crise (en soutenant la consommation par exemple), le niveau élevé des prélèvements handicape la reprise ou la bloque littéralement. C'est ce qui se passe en France depuis 2012, note la direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques (Drees) dans une étude. Le niveau de prélèvement devient si élevé qu'il appauvrit désormais plus les contributeurs qu'il ne permet aux bénéficiaires de voir leurs revenus compensés.

Les Français trouvent ça injuste

La dernière raison enfin est sociétale. Le délitement de la famille qui n'est plus comme auparavant le lieu de la solidarité. Et c'est, une fois encore, l'Etat qui est appelé à la rescousse. D'où la flambée de certains types de prestations financées par des prélèvements obligatoires, comme celles liées à la pauvreté, l'exclusion, le logement...

Et les Français ont une relation paradoxale avec l'Etat. D'un côté ils exigent de lui de la solidarité, de l'autre, ils estiment que le système ne fonctionne plus. Selon la Drees, le sentiment d'injustice a fortement progressé entre 2000 et 2013 dans l'Hexagone passant de 72 à 77%. Par ailleurs, 53% considéraient en 2013 que la dépense sociale constituait un frein pour sortir de la crise, contre 45% en 2009. S'ils sont lucides, ils ne sont pour autant que 30% à accepter une éventuelle baisse de leurs prestations pour limiter leurs cotisations. L'instauration d'un revenu universel pour tous les Français comme l'a fait la Finlande permettrait peut-être de résoudre la quadrature du cercle.

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