mercredi 1 octobre 2008

Les mandarins et la société de connivence et de privilèges

Faut-il supprimer les mandarins ? Et bien aujourd'hui plus qu'hier et moins que demain!
Il ne faut rien ajouter à ce pseudoplaidoyer qui (mais l'auteur s'en rend il compte?) est exactement ce qu'il faut dire pour discréditer les hospitalo-universitaires nommés à vie et chef de service de surcroît.
Bernard DEBRE
Docteur en médecine, professeur des universités, chef de service d'urologie de l'hôpital Cochin, chef de service à l'hôpital East de Shanghai et membre du Comité national d'éthique pour les Sciences de la vie et de la recherche.

L'exemple de mon grand-père Robert Debré a ancré en moi la conviction que les mandarins sont plus que nécessaires au fonctionnement du système médical français. La médecine et la recherche ont besoin de patrons, de personnalités propres à faire respecter l'organisation du service, à impulser de nouvelles recherches, à décrocher des subventions ou à conserver des budgets, à lutter contre le pouvoir grandissant de l'administration, à déceler les talents et à les mettre en concurrence les uns avec les autres. Car, soyons francs, comment fonctionne un service hospitalier ? En chirurgie par exemple, un bon coup de bistouri ne suffi t pas à faire d'un professeur un chef de service. Il faut apprendre à écarter parfois brutalement ses concurrents. Il faut également connaître les rudiments de la brosse à reluire envers l'actuel patron, apprendre à le seconder, puis à devenir un second ex aequo. Le jour de son départ, son poste vous échoit, si aucun élément inattendu ne vient perturber le déroulement logique des choses. Et des événements inattendus (un changement politique, une rumeur de réforme), il y en a tout le temps. Le poste de chef de service et le « statut » de mandarin n'ont certes plus rien à voir avec les « empires » sur lesquels régnaient les grands patrons du XXe siècle, comme Robert Debré en pédiatrie, ou Jean Hamburger dans le domaine de la néphrologie. Nous ne sommes plus qu'à la tête de petites principautés que nous devons faire prospérer sur les plans intellectuel et scientifique en multipliant les initiatives et en endossant les responsabilités correspondantes. Ce qui suppose un minimum d'autorité. Cela nous vaut souvent d'être qualifiés de petits dictateurs, infime désagrément auquel on s'habitue très facilement et qui ne pèse pas lourd face à la satisfaction que procurent le réussites scientifiques et médicales. Pour en terminer avec les mandarins, je citerai l'exemple atypique du professeur Alexandre Minkowski, pur produit du système mandarinal. Il était un disciple de Robert Debré qui avait décelé en lui une âme de chercheur et lui avait obtenu une bourse à la Fondation Rockefeller à New York en 1946. En 1975, dans un livre qui connaîtra un grand succès public, il décrira à sa façon, iconoclaste, un système où les mandarins en prennent pour leur grade : « Je ne crois pas que mon cas personnel soit typique. La majorité des mandarins ont des carrières extrêmement faciles. Le meilleur moyen de devenir mandarin est d'être fils de mandarin. Il s'est trouvé ainsi que des hommes qui avaient été mes externes ont, plus tard, fait partie de mes jurys de concours de médicat des hôpitaux. Une deuxième voie d'accès au titre de mandarin est d'être le valet de son patron, le Leporello de Don Juan, le tâcheron, l'homme qui fait tout, qui ne dit jamais non, qui ne contredit jamais. Ce domestique-là a de grandes chances d'être mandarin aussi. Lorsqu'il arrive à être enfin un Don Juan, il n'a rien de plus pressé que de s'entourer de Leporello la permanence du système est ainsi assurée » (Le Mandarin aux pieds nus). Ce réquisitoire, qui ne manque pas de force, serait-il recevable s'il émanait d'un autre que Minkowski ? Je ne le crois pas. Car pour critiquer les mandarins, qui ne sont pas des saints, loin de là, il faut en être un soi même, afin que cette critique soit, ipso facto, exempte de jalousie.
Mais pourquoi faudrait-il les accuser ? Et de quoi, après tout ? De trop bien faire leur métier puis de s'être hissés au sommet de la notoriété ? De participer au rayonnement de la médecine française dans le monde ? De former grâce à leur enseignement tant de futurs médecins, en France comme à l'étranger ? Veut-on les accuser de trop bien faire avancer la recherche ? Voyez ce paradoxe : quand une « première » médicale est réalisée, les journalistes se précipitent pour encenser le « mandarin »: la première greffe du coeur ou du foie, les greffes de mains ou de bras... Pendant cette période de « grâce » médiatique, les grands patrons sont portés au pinacle. Mais dès que les feux de la rampe s'éteignent, les accusations reprennent, le mandarin redevient l'homme à abattre...
Ne serait-il pas temps de changer de mentalité ? Car tandis que nous perdons notre temps dans des querelles subalternes, notre médecine, petit à petit, perd son rang mondial, notre recherche marque le pas, et nos jeunes espoirs s'expatrient dans des pays où ils sont considérés et aidés.
Si l'on veut de bons médecins, gardons nos grands patrons !
Il est vrai que depuis 1958 les deux seuls prix Nobel de Médecine ont été deux non mandarins cela permet de comprendre que ce système est inefficace et onéreux. Pour ceux qui voudraient approfondir je suggère la lecture du rapport sur la recherche en médecine du doyen Even. enfin pour ceux que le sujet intéresse voici un autre texte:
Le localisme dans le monde académique :
un essai d’évaluation1
Olivier GODECHOT
Alexandra LOUVET
et pour continuer un excellent dossier:
http://www.lesechos.fr/info/sante/300190238-le-sombre-bilan-de-la-recherche-biomedicale-francaise.htm

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